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La différence dans la géologie de cette portion du territoire explique en grande partie la répartition des espèces menacées ou vulnérables dans les régions couvertes par ce guide. Si les espèces calcicoles sont en vedette, les espèces fréquentant des habitats acides comme les complexes dunaires et les tourbières ne sont pas à négliger.

Sur les 383 espèces menacées ou vulnérables du Québec, 63 sont présentes dans les deux régions administratives couvertes dans ce guide. Elles sont représentées par un peu plus de 400 occurrences. Puisque le territoire appartient dans sa quasi-totalité au Bouclier canadien, sa flore devrait être relativement banale et peu diversifiée. Cependant, quelques secteurs composés de vestiges de formations calcaires paléozoïques, dont l’Anticosti-Minganie et les environs de Blanc-Sablon sont les plus importants en superficie, se différencient nettement par la présence d’une flore particulière. Celle-ci a attiré l’attention des botanistes depuis le début du 19e siècle et a été rendue célèbre par les explorations de M. L. Fernald et des frères Marie-Victorin et Rolland-Germain dans la première moitié du 20e siècle. Ces roches ont permis le maintien de nombreuses espèces calcicoles, dont certaines d’affinité cordillérienne ou arctique-alpine. La majorité de ces dernières représentent des cas intéressants de répartition disjointe ou endémique. Pour expliquer leur présence autour du golfe du Saint-Laurent, si loin de leur aire principale, des hypothèses phytogéographiques souvent fort controversées ont été émises, comme la célèbre théorie des nunataks.

Une flore particulière liée au calcaire

Les habitats ouverts de l’Anticosti-Minganie et de la région de Blanc-Sablon regroupent la majorité des espèces menacées ou vulnérables présentes dans le territoire ainsi que celles qui sont les plus importantes au point de vue phytogéographique (figures 10 à 12). En effet, sur les 63 taxons menacés ou vulnérables présents dans le territoire, une quarantaine sont retrouvés en Anticosti-Minganie et à Blanc-Sablon. Sept de ces éléments ne sont connus, au Québec, que de l’Anticosti-Minganie : le chardon écailleux (Cirsium scariosum var. scariosum), le cypripède œuf-de-passereau (Cypripedium passerinum) le pissenlit du golfe Saint-Laurent (Taraxacum laurentianum), la lesquerelle arctique (Physaria arctica var. arctica), la braya délicate (Braya humilis), le trichophore nain (Trichophorum pumilum) et le cypripède à pétales plats (Cypripedium parviflorum var. planipetalum). Deux autres, l’astragale de Fernald (Astragalus robbinsii var. fernaldii) et l’orge des prés (Hordeum brachyanthrum subsp. brachyantherum) ne sont connus que de Blanc-Sablon. La fétuque de Fredericksen (Festuca frederickseniae) est présente aux deux endroits. Quelques plantes endémiques également présentes en Gaspésie se retrouvent dans l’un ou l’autre de ces territoires : l’aster d’Anticosti (Symphyotrichum anticostense), dont la localité type est située à la rivière Jupiter sur l’île d’Anticosti, la drave à graines imbriquées (Draba pycnosperma) et le vélar du golfe Saint-Laurent (Erysimum inconspicuum var. coarctatum), originalement décrit d’après des spécimens des îles de Mingan.

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Figure 10. Lande sur cailloutis calcaire sur l’île Niapiskau, habitat typique de plusieurs plantes menacées ou vulnérables de la Minganie.

L’Anticosti-Minganie est remarquable par le nombre de plantes à répartition disjointe que l’on y trouve. Plusieurs possèdent une répartition centrée dans l’ouest du continent, le cas le plus extrême étant le chardon écailleux, dont les populations des îles de Mingan sont distantes de plus de 3 000 km de l’aire principale située dans les montagnes Rocheuses. D’autres espèces possèdent une affinité arctique et sont ici à l’extrême sud de leur aire de répartition.

C’est le cas de deux petites crucifères colonisant les platières caillouteuses de certaines rivières de la rive sud d’Anticosti : la lesquerelle arctique et la braya délicate. Ces plantes colonisent des habitats maintenus ouverts par l’action des crues printanières ou du gel et du dégel, ressemblant ainsi aux habitats de toundra. Étonnamment, l’île d’Anticosti compte également plusieurs espèces méridionales, isolées par des centaines de kilomètres au nord de leur aire normale. C’est le cas par exemple du cypripède tête-de-bélier (Cypripedium arietinum), dont les occurrences les plus rapprochées sont situées en Nouvelle-Écosse et dans la région de Québec, et du carex compact (Carex sychnocephala), connu actuellement ailleurs au Québec seulement dans la région de Montréal et de l’Outaouais.

La végétation de la région de Blanc-Sablon, occupée par de vastes landes arbustives ou lichéniques, est caractérisée par un faciès de toundra arctique, attribuable au climat froid de cette partie du golfe du Saint-Laurent et aussi, probablement, à l’influence des feux. Les roches calcaires qui couronnent les collines sont très friables et se sont érodées en laissant, à des intervalles plus ou moins réguliers, une succession de monticules.

Photo : Line Couillard

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Figure 11. Platières, escarpements et talus d’éboulis calcaires sur la rivière Chicotte. Ce sont des habitats caractéristiques pour de nombreuses plantes rares à l’île d’Anticosti, dont la lesquerelle arctique, l’aster d’Anticosti et la busserole rouge.

Figure 12. Cernées au nord par le Bouclier canadien , les collines calcaires de Brador et les environs de Blanc-Sablon représentent le dernier refuge important de plantes calcicoles dans l’est du Québec.

Photo : Norman Dignard

Photo : Rodolph Balej

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C’est sur ceux-ci que se trouvent les plantes calcicoles. On y trouve des espèces endémiques ou à répartition disjointe, souvent présentes sur la côte ouest de Terre-Neuve, située à 18 km au large. Parmi les espèces les plus significatives, on note l’astragale de Fernald, une endémique locale, la fétuque de Fredericksen, une plante arctique, et l’alchémille filicaule (Alchemilla filicaulis subsp. filicaulis), une espèce boréale présente des deux côtés de l’Atlantique.

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