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Les scientifiques et la mer

2.1 Le dix-huiti` eme si` ecle

2.1.3 La fin du dix-huiti` eme si` ecle

Charles Bonnet (1720-1793), passionn´e par ce th`eme, d´efend, lui, la conti-nuit´e entre les R`egnes en 1745. Il revient sur le sujet en 1762 et 1764, se basant sur les possibilit´es de bouture des organismes « animaux » d´emontr´ees par Trembley26

.

2.1.3 La fin du dix-huiti`eme si`ecle

Le d´ebat animal/v´eg´etal, centr´e autour des ann´ees 1740, n’est pas r´esolu `a la fin du xviiie

si`ecle, mais donne lieu `a moins de pol´emique. Celle-ci reprendra au xixe

autour des Tuniciers dont la structure chimique de la tunique, proche de la cellulose est montr´ee par Carl Schmidt en 1845 et

23. Duris (2000, p. 2.) et Trembley (1744, 1943). 24. Schiller (1968).

25. Peyssonnel (1753).

26. Dinsmore (1994), Duris (2000, p. 4) et Bonnet (1762, 1764), il avait d´ej`a soutenu cette continuit´e dans Bonnet (1745).

repose le probl`eme de continuit´e27

.

L’observation in situ n’est d´esormais plus aussi exceptionnelle que chez Marsigli et les savants qui s’int´eressent `a la mer sont plus nombreux. Leur int´erˆet ´evolue cependant. Si vers la moiti´e du si`ecle, Donati cherche toujours `a r´ealiser un ouvrage de r´ef´erence, ses successeurs s’orienteront comme Spal-lanzani vers un outil de support de leurs cours, ou comme Cuvier vers la mer pour des raisons de proximit´e.

Donati

Vitaliano Donati (1717-1762), r´ealise dans les ann´ees 1740, une s´erie d’observations autour de la mer Adriatique qui lui permettent d’´etablir ses «Tables topographiques de l’Illirie » et de publier un trait´e : Della storia naturale marina dell’Adriatico, publi´e `a Venise en 1750. Le succ`es de cet ou-vrage am`enera rapidement sa traduction en allemand (1753) puis en fran¸cais (1758)28

. En 1751, il obtient une chaire de botanique `a l’Universit´e de Turin, puis part en 1759 pour une mission commerciale et scientifique en ´Egypte et aux Indes orientales durant laquelle il meurt en 176229

. L’ouvrage est pr´evu dans un cadre tr`es large :

27. Schiller (1968). 28. Donati (1758). 29. Scalva (2000).

« Outre l’Histoire naturelle de la Mer, il contiendra une grande partie des observations que j’ai faites dans le cours de mes voyages sur tout ce qui m’a paru propre `a perfectionner l’Histoire naturelle en g´en´eral. Je n’ai pas n´eglig´e les mœurs des Peuples que j’ai vu, leurs maladies particuli`eres, & leurs remedes. J’ai consid´er´e les situations g´eographiques de ce Pais, & un nombre presque infini de morceaux d’Antiquit´es, & d’inscriptions sur lesquelles j’ai fait bien des remarques [. . .]30

»

Ses travaux s’inspirent de ceux de Marsigli, sur l’« uniformit´e g´eologique entre la surface de la Terre et le fond de la Mer », mais ´egalement de ses recherches botaniques pr´ec´edentes qui l’amen`erent `a ´eviter les syst`emes de chaˆınes des ˆetres :

« L’observation de la nature, bien loin de me d´ecouvrir une seule chaˆıne ou progression, m’en d´ecouvre plusieurs, chacune desquelles est uniforme, perpetuelle, & constante31

. »

Il divise les productions botaniques marines en plantes (dont le classement s’effectue selon leurs fructifications), polypiers et zoophytes. Le passage entre ces divisions est continu :

« [. . .]les plantes marines sont analogues aux plantes terrestres. Celles-l`a, divis´ees & subdivis´ees autant qu’il est possible, nous ont

30. Donati (1758, p. 2-3). 31. Donati (1758, p. 18).

conduit aux productions, qui conservant la structure des plantes, passent insensiblement `a une substance diff´erente, qui approche celle du marbre. On voit ce m´echanisme dans les Polypiers, habitations, pour ne pas dire gˆateaux, d’insectes ou Polypes. En examinant & en analysant les Polypiers, nous avons trouv´e des nouvelles vari´et´es de substance, en sorte que sans changer la figure de v´eg´etal, on passe insensiblement `a la chair. Ensuite `a cette chair se joignent les cartilages & les os : & la r´eunion de toutes ces choses forme la classe des Zoophytes. Dans cette classe le syst`eme osseux se perfectionne par degr´es : & nous avons vu que le sentiment s’y joint `a proportion ; & qu’enfin on parvient jus-qu’au mouvement local par l’entremise d’autres corps. La nature va plus avant, & s’approche d’avantage du regne animal32

. »

Cette continuit´e se poursuit vers l’animal avec les Tethies, qui ont en plus une capacit´e `a changer de place d’elles-mˆemes, sans toutefois poss´eder ni tˆete, ni yeux, ni visc`eres.

Spallanzani

Pour pouvoir pr´esenter des animaux marins `a son cours de Padoue, Laz-zaro Spallanzani (1729-1799) se consacre au d´ebut des ann´ees 1780 `a l’´etude de la zoologie marine. En 1781, il passe dans le golfe de G`enes et `a Marseille o`u il transforme sa chambre d’hˆotel en laboratoire. En 1782, il naturalise en

Istrie et sur la cˆote nord de l’Adriatique italienne, il envisage d’´ecrire une histoire naturelle de la mer et propose `a Bonnet de l’accompagner ; celui-ci refuse mais un contact ´epistolaire est conserv´e33

. En 1783, il s’installe `a Portovenere dans le golfe de G`enes pr`es de La Spezia o`u il cr´ee le premier laboratoire de zoologie marine. Il effectue un dernier p´eriple cˆotier en 1784, `a nouveau sur la cˆote nord de l’Adriatique, `a Chioggia34

.

Cuvier

Entre 1788 et 1795 Georges Cuvier (1769-1832) ´etudie la biologie marine sur les cˆotes Normandes35

. Devenu pr´ecepteur du jeune Achille d’H´ericy en 1788, il vit dans la famille, ´etablie pr`es de Caen mais ayant coutume de passer ses vacances pr`es de F´ecamp, au chˆateau de Fiquainville36

. En 1791, la famille se divise et Cuvier suit son pupille et sa m`ere qui s’installent au chˆateau.

Il ne poss`ede alors qu’un exemplaire du Systema naturæ et travaille donc directement sur la nature qu’il a `a sa port´ee, d´ecrivant 118 esp`eces de pois-sons, 19 esp`eces de mollusques et 15 esp`eces de crustac´es. Mais surtout il ´elabore alors la partie de sa classification bas´ee sur la circulation sanguine37

.

33. Spallanzani (1984).

34. Petit (1961); Dolman (1970). 35. Th´eodorid`es (1968).

36. Actuellement sur la commune de Thiergeville en Seine-maritime. 37. Desjardins-M´en´egalli (1983).

Membre du Club patriotique de F´ecamp, il y rencontre l’Abb´e Teissier38

, nomm´e `a la Terreur m´edecin chef de l’hˆopital militaire de F´ecamp. Ce dernier lui demanda tout d’abord des cours de botanique pour les m´edecins de son hˆopital, puis, impressionn´e par ses carnets de notes, les Diarium Zoologicum, il l’encourage dans une carri`ere parisienne. L’introduisant aupr`es de ses amis naturalistes A. L. de Jussieu, Parmentier et ´Et. Geoffroy Saint-Hilaire, il l’aide `a pr´esenter ses travaux et le soutient pour une nomination au Mus´eum d’histoire naturelle39

.

2.2 Les zoologistes de la premi`ere moiti´e du

dix-neuvi`eme si`ecle

Au xviiie

si`ecle, la mer devient un centre d’int´erˆet potentiel, et c’est au cours du xixe

si`ecle que les naturalistes se feront progressivement une r`egle de parcourir l’estran. Le tout d´ebut du xixe

si`ecle est trop politiquement agit´e pour permettre le d´eveloppement d’une biologie li´ee `a la mer, mais la fin des guerres napol´eoniennes donne `a l’Europe une paix favorable `a la construction de ces pratiques.

38. Henri-Alexandre Teissier (1740-1837), m´edecin et agronome, membre de l’Acad´emie royale des sciences.