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Chapitre 1 : Le paradigme des chaînes de commodité et de valeur : revue de littérature

1.5 Autres dynamiques et acteurs impliqués

1.5.1 Financiarisation de l’économie, des firmes et concurrence mondiale

D’après Batt et Appelbaum (2013), la financiarisation est un phénomène relativement récent qui a pris forme vers la fin des années 1970. En traitant des compagnies transnationales, jusqu’ici nommées firmes pivot, les auteurs disent de la financiarisation qu’elle réfère à un passage du capitalisme managérial, dans lequel les retours sur investissements dérivent de la valeur créée par des entreprises productives, à une nouvelle forme de capitalisme financier dans lequel les compagnies sont vues comme des actifs à acheter et vendre et comme des véhicules servant à la maximisation des profits à travers des stratégies financières (Batt et Appelbaum, 2013, p. 2). Diverses stratégies financières sont à disposition telles que le commerce, l’achat et la vente de compagnies ou des unités de celles-ci, la vente d’actifs, l’utilisation de dettes pour des impôts réduits ou encore la manipulation du cours de l’action en bourse. Ces stratégies permettent de dégager des

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profits sans égard à leurs effets sur la productivité organisationnelle, la qualité, l’innovation, l’emploi ou la compétitivité à long terme.

La financiarisation de l’économie va aller jusqu’à influencer le fonctionnement des firmes non financières. À ce sujet, Batt et Appelbaum (2013) indiquent qu’au niveau organisationnel, la financiarisation implique des processus mis en branle par des acteurs financiers externes qui sont en mesure d’influencer ou de contrôler les stratégies organisationnelles internes et la situation financière de firmes non financières. C’est pourquoi le secteur financier est donc maintenant vu comme le principal agent et organisateur de la vraie économie, et ce secteur y serait parvenu à l’aide de nouveaux instruments financiers ainsi que des nouveaux intermédiaires financiers qui rendent les capitaux très mobiles et disponibles pour l’achat ou la vente rapide de compagnies ou de leurs actifs. Ces nouvelles possibilités ont eu pour effet de dorénavant voir les investissements en capitaux comme relativement liquides plutôt que des actifs fixes, et par le fait même de considérer les employés comme des commodités dont il est possible de disposer à notre gré. Dans cet ordre d’idées, Batt et Appelbaum (2013, p. 7) citent que :

The idea of labor as a quasi-fixed asset (Oi 1962), or human capital as valuable and firm specific (Becker 1964) becomes obsolete as well. Labor returns to its status as a variable cost to be minimized. Because firms increasingly make profits from financial activities, and their success depends less on productive activities, their welfare is less intertwined with the welfare of employees.

Le désarrimage de la relation entre le bien-être de la compagnie et celui des employés causé par la mobilité des capitaux désincite les gestionnaires à investir dans les compétences de la main-d’œuvre et à s’engager dans des relations productives avec celle- ci.

Suite à ce désintéressement, la pernicieuse et persistante dynamique opposant les intérêts des actionnaires à ceux des parties prenantes, l’interaction shareholder vs.

stakeholder, s’installe lorsque vient le temps de gérer les revenus opérationnels. Alors que

les gestionnaires stratégiques veulent remettre une faible proportion de dividendes sur les revenus aux actionnaires afin de réinvestir dans les opérations, les actionnaires veulent retirer en dividendes une majeure proportion des revenus. En réaction, les actionnaires

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vont vouloir réaligner les intérêts des parties prenantes aux leurs en incitant les gestionnaires à se comporter comme des actionnaires en modifiant leur mode de rémunération pour que celui-ci se base de plus en plus sur les retours sur investissements, jusqu’à en faire l’approche privilégiée en gestion stratégique des ressources humaines. Encore en termes de gestion stratégique, les méthodes de gestion proposées par Prahalad et Hamel (1990) favorisent l’actionnariat en proposant des restructurations des activités productives pour ne retenir que le cœur de métier et délaisser les activités moins profitables.

Puisque la compensation des hauts dirigeants dépend grandement des actions, ceux-ci sont plus motivés à prendre certaines mesures pour augmenter le cours de l’action de leur entreprise, et quatre stratégies sont relevées à cette fin. Le moyen le plus facile d’y procéder est par le rachat d’actions. Cette méthode est effective sur le prix de l’action mais comporte comme effet collatéral moins d’investissements dans l’innovation et la création d’emploi (Batt et Appelbaum, 2013). Ceci cause des embâcles majeurs à la productivité de l’industrie selon Lazonick (2009) puisque la compétitivité dépend sur des investissements massifs en recherche et développement, en innovation de processus et dans des produits et services à intensité de savoir. Les trois autres stratégies pour augmenter le prix de l’action sont la restructuration, la sous-traitance et la délocalisation. De nombreuses dérégulations économiques sont jugées être à la source de ces stratégies, mais aussi la globalisation des marchés de produits, l’intensification de la compétition et le déclin du pouvoir des syndicats à influencer les restructurations et contrecarrer les pertes d’emplois. Les raisons citées pour le recours à ces stratégies sont les suivantes (Batt et Appelbaum, 2013, p. 18) :

Financial approaches to business management are likely to exacerbate the use of downsizing, outsourcing, and offshoring, or to make these practices the first, rather than the last, resort for competing in global markets. In firms that focus on maximizing shareholder value above all, selling off less profitable businesses is a quick source of improving profit margins. The downsizing of existing operations via outsourcing and offshoring also provides a quick fix for cutting costs and boosting quarterly profits.

Enfin, une critique est faite sur les bénéfices retirés de telles stratégies comme quoi les plus importants profits générés ici et ailleurs par les compagnies transnationales ne sont

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souvent pas réinjectés dans les activités productives des firmes du pays d’attache mais plutôt dans le rachat de leurs propres actions.

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