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Filles et garçons : quelle réussite scolaire ?

II/ A l’école et après : en quoi l'éducation familiale et le genre influencent-ils les parcours des jeunes ?

B- Filles et garçons : quelle réussite scolaire ?

Face à ces différents constats, qui mettent en lumière les conséquences des pratiques éducatives différenciées des familles sur les attitudes des adolescents à l’école, quel est aujourd’hui, l’état des lieux de la réussite scolaire des filles et des garçons ?

1- Les chiffres et les enquêtes

Depuis plus d’un siècle, l’accès à l’instruction s’est largement démocratisé. Les nombreuses réformes favorisant l’accès à l’enseignement pour tous et pour plus longtemps ont fortement augmenté le niveau scolaire des jeunes. Ces réformes et les politiques éducatives menées depuis tout ce temps ont permis à tous les élèves et en particulier aux filles d’accéder plus démocratiquement et également à l’école. Très longtemps réservée aux élites masculines, l’école ne produisait que très peu de bacheliers. Mais depuis le début du XXème siècle, le nombre de bacheliers d’une classe

d’âge a considérablement augmenté : évalué à 15 000 entre 1901 et 1931, ce nombre passe de 61 000 dans les années 1950 à plus de 260 000 en 2000 (Baudelot&Establet, 2007). Depuis toujours derrière les garçons concernant l’obtention du baccalauréat, les filles les ont désormais dépassés : en 1971, le nombre de bachelières s’élève à 78 705 contre 65 024 chez les garçons11. Aujourd’hui, les filles sont également plus nombreuses

à être reçues à la première session du baccalauréat que les garçons et l’obtiennent dans la grande majorité des cas avec une mention. Cet avantage se retrouve de la même manière dans l’obtention du diplôme national du brevet : les filles sont en effet 86% à l’obtenir contre 81% chez les garçons. Même tendance dans le domaine professionnel : le Certificat d’aptitude professionnelle et le Brevet d’études professionnelles sont également des diplômes où les filles s’illustrent par leur réussite avec des taux respectifs de 84% et 80% contre 80% et 73% chez les garçons (Ministère de l’Education nationale) Des recherches comme celles de Duru-Bellat (2004) ainsi que des enquêtes comme l’enquête Pisa ont tenté de mesurer plus précisément la différence de réussite entre les filles et les garçons. Basée sur un échantillon d’enfants de quinze ans dans chaque pays de l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (l’OCDE), l’enquête Pisa se présente sous forme d’une série d’épreuves qui concerne la compréhension de l’écrit, la culture mathématique et la culture scientifique. Il semble que quel que soit le pays, les filles devancent les garçons dans la compréhension de l’écrit. Les garçons ont en revanche des performances supérieures en culture mathématique et légèrement supérieures en culture scientifique (Baudelot&Establet, 2007). D’autres recherches comme celles de Duru-Bellat (2004) confirment ces différences filles/garçons : basés sur les épreuves de connaissances mises en place en à l’entrée en classe de CE2 par le Ministère de l’Education Nationale, les résultats de ces tests montrent que les filles ont des performances meilleures en français. Cependant, l’écart de compétences en mathématiques entre les filles et les garçons n’est pas significatif. Analysés plus finement, ces résultats montrent en réalité que l’avantage des filles en français se fait principalement sur « des exercices de production de texte, qui respectent à la fois le respect de règles formelles (orthographe, ponctuation, correction grammaticale) et l’utilisation d’un vocabulaire approprié. » (Duru-Bellat, 2004). En mathématiques, ces recherches font également part de quelques nuances : les garçons sont plus à l’aise dans l’appréhension et la manipulation des figures spatiales alors que

les filles sont meilleures dans des exercices mobilisant le langage écrit comme la lecture d’un tableau par exemple. C’est plus particulièrement au lycée et en classe de 2nd que les

différences de réussite en mathématiques se manifestent le plus, nous verrons ultérieurement quelles peuvent être les conséquences de cet écart sur l’orientation des filles et des garçons.

2- Des compétences distinctes

Pour en revenir aux différentes de réussite en français, le relatif handicap des garçons dans cette matière et plus généralement dans les activités nécessitant l’écrit, peut s’expliquer par leur utilisation du langage : dès leur plus jeune âge, nous avons vu que les activités des garçons étaient moins centrées sur la langue, les filles étant elles plus tournées vers des jeux de dialogue, de mises en scène où l’utilisation du langage est indispensable. De plus, des recherches12 ont montré à quel point la lecture était perçue

comme une activité féminine. En effet, dans certains milieux (plutôt défavorisés), le seul contact que les garçons ont avec l’écrit se fait par le biais d’une femme : ils voient leur sœur, leur mère ou leur grand-mère lire, écrire, noter, ce qui peut créer une « résistance à l’écrit » faisant alors partie de l’identité masculine (Lahire, 2001). Duru-Bellat& Van Zanten (2011) ont également relevé que certains parents de milieux plus aisés se servaient de tâches relatives à l’écrit pour socialiser mais aussi mieux préparer leur enfant au monde scolaire. Ainsi, les filles sont en particulier sollicitées et associées à des « tâches d’écriture familiales comme les petits mots quotidiens, les relations écrites avec l’institution ou la correspondance avec la famille élargies » (Duru-Bellat& Van Zanten, 2011). Le rapport à la langue et à l’écrit qui semble être différent selon le genre de l’enfant a donc des répercussions sur la réussite des filles et des garçons. Cependant, il est important de rappeler que même si ces différences de réussite sont effectivement remarquables entre les genres, c’est aussi et surtout le milieu socioprofessionnel, dans lequel grandit l’enfant, qui va le plus influencer sa réussite. Prendre en compte l’intégralité du contexte social est nécessaire pour mesurer pleinement l’écart de niveau entre les genres. Le niveau du capital culturel des parents et l’héritage que ces derniers

12 Lahire, (2001), « Héritages sexués : incorporation des habitudes et des croyances » dans La dialectique des

vont être en mesure de léguer à l’enfant vont bien évidemment influencer, favoriser ou desservir, la réussite scolaire de l’élève.

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