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3. La pathophysiologie de la sclérose systémique

3.3. Les fibroblastes

Le fibroblaste constitue le type cellulaire prédominant du tissu conjonctif. Il est responsable de la synthèse des constituants de la MEC, dont les fibres de collagène. Les

fibroblastes participent d’abord à maintenir une architecture tissulaire mais également à la réparation de blessure. En situation normale, le fibroblaste migre vers la blessure dans le but de proliférer et de synthétiser de la MEC jusqu’à combler le manque. Au cours du processus de cicatrisation, les fibroblastes se différencient en myofibroblastes en réponse à certains médiateurs présents dans le tissu. Les myofibroblastes possèdent des fibres contractiles dans leur cytoplasme leur permettant de contracter la plaie et ainsi favoriser sa fermeture. Ils sont également en mesure de sécréter une plus grande quantité de MEC. La majorité des myofibroblastes entrent en apoptose à la fin du processus de cicatrisation pour laisser place au tissu fonctionnel.

La production excessive de MEC par les fibroblastes est une caractéristique importante de la ScS. Parmi les éléments retrouvés en excès, on compte le collagène, de type I, III, VI et VII, la fibronectine, des protéoglycans, la laminine, la tenascine et la fibrilline-1 (151). À ce jour, la cause de cette production accrue de MEC demeure incertaine. Il peut s’agir d’une régulation anormale d’un processus physiologique normal face à une blessure ou encore une dérégulation intrinsèque des gènes des protéines de la MEC (1).

La fibrogenèse n’est pas toujours pathologique dans la mesure où elle est contrôlée et elle fait donc partie d’un processus normal de réparation de blessure. Toutefois, une fibrogenèse incontrôlée résultera en une dysfonction viscérale (152). Certains facteurs présents dans l’environnement cellulaire peuvent affecter le comportement des fibroblastes et les maintenir dans un état activé. Tel que mentionné précédemment, les cellules endothéliales et mononucléées sécrètent des substances pro-fibrotiques pouvant affecter la physiologie du fibroblaste. Parmi celles-ci, on retrouve le TGF-β, l’IL-4 et l’IL-6. Ces cytokines stimulent la production de collagène par le fibroblaste, mais stimulent également le recrutement d’autres fibroblastes. Une fois activé à produire la MEC, le fibroblaste sécrète à son tour des cytokines pouvant agir de façon autocrine et participer à sa propre activation. Ainsi, l’IL-6, l’IL-8, le TGF-β, le connective tissue growth factor (CTGF) et le PDGF sont sécrétés par le fibroblaste activé (110).

Le TGF-β est une cytokine importante dans la ScS puisqu’elle est impliquée dans l’initiation de la fibrose. Tout d’abord, le TGF-β stimule la différenciation du fibroblaste en myofibroblaste, cellule spécialisée en production de collagène (153). Les myofibroblastes sont très présents au niveau des lésions sclérodermiques. Le TGF-β induit également la production de CTGF par le fibroblaste. Cette cytokine est constitutivement exprimée dans la ScS (154-156) et est impliquée dans le maintien des lésions fibrotiques (157). Son expression semble également corréler avec l’atteinte sclérotique (154). Somme toute, les infiltrats cellulaires influencent grandement la sécrétion de protéines de la MEC par les fibroblastes.

De façon plus intrinsèque au fibroblaste, une altération dans la régulation génique des protéines de la MEC peut être liée à la surproduction de ces protéines. Dans la ScS, la régulation du collagène de type I est particulièrement impliquée. En collaboration avec la voie de signalisation du TGF-β, plusieurs facteurs de transcription sont impliqués dans sa production et régulation. Parmi les plus étudiés, on retrouve les Smad, le Sp1/3, le Myb, le Fli1 et le p300/CBP (152). Au niveau du fibroblaste sclérodermique, on retrouve des taux élevés de Smad 2 et 3 (158), protéines effectrices cytoplasmiques pour la synthèse de collagène suite à une stimulation par le TGF-β (159). D’ailleurs, il a été démontré qu’une déficience en Smad 3 atténuait la fibrose chez le modèle murin de fibrose pulmonaire induite à la bléomycine (160). De plus, l’expression de Smad 7, une protéine régulatrice négative de cette voie de production de collagène, est à la baisse chez les fibroblastes sclérodermiques (161). Une autre protéine impliquée positivement dans la régulation génique du collagène de type I est le Sp1. Ce facteur de transcription active le promoteur COL1A2 chez les fibroblastes normaux (162). Par ailleurs, sa phosphorylation est augmentée chez les fibroblastes sclérodermiques (163). Fli1, un régulateur négatif de l’activation du promoteur COL1A2 (162), est régulé à la baisse chez des fibroblastes sclérodermiques en culture (152). Chez des fibroblastes normaux, la famille de facteurs de transcription Myb est impliquée dans la régulation positive du promoteur de COL1A1 et COL1A2. Un de ces facteurs de transcription, c-Myb, est surexprimé chez des fibroblastes sclérodermiques (164-166). Finalement, les protéines co-activatrices p300/CBP

interagissent avec les facteurs de transcription Smad et Sp1 et régulent le promoteur COL1A2. Chez les fibroblastes sclérodermiques, on retrouve des taux plus élevés de p300 (167) ou encore une interaction plus importante de p300 avec Smad ou Sp1 (168). Il semble donc qu’une régulation génique en faveur d’une surproduction de MEC soit retrouvée chez les fibroblastes sclérodermiques.

Outre la régulation génique altérée pour la synthèse du collagène, les fibroblastes sclérodermiques démontrent une dysfonction au niveau de sa dégradation. L’équilibre entre les métalloprotéinases de la matrice (MMP; matrix metalloproteinase) et les inhibiteurs de MMP (TIMP; tissue inhibitor of metalloproteinase) est important pour éviter le développement d’une fibrogenèse non contrôlée. Les MMP sont des protéinases responsables de la dégradation de la MEC tandis que les TIMPS inhibent les MMP. Il a été démontré que les fibroblastes sclérodermiques surexpriment TIMP-1 (169, 170) et sont déficients en MMP-1 favorisant une accumulation de MEC (169, 171).

Les fibroblastes sclérodermiques démontrent également un taux de résistance remarquable face aux mécanismes voulant réguler leur activation. En effet, ils résistent à l’IFN-γ, une cytokine anti-fibrotique (172) mais également à l’apoptose médiée par Fas (173). Cette résistance semble être dépendante d’une exposition prolongée au TGF-β. Sachant que cette cytokine entraîne la différenciation du fibroblaste en myofibroblaste, très présent dans les lésions sclérodermiques, une résistance à l’apoptose de ces cellules maintient, encore ici, l’effet fibrotique observée dans la ScS (173).

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