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Dans la section pr´ec´edente, nous avons pr´esent´e les diff´erentes d´egradations qui peuvent avoir lieu lors du vieillissement d’une chauss´ee. Nous nous concentrons `a pr´esent sur les endommagements de type fissuration. Suivant le type de structure, le chargement appliqu´e, les mat´eriaux utilis´es et les conditions environnementales, la fissuration apparaˆıt sous diff´erentes formes. L’observation de ces d´efauts et la connaissance de l’histoire de la structure permet de d´eterminer l’origine de l’endommagement.

4.2.1 Les diff´erentes causes de fissuration

La fissuration des chauss´ees est une d´egradation tr`es courante, qui a de multiples causes. [Colombier, 1997] a propos´e cinq familles de fissures selon l’origine de leur apparition :

– les fissures de fatigue : lorsque la chauss´ee a subi un trafic cumul´e sup´erieur `a sa limite, ce type de fissures peut apparaˆıtre. Toutes les couches de la structure peuvent ˆetre concern´ees ou ce ph´enom`ene peut ˆetre limit´e `a la couche de roulement uniquement.

– les fissures de retrait : si une couche de longueur suppos´ee infinie subit un retrait empˆech´e, une fissuration de retrait peut apparaˆıtre `a partir du moment o`u le frottement de cette couche sur le support est suffisant pour que la limite en traction soit atteinte. Le retrait peut ˆetre soit un retrait de prise, soit un retrait thermique. Ce ph´enom`ene a lieu essentiellement dans les couches `a base de liants hydrauliques mais peut exister aussi pour les mat´eriaux trait´es aux liants hydrocarbon´es lorsque les conditions climatiques sont s´ev`eres.

Consid´erons ce ph´enom`ene plus particuli`erement dans le cas d’une chauss´ee `a assise trait´ee aux liants hydrauliques. D`es la mise en place de ce mat´eriau et le d´ebut de sa prise, la couche d’assise est en traction uniforme sur toute l’´epaisseur. Le frottement sur le sol-support pro- voque alors l’apparition d’une fissure progressant du bas vers le haut. Simultan´ement, la diff´erence d’hygrom´etrie induit une fissure du haut vers le bas. Les fissures n’ont donc pas un sens de propagation privil´egi´e et la fissuration, mˆeme fine, de toute l’´epaisseur peut ˆetre tr`es rapide.

– les fissures li´ees aux mouvements du sol support : les mouvements du sol peuvent ˆetre pro- voqu´es par une r´eduction de portance du sol support, un tassement lent du support lorsque celui-ci est compressible ou mal compact´e, un glissement de terrain, une d´eformation du sup- port cr´e´ee par le gel, ...

– les fissures de construction : elles ont pour origine des erreurs de dimensionnement ou de construction.

– les fissures de vieillissement : le vieillissement des bitumes combin´e aux variations thermiques peut aussi ˆetre `a l’origine d’une fissuration. En effet le vieillissement des mat´eriaux bitumi- neux est plus s´ev`ere `a la surface et a pour cons´equence une augmentation du module de rigidit´e et une diminution de la capacit´e `a relaxer les contraintes.

Ce classement permet de consid´erer toutes les causes de fissuration, mais l’apparition d’une fissure sur une chauss´ee r´eelle est souvent due `a la combinaison de plusieurs ph´enom`enes.

Toutefois il n’y a pas un unique type de fissuration. Dans le chapitre pr´ec´edent nous avons d´ej`a vu les principaux ph´enom`enes susceptibles de causer une fissuration : la fatigue, le retrait, les mouvements du sol support, les d´efauts de construction et le vieillissement. La forme des fissures et la nature de la structure de chauss´ee repr´esentent ´egalement des ´el´ements permettant de comprendre leur apparition.

4.2.2 Les diff´erentes formes de fissuration

Les fissures sont en g´en´eral rectilignes longitudinales ou transversales. Une forme sinueuse et une orientation diagonale ou parabolique sont tr`es rarement observ´ees. La largeur des fissures peut aller de quelques dixi`emes de millim`etres jusqu’`a pr`es de 1cm, selon l’origine de la fissuration et son avanc´ee.

Figure 4.1. Les diff´erents aspects des fissures [Colombier, 1997]

branches, ou encore entrecrois´ees (d´egradation avanc´ee) (Fig. 4.1). Si on observe de fa¸con plus global le motif de fissuration, on peut consid´erer trois cas (Fig. 4.2) :

– les fissures sont isol´ees les unes des autres,

– les fissures longitudinales et transversales s’entrecroisent et forment des blocs,

– les fissures s’entremˆelent de fa¸con tr`es dense, on appelle “alligator cracking” ce type de fissuration.

Figure 4.2. Les diff´erents motifs des fissures [Colombier, 1997]

4.2.3 La fissuration selon le type de chauss´ee

4.2.3.1 Les fissurations affectant tous les types de chauss´ee

Les mouvements du sol support peuvent initier deux types de fissuration. Si ils sont dus `a une r´eduction de portance ou `a un tassement, les fissures peuvent ˆetre fines `a moyennes. Elles sont rectilignes longitudinales ou transversales et vont jusqu’`a former des blocs pour les chauss´ees semi-rigides et une fissuration tr`es dense pour les chauss´ees souples. Le second type de fissuration est caus´e par le retrait d’un sol argileux ou par des glissements de terrain. Ces fissures sont larges et profondes. Elles sont longitudinales ou transversales dans le cas du retrait d’un sol argileux. Lorsqu’elles sont induites par un glissement de terrain, elles s’orientent selon le plan de glissement. Par ailleurs, des fissurations peuvent apparaˆıtre aussi lorsqu’un ´elargissement de voie a ´et´e r´ealis´e sans que la continuit´e de la structure soit bien assur´ee. Ce type de fissure est souvent lin´eaire et assez large.

La fissuration initi´ee en surface est aussi commune `a tous les types de structure. Appel´ee g´en´eralement “top-down cracking”, elle peut ˆetre expliqu´ee par diff´erents ph´enom`enes. Le premier est la fatigue des mat´eriaux bitumineux. Les fissures cr´e´ees sont fines et localis´ees dans les bandes

de roulement. Elles tendent ensuite `a former des “alligator cracking” sur toute la surface. Les variations thermiques influent ´egalement sur la fissuration de surface ([Nesnas et Nunn, 2004]). En effet, la couche de roulement subit une contraction en ´et´e et une dilatation en hiver, qui peut conduire `a un gondolement de la surface et une fissuration lorsque la limite en traction du mat´eriau est atteinte. Ceci est d’autant plus accentu´e que le gradient thermique sur l’´epaisseur de la couche cr´ee lui aussi un gradient de d´eformation. La largeur de ces fissures d´epend de la p´eriode de l’ann´ee : large en hiver et fine en ´et´e. L’existence de chauss´ees fissur´ees n’ayant subies aucune charge de trafic illustre cette th´eorie. Le troisi`eme ph´enom`ene est le vieillissement des mat´eriaux bitumineux de surface ([Nesnas et Nunn, 2004]). En alt´erant les caract´eristiques m´ecaniques du mat´eriau, il acc´el`ere les deux sc´enarios pr´ec´edents.

[Molenaar et Potter, 1997] et [Molenaar, 2004] proposent une explication suppl´ementaire au d´eveloppement de fissures se propageant du haut vers le bas. Celle-ci concerne la configuration de la charge prise en compte. En effet, de mani`ere courante, on consid`ere que la charge de trafic peut ˆetre mod´elis´ee comme une pression uniforme sur un disque. En r´ealit´e, cette distribution est plus complexe (Fig. 4.3) : la composante verticale n’est pas uniforme et s’inscrit dans un rectangle. De plus elle comporte aussi une composante horizontale de cisaillement. La prise en compte d’une distribution de charge plus r´ealiste fait apparaˆıtre des d´eformations de surface tr`es localis´ees susceptibles de cr´eer des amorces de fissures.

Figure 4.3. Pression de contact verticale appliqu´ee par une charge de 50kN avec une pression de

gonflement de 900kPa [Molenaar et Potter, 1997]

Enfin, si l’on consid`ere le caract`ere visco´elastique des mat´eriaux bitumineux, les calculs effectu´es par [Tamagny et al., 2004], montrent qu’une contrainte de traction apparaˆıt apr`es le passage de la charge (Fig. 4.4).

4.2.3.2 Les fissurations typiques pour chaque type de chauss´ee Les chauss´ees souples

Les fissures apparaissant en surface peuvent provenir de la rupture en fatigue des couches d’assise, sous l’action du trafic. Dans la premi`ere phase de d´egradation elles sont localis´ees dans la bande de roulement. Elles s’´etendent ensuite sur toute la surface avec un motif en blocs.

Figure 4.4. Contrainte longitudinale en fonction du temps sous le centre de la charge roulante `a

une profondeur de 0.0165m [Tamagny et al., 2004]

Dans des conditions climatiques s´ev`eres, `a tr`es basses temp´eratures, les couches bitumineuses peuvent ˆetre sujettes au retrait thermique. Les fissures sont alors transversales et r´eguli`erement espac´ees.

Les chauss´ees rigides

Les joints de constructions dans les chauss´ees en b´eton peuvent ˆetre consid´er´es de la mˆeme mani`ere que des fissures. Ils sont assez larges en surface mais souvent colmat´es. De la mˆeme mani`ere que les fissures, il se d´eveloppent en fonction du trafic et des conditions climatiques. Leur d´egradation peut mener `a des fˆelures sur les cˆot´es des dalles et `a des d´efauts de transfert de charge entre dalles, entraˆınant des mouvements verticaux relatifs entre deux dalles attenantes lors du passage de v´ehicules.

Par ailleurs, si ces joints ont ´et´e mal r´ealis´es ou sont insuffisants, des fissures de retrait peuvent apparaˆıtre. Elles sont rectilignes, transversales, leur largeur et leur espacement varient en fonction de la structure et des conditions climatiques.

Enfin, si la structure compl`ete est mal dimensionn´ee (´epaisseur de la dalle insuffisante, portance du sol trop faible), la dalle en b´eton peut se casser sous la charge de v´ehicules lourds. Les fissures sont alors longitudinale, transversale ou localis´ees uniquement dans les coins.

Les chauss´ees semi-rigides

Les assises trait´ees aux liants hydrauliques sont soumises au retrait (retrait au jeune ˆage et re- trait thermique) mais ne sont pas toujours munies de joints de construction. Les fissures de retrait cr´eent des points sensibles `a la base de la couche bitumineuse et c’est ainsi que des fissures appa- raissent rapidement dans cette couche et remontent jusqu’`a la surface. Les d´efauts de l’ancienne structure sont ainsi r´efl´echis en surface, c’est ce qu’on appelle “la fissuration r´eflective”. Elles sont espac´ees de 5 `a 15m et leur largeur varie en fonction de la temp´erature (quelques dixi`emes de mm `a quelques mm). Ce sont en g´en´eral des fissures rectilignes avec une seule branche, mais elles peuvent se ramifier sous l’action du trafic. Si des joints de construction existent, le ph´enom`ene de remont´ee `a travers la couche de roulement est le mˆeme. L’espacement des fissures d´epend alors de l’espacement entre les joints. Ce type de rupture fait l’objet de la suite du m´emoire.

En outre, lorsque les assises sont sous-dimensionn´ees ou qu’elles ont atteint leur limite de dur´ee de vie, elles peuvent rompre en fatigue et causer une fissuration en blocs ou de type “alligator cracking”.