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1.2 Comportement mécanique du sel gemme

1.2.2 Fluage à long terme

Les modèles précédents peuvent être classés en deux grandes familles selon qu’ils ad- mettent ou non l’hypothèse d’existence d’un état de fluage stationnaire. En faisant cette

hypothèse, si on impose une contrainte constante sur un échantillon, alors après une phase transitoire où la vitesse de fluage décroît, on tend vers un régime à vitesse de déformation constante. Les modèles qui n’admettent pas cette hypothèse supposent que la vitesse dé- croît continuellement en raison de l’écrouissage.

Les essais de laboratoire ne permettent pas d’opter définitivement pour l’une ou l’autre des hypothèses. Néanmoins, tous les modèles proposés pour le sel s’accordent sur quelques points. Ils admettent tous que la déformation sous charge constante n’est pas bornée, et qu’elle tend vers l’infini même si sa vitesse décroît. Ils admettent également que le seuil d’écoulement est très faible, voire nul. D’autre part, ils constatent que la vitesse de défor- mation est fortement non linéaire en fonction de la contrainte et de la température.

Formulation Commentaire Référence

ε = A + B log(t) + Ct Essai de compression uniaxial Griggs, 1939

ε = A + Btn Essai de compression triaxial Le Comte, 1965

˙ε = A exp(1 + Bt) Essai in situ Muir et Cochran, 1966

Tab. 1.1 – Quelque lois empiriques (Linder et Brady, 1981)

Ces points communs sont d’une importance capitale pour la prévision du comporte- ment à long terme des excavations souterraines, et réduisent la divergence entre les divers points de vue. Ils assurent, en effet, que si ces excavations sont soumises à une conver- gence libre, sous l’effet d’une pression interne inférieure à la pression lithostatique, leur convergence ira jusqu’à leur fermeture complète, ce qui est un résultat important pour les projets de stockage.

La loi empirique la plus utilisée admettant un écrouissage continu pour le sel gemme est la loi en qui a été proposée par Lemaitre (1970) et Menzel-Schreiner (1977). Cette

loi a l’avantage de traduire toute la courbe de fluage par une seul expression, sans avoir à distinguer une phase transitoire et une phase stationnaire.

Les modèles admettant le fluage stationnaire trouvent, par contre, leur justification dans des réflexions théoriques sur les mécanismes de déformation à l’échelle microscopique (Munson et Dawson 1984 [10], Carter et Hansen 1983 [14], Langer et al. 1984 [15]). Ils sont fondés sur l’idée suivant laquelle en imposant une charge constante sur le matériau, sa structure interne change et atteint, au bout d’une phase de fluage transitoire un nou- vel état stable. Dans cet état stable, les mécanismes qui ont tendance à faire décroître la vitesse de fluage (écrouissage) et ceux qui tend à l’accroître (recouvrement) sont en équilibre, ce qui caractérise un régime stationnaire. Les paramètres caractérisant la struc- ture interne sont principalement la densité des dislocations dans les grains et la taille des sous-grains formés par la polygonisation.

En supposant que la vitesse de fluage devient constante à partir d’un certain moment, les modèles avec fluage stationnaire augmentent la convergence des ouvrages souterrains

par rapport aux modèles avec écrouissage. Cette convergence est gênante pendant la pé- riode de construction et d’exploitation de ces ouvrages. L’hypothèse du fluage stationnaire est donc pessimiste de ce point de vue et son utilisation rend les calculs de dimensionne- ment de ces ouvrages plus exigeants.

L’hypothèse de l’existence d’un fluage stationnaire à long terme va donc dans le sens de la sécurité, et c’est une des raisons pour lesquelles elle sera adoptée dans la suite.

Les lois de fluage stationnaire varient suivant les mécanismes élémentaires de déforma- tion (dislocation glide, dislocation climb, cross-slip, etc.) qui correspondent aux différents niveaux de température et de contrainte. En général, dans le cas des cavités salines, le fluage stationnaire est plutôt régi par le mécanisme de dislocation climb. Ainsi la loi de fluage stationnaire concernée peut se traduire dans un premier temps sous la forme d’un produit d’une fonction de la contrainte déviatoriqueσ et d’une fonction de la température T :

˙ε = f(σ) · h(T ) (1.43) En tenant compte d’une gamme de contrainte et de température plus large, certains mo- dèles s’expriment sous la forme d’une somme de plusieurs produits f (σ)· h(T ), ce qui

indique qu’ils supposent que plusieurs mécanismes élémentaires de déformation sont en jeu (Gangi et al., 1981 [16], Langer 1981 [17] et Munson et Dawson, 1984 [10]).

L’influence de la temperature est exprimée couramment par la loi d’Arrhéniusexp(−RTQ ). Certains l’expriment par une loi en puissanceTm.

Tijani (1988)[18] multiplie l’expression d’Arrhénius par des termes correctifs sous forme d’un polynôme en T . D’autres expressions purement empiriques ont également

été proposées pour mieux ajuster les données expérimentales.

En s’inspirant du fluage des métaux, la plupart des modèles expriment l’influence de la contrainte déviatorique par une loi en puissance σn. Certains auteurs (voir Kauzmann,

1941 [19] et Aubertin et al., 1987 [20]) utilisent, en raison de certaines considérations phénoménologiques, d’autres lois comme sinh(σ).

Ainsi en combinant la loi d’Arrhénius avec une loi puissance, on obtient le modèle de fluage stationnaire de Norton-Hoff sous la forme unidimensionnelle :

˙εvp = A exp  Q RT  σn (1.44)

˙εvpest la vitesse de déformation d’une éprouvette cylindrique soumise à une contrainte déviatorique σ. La température absolue est notée T et les trois constantes A,Q et n dé-

pendent du matériau. Le cas particulier où n = 1 est dit "newtonien".

De nombreux travaux (Weertman et Weertman, 1975 [21], Pouya 1991 [22]) ont étudié la validité d’une telle loi pour décrire le comportement à long terme du sel gemme sous des contraintes moyennes (5 - 15 MPa) et une température élevée (>0,4 fois la température de fusion). Mais l’extrapolation de cette loi aux petites contraintes (0,1 MPa), avec les

constantes A et n déduites d’essai dans la gamme de contraintes 5 - 15 MPa, conduit à

des vitesses 105 fois moindres que les vitesses mesurées (voir Bérest et al. (2004)[25]). Wawersik (1988)[50] a proposé une formulation en puissance de la contrainte pour les températures inférieures à 160˚C : ˙εvp = Dσ A Q RT (1.45) oùD et A sont des constantes.

Burke (1968)[23] et Carter et Heard (1970)[24] ont proposé la loi suivante en pre- nant le mécanisme dit de dislocation glide comme le mécanisme dominant sous les fortes contraintes déviatoriques (> 15 MPa) :

˙εvp= C exp  Q RT  sinh(Bσ) (1.46)

B et C sont constantes.

Dans tous les cas un modèle de fluage stationnaire doit être complété par un modèle de fluage transitoire pour pouvoir tenir compte du comportement à court terme.