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La filière des SAF a encore de nombreux défis à relever pour permettre une

Dans le document RAPPORT D INFORMATION (Page 60-64)

B. L’UTILISATION DES CARBURANTS D’AVIATION DURABLES

2. La filière des SAF a encore de nombreux défis à relever pour permettre une

a. Une disponibilité insuffisante nécessitant de véritables choix politiques En 2018, les SAF représentaient seulement 0,1 % des carburants utilisés pour l’aviation, selon l’AIE. Cela s’explique par une disponibilité insuffisante, alors même qu’ils sont une composante majeure des scénarios de décarbonation du transport aérien. L’IATA estime qu’il faut augmenter la production de SAF jusqu’à 449 milliards de litres par an en 2050, alors qu’elle est d’environ 100 millions de litres par an aujourd’hui. À titre d’exemple, le finlandais Neste, l’un des gros producteurs de la filière résidus/déchets, disposait d’une capacité de production 100 000 t de SAF en 2021 et vise une capacité de 1,5 million de tonnes (Mt) en 2023, grâce à l’extension de ses capacités de production à Singapour et à Rotterdam. À titre de comparaison, la France produit environ 7 Mt de kérosène conventionnel par an.

Assurer une disponibilité suffisante de SAF nécessite un soutien politique fort au développement des biocarburants et des carburants de synthèse pour l’ensemble des moyens de transports.

Un premier état des lieux des ressources disponibles en France a d’ailleurs été piloté par Suez, dans le cadre de l’engagement pour la croissance verte (ECV) relatif à la mise en place d’une filière de biocarburants aéronautiques durables en France. Les principaux gisements identifiés pour le développement d’une filière dans l’ECV, leur échéance et leur volume sont résumés dans le tableau suivant.

PRINCIPAUX GISEMENTS DE BIOCARBURANTS IDENTIFIÉS DANS LE CADRE DE L’ECV DE 2018 (PUBLICATION 2020)

Nature Horizon de

disponibilité Gisement

Huiles et graisses Court terme 500 000 t/an (300 000 t/an collectées aujourd’hui) Ressources à dominante lignite

compostage Moins de 100 000 t

Résidus forestiers 5 Mt/an hors produits connexes (14 Mt/an avec) Ressources à dominante cellulose

Résidus agricoles

Court-moyen terme

14,4 Mt/an ; 2,2 Mt/an mobilisables à court terme, 5,8 Mt/ an à moyen terme

Fraction fermentescible des

ordures ménagères (FFOM) 7 Mt en mélange ; évolution difficile à évaluer

Biodéchets près de 4,8 Mt/an aujourd’hui : 22 Mt/an horizon 2025

Papier/carton plus de 7 Mt/an, dont 4,5 Mt collectés

actuellement

Boues et digestats 1 Mt de matières sèches ; leur évolution dépendra du développement de la méthanisation

Ce premier état des lieux constitue un outil précieux pour le déploiement d’une stratégie ambitieuse en la matière. Par ailleurs, le projet ENERGIA de l’ONERA vise à analyser les filières de production de carburant alternatif pour l’aviation : le rapport devrait être rendu prochainement. Il conviendrait de pouvoir décliner de tels travaux au niveau européen, à l’heure des débats sur le projet de règlement ReFuelEU Aviation. Cela permettrait de s’assurer que les ambitions fixées dans ce texte sont en adéquation avec l’état des ressources disponibles et en développement. Il conviendrait d’inclure dans cette cartographie le potentiel de production de carburant synthétique.

Cette cartographie européenne des capacités est d’autant plus importante que certains pays disposent déjà de moyens de production en forte croissance. Aux États-Unis, un partenariat entre Boeing et SkyNRG a été annoncé en juillet 2021 pour développer la production et l’approvisionnement en SAF sur la côte Ouest du pays. La première unité de production à partir de lignocellulosique devrait bientôt entrer en service (Red Rock biofuels). La société Lanzajet est également très investie sur les sujets SAF et dispose d’un site industriel basé sur le procédé alcohol-to-jet ouvert en 2021 et qui permettra de produire 38 000 tonnes annuelles de carburant d’aviation dès 2022 (1).

Proposition n° 15 : établir une cartographie européenne définissant les volumes de gisement de biomasse disponibles pour la production de SAF, ainsi que les capacités de production de carburant de synthèse. Cette cartographie devra préciser à quelle quantité effective de SAF ces gisements correspondent, en fonction notamment des besoins en alimentation des différents moyens de transport

b. L’absence de filière industrielle structurée

Le manque de structuration de la filière des SAF pénalise également leur déploiement massif. Alors que la filière SAF présente des perspectives économiques plus qu’intéressantes compte tenu des ambitions affichées par les acteurs de l’aérien, il est paradoxal d’observer un certain attentisme concernant la structuration de la filière et l’affirmation d’un leadership sur cette question. Cela est d’autant plus regrettable que certains investisseurs sont déjà prêts à apporter les fonds nécessaires et que la structuration d’une telle filière participe de la volonté actuelle de redynamiser l’industrie française. La DGAC souligne que « le déploiement industriel de la filière nécessitera un soutien public important sur le temps long ».

Même sur les filières les plus structurées, les capacités de production sont insuffisantes, comme l’analyse Air Liquide : « Les biofuels4 - ATJ, SIP et HEFA ont des niveaux de maturité industrielle élevés (technology readiness level ou TRL 7 à 8), des coûts modérés (rappelons que le prix du marché pour la tonne de kérosène fossile se situe à environ 550 $), mais il faudrait multiplier les capacités

(1) Lettre de l’Académie de l’air et de l’espace, n° 122, 2021.

de production de biomasse et de carburant entre 10 et 70 fois pour couvrir les besoins de l’aviation ».

Des problèmes opérationnels de distribution se posent par ailleurs : comment acheminer le biocarburant de l’usine vers l’aéroport ? C’est un aspect qui a été traité dans le cadre de l’ECV de 2018, qui étudie la chaîne d’approvisionnement logistique pour les aéroports Paris – Charles-de-Gaulle et Toulouse-Blagnac. L’utilisation d’un circuit indifférencié de distribution par rapport au kérosène conventionnel est recommandée. Il existe une initiative intéressante de Vinci en ce sens, qui étudie l’implantation d’une usine de production de SAF à partir de déchets de la filière bois à proximité immédiate de l’aéroport Lyon Saint-Exupéry.

c. Un coût trop élevé

Les SAF sont encore très chers à la production puis à l’achat, ce qui s’explique logiquement considérant la disponibilité insuffisante des intrants nécessaires à leur fabrication et l’absence de structuration de la filière. Le projet de règlement ReFuelEU Aviation rappelle que les coûts de production des carburants de synthèse « sont actuellement estimés à 3 à 6 fois le prix du marché en cours du carburant d’aviation fossile », ce qui a nécessairement des conséquences sur le prix de vente. Les SAF issus de la biomasse sont 3 à 4 fois plus chers que les carburants conventionnels pour les compagnies aériennes. Le coût de production des biocarburants avancés s’explique pour 50 % par les coûts d’investissement et à 30 % par le coût de la biomasse, selon l’IFPEN.

Source : France Hydrogène

Des coûts de production et d’achat plus élevés peuvent également avoir des conséquences sur le prix du billet d’avion. À titre d’illustration, l’AIE a estimé ce que coûterait une utilisation de SAF à hauteur de 15 % du plein sur un vol entre Londres et plusieurs destinations (données 2019) :

SURCOÛT DANS LE PRIX DU BILLET D’AVION LIÉ À L’UTILISATION DE BIOCARBURANTS À HAUTEUR DE 15 % DU PLEIN DEPUIS LONDRES VERS DIFFÉRENTES DESTINATIONS

Source : Agence internationale de l’énergie

Un autre effet indésirable du prix élevé des SAF est la création potentielle de distorsions de concurrence au niveau mondial. Si un pays ou une zone géographique impose l’utilisation d’un certain pourcentage de SAF dans les pleins des avions au départ de ses aéroports, certains exploitants d’aéronefs pourraient contourner la contrainte en faisant leur plein dans d’autres aéroports non soumis à de telles obligations et en faisant du suremport. Le suremport est défini dans le projet de règlement européen ReFuelEU Aviation comme la pratique consistant « à embarquer plus de carburant d’aviation que nécessaire dans un aéroport donné dans le but d’éviter le ravitaillement partiel ou total dans un aéroport de destination où le carburant est plus cher ». Le suremport conduit à un surpoids inutile de l’avion, donc à une consommation de carburant plus élevée que nécessaire et donc à une pollution accrue. Le projet de règlement précité prévoit des dispositions pour contrer de telles pratiques.

Il est donc nécessaire de soutenir les compagnies aériennes dans leur utilisation de SAF, tout en empêchant les stratégies de contournement des obligations imposées. Autrement, ces stratégies de contournement créeront mécaniquement des fuites de carbone et une concurrence déloyale de la part de compagnies moins vertueuses.

3. Les SAF sont un levier mobilisable à court terme qui nécessite la

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