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Fluctuations de densité supraconductrice : modèle d’Aslamazov-Larkin 51

Étape 7 : Dépôt d’une Top Gate

2.2 Montage expérimental

3.1.1 Fluctuations de densité supraconductrice : modèle d’Aslamazov-Larkin 51

d’Aslamazov-Larkin

Dans un supraconducteur, la suppression de la résistance à T < TC est due à la for-mation de paires de Cooper condensées dans un état de type BCS. À T > TC par contre, lorsque l’on approche de la température supraconductrice, des paires de Cooper com-mencent à se former mais celles-ci ne sont pas stables dans le temps et dans l’espace : elles sont rapidement détruites par les fluctuations thermiques. La densité d’électrons supra-conducteurs est décrite par des fluctuations gaussiennes, qui apportent une contribution à la conductivité appelée paraconductivité. Celle-ci est donnée par la formule d’Aslamazov-Larkin, dite AL [12] [42] : ∆σ2DAL = e2 16~d ∆σ3DAL = e2 32~ξ0 (3.1)

où  = (T − TC)/TC proche de la transition dans la théorie de Landau (ou bien

 = ln(T /TC) ≈ (T − TC)/TC dans la théorie BCS), d est l’épaisseur du matériau 2D et

ξ0 est la longueur de cohérence supraconductrice. La conductivité totale du matériau est alors donnée par σ(T ) = σnormal+ ∆σAL. Pour un gaz 2D supraconducteur faiblement localisé (σnormal ≈ constante), on peut donc écrire la résistance par carré RS = ρ/d à

T & TC sous la forme :

RS(T ) = RN  1 −RN RC 1 16 TC T − TC  (3.2) où RN représente la résistance par carré du gaz 2D dans l’état normal, et RC = ~/e2 = 4114Ω est le quantum de résistance.

Si l’on essaye d’ajuster cette formule à nos mesures, le résultat n’est pas satisfaisant, comme le montre la figure 3.2 : à VBG = -5V où la TC est maximale et la transition la plus raide, la formule (3.2) donne une transition beaucoup trop raide pour reproduire les mesures. La paraconductivité d’Aslamazov-Larkin seule ne permet donc pas d’expliquer la transition supraconductrice observée.

En réalité, cette expression de la paraconductivité à 2D est valable pour des systèmes quasi-bidimensionnels, ce qui pourrait par exemple être le cas d’un cuprate à haute

tem-52 Chapitre 3. Supraconductivité bidimensionnelle inhomogène

pérature critique fait d’empilements de plans CuO supraconducteurs, comme le suggèrent certaines études [42]. Pour un système purement 2D, la transition est en fait dominée par la physique du modèle BKT, que nous allons à présent détailler.

0 . 0 0 . 1 0 . 2 0 . 3 0 . 4 0 . 5 0 . 6 0 . 7 0 . 8 0 . 9 1 . 0 1 . 1 1 . 2 1 . 3 0 . 0 0 . 2 0 . 4 0 . 6 0 . 8 1 . 0 1 . 2 R S ( k / ) T ( K ) R S A L T C = 3 0 0 m K

Figure 3.2 – Résistance par carré en fonction de la température de l’échantillon A au sommet du dôme supraconducteur (VBG= -5V) (ronds noirs), et ajustement par la formule (3.2).

3.1.2 Fluctuations de phase : transition de Berezinskii-Kosterlitz-Thouless

3.1.2.1 Théorie

Pour un système purement bidimensionnel, le théorème de Mermin-Wagner prévoit qu’aucun ordre à grande distance ne peut s’établir même à T < TC, car les fluctuations empêchent la transition d’avoir complètement lieu [75]. Tout le régime de température 0 < T < TC est en réalité un régime de fluctuations, où règne un quasi-ordre à longue distance : la moindre excitation élémentaire (modes de Goldstone) suffit à détruire l’ordre à longue distance.

Berezinsiki d’une part [24, 23], et Kosterlitz et Thouless d’autre part [92] ont montré que pour un système 2D, des excitations élémentaires pouvaient se former spontanément sous forme de défauts topologique, tels des vortex. En effet, leur énergie de formation est très faible à deux dimensions, et l’on comprend bien qu’il est très facile de "percer" un film mince supraconducteur avec un quantum de flux magnétique. A champ magnétique nul, le moment global du gaz 2D supraconducteur est nul, et l’on a donc exactement autant de vortex (de flux +Φ0) que d’anti-vortex (de flux −Φ0). Il existe alors une température cri-tique, appelée température de Kosterlitz-Thouless TKT, séparant deux régimes distincts :

3.1. Transition BKT inhomogène 53

— À T > TKT, les vortex sont mobiles. Ils peuvent être considéré comme des par-ticules libres formant un liquide de vortex. Lorsqu’un courant électrique parcourt l’échantillon, un vortex sera alors mis en mouvement dans une direction perpen-diculaire au courant par le champ magnétique induit sous l’effet de la force de Magnus. Un vortex se forme donc sur un bord du canal conducteur, puis le traverse perpendiculairement au courant jusqu’à ressortir de l’autre côté de l’échantillon. À chaque fois qu’un vortex naît, traverse l’échantillon et meurt, la différence de phase entre les deux côtés de l’échantillon est augmentée de 2π, soit le tour de phase correspondant à une vorticité de 1, comme le montre le schéma 3.3. La tension aux bornes de l’échantillon étant proportionnelle à la dérivée de la différence de phase, celle-ci prend une valeur finie et une résistance résiduelle apparaît, proportionnelle à la densité de vortex libres.

I

force

de Magnus

vortex

Figure 3.3 – Sous l’effet d’un courant I, des vortex naissent, traversent l’échantillon et meurent, induisant une différence de phase de 2π.

— À T < TKT par contre, vortex et antivortex, qui sont présent exactement en même quantité, s’attirent et forme des paires vortex-antivortex, comme l’illustre le schéma 3.4. Ces molécules ont un moment magnétique résultant nul, et ne se déplacent plus sous l’effet d’un courant électrique. La résistance au bornes de l’échantillon est donc nulle, et un état supraconducteur s’installe : les excitations élémentaires du système sont "piégées" sur ces paires vortex-antivortex fixes, lui permettant d’être globale-ment supraconducteur.

La transition BKT (formation et mouvement de vortex) concerne les fluctuations de la

phase du paramètre d’ordre supraconducteur, décrite par le modèle XY . Celle-ci ne peut

bien sûr avoir lieu qu’une fois que le paramètre d’ordre est bien établi, avec un module — c’est-à-dire une densité supraconductrice — non nul, ce qui est le cas uniquement en-dessous de la transition BCS qui à lieu à TC. On a donc toujours TKT < TC, et le régime de circulation des vortex prend place à TKT < T < TC.

54 Chapitre 3. Supraconductivité bidimensionnelle inhomogène

vortex antivortex

+2π -2π

paire liée

Figure 3.4 – Schéma d’une paire liée vortex-antivortex. Les flèches représente l’orientation de la phase supraconductrice en un point donné.

3.1.2.2 Calcul de la paraconductivité

Dans ce paragraphe nous allons détailler le calcul de la résistance résiduelle associée à la circulation de vortex.

Lorsqu’on est suffisamment en-dessous de TC (paramètre d’ordre bien établi) et suffi-samment proche de TKT, c’est-à-dire à 06 t  tC, où l’on définit t = T −TKTTKT la distance à la transition BKT et tC = TC−TKT

TKT l’écart entre les deux transitions, la longueur de cor-rélation ξ — c’est-à-dire la longueur d’écrantage, au-delà de laquelle l’interaction effective entre deux vortex est négligeable — suit une loi exponentielle :

ξ = ξ01 Aexp b s TC− TKT T − TKT ! (3.3) où A et b sont des paramètres a priori libres, de l’ordre de 1.

La tension résiduelle ∆V liée à la différence de phase supraconductrice ∆θ apparaissant aux bornes de l’échantillon est donnée par l’équation Josephson :

∆V = Φ0

d(∆θ)

dt (3.4)

où Φ0 = 2eh est le quantum de flux magnétique. Pour un échantillon de longueur L possédant une densité de vortex libres nf dérivant à la vitesse vD transversalement au courant, le nombre de vortex sortant de l’échantillon entre t et t + dt vaut (nfL) × (vDdt). Chaque vortex sortant apportant un tour de phase de 2π au bornes de l’échantillon, la variation de la différence de phase est donnée par :

d(∆θ)

dt = 2πnfLvD (3.5)

Un vortex, porteur d’un quantum de flux ±Φ0 (+ pour un vortex, − pour un anti-vortex), dérive perpendiculairement au courant sous l’effet de la force de Magnus −→

f =

±Φ0z ∧jS, où−→

jS est la densité surfacique de courant. D’autre part, la friction que ren-contrent les vortex lors de leur déplacement peut s’exprimer en définissant leur mobilité

3.1. Transition BKT inhomogène 55

µ telle que −vD = µ−→

f . À l’aide des équations (3.4) et (3.5) ci-dessus, le champ électrique

régnant dans l’échantillon est donc donné par :

F = ∆V

L = Φ

2

0nfµjS (3.6)

On peut alors calculer la conductance résiduelle finie due au mouvement des vortex

σS, définie par−→

jS = σS−→

F :

σS = 1

Φ20nfµ (3.7)

Pour un supraconducteur BCS 2D dans la limite sale, la mobilité des vortex a été cal-culée théoriquement et vérifiée expérimentalement. Elle est liée à la longueur de cohérence supraconductrice ξ0 et à la conductivité dans l’état normal σN par la formule [1] :

µ =

Φ20

ξ02

σN

(3.8) D’autre part, la densité surfacique de vortex libres nf est conventionnellement définie en fonction de la longueur de corrélation ξ. ξ étant la distance caractéristique entre 2 vortex voisins en interaction, on rencontrera un seul vortex sur une surface de l’ordre de

πξ2. La densité de vortex est donc l’inverse de cette surface. Plus précisément :

nf = 1

2πξ2 (3.9)

En rassemblant les formules (3.7), (3.8), et (3.9) ci-dessus, on a alors :

σS = σN 1 2πnfξ0 = σN ξ ξ0 2