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Chapitre I : Introduction bibliographique

I. FERROMAGNETISME DANS LE METAL MASSIF

Le développement de la mécanique quantique au cours du XXème siècle a permis d’apporter des explications quant à la nature des interactions magnétiques. Heisenberg a ainsi pu expliquer en 1928 la nature purement quantique du ferromagnétisme. Cet état magnétique où les spins électroniques s’orientent spontanément dans le même sens a été décrit par l’hamiltonien d’interaction :

avec - S le spin de l’atome i i

- J l’intégrale d’échange, qui traduit une interaction ferromagnétique ou anti-ij

ferromagnétique lorsque son signe est respectivement positif ou négatif.

Cependant cette approche n’est qu’une « approximation » qui ne convient que pour des systèmes non-métalliques, ou du moins n’étant pas électroniquement délocalisés. En effet dès lors que les moments ne sont pas localisés, ce modèle ne peut plus s’appliquer, ce qui est typiquement le cas pour les métaux de transition. Pour ces métaux, le moment magnétique est porté par les électrons de caractère itinérant de la sous-couche d incomplète. Un modèle de

magnétisme itinérant a été développé pour les métaux d’abord par Bloch puis par Hubbard. Cette théorie montre que le ferromagnétisme apparaît lorsque l’augmentation d’énergie cinétique δ due au transfert d’électron de la bande de spin d↓ vers la bande d↑ est plus faible que l’augmentation

d’énergie de l’interaction d’échange J (voir Figure A1-1).

<

=

j i j i ij

S

S

J

H

Eq. A1-1

Il est à remarquer qu’un facteur favorable au ferromagnétisme est la forte densité d’états électroniques au niveau de Fermi, puisque, δ diminuant, l’alignement des spins ne conduit alors qu’à une très faible augmentation de l’énergie.

A température ambiante, seuls trois métaux de transition remplissent les conditions nécessaires au ferromagnétisme : le Fer, le Cobalt et le Nickel, possédant à 0 K un moment magnétique par atome : µFe = 2,200 µB, µCo = 1,720 µB et µNi = 0,606 µB.[1] L’augmentation de la

température entraîne, du fait de l’agitation thermique, une disparition du ferromagnétisme au dessus d’une température seuil (appelée température de Curie, TC). Au delà de cette température,

les moments magnétiques de chaque atome ne sont plus couplés et deviennent totalement indépendants les uns des autres : c’est le phénomène de paramagnétisme.

I.1. Domaines et parois

Un métal massif ferromagnétique, bien que les moments magnétiques de ses atomes soient orientés dans le même sens, ne possède pas forcément d’aimantation macroscopique en l’absence de champ magnétique appliqué. Le métal massif ferromagnétique est en effet divisé en domaines de Weiss,[2] domaines où les moments magnétiques des atomes sont effectivement orientés dans un même sens, mais qui sont aléatoirement orientés d’un domaine à l’autre (voir Figure A1-2), de sorte que l’aimantation globale soit nulle. Une telle division en domaines est thermodynamiquement plus favorable puisque l’énergie totale du système est diminuée.

δ

J

Entre deux domaines de Weiss, le retournement des moments magnétiques ne se fait pas brusquement. Les zones de retournement, appelées parois, ont une largeur bien définie, de quelques dizaines de nanomètres, variant selon le matériau. Il existe deux types de parois selon le mode de retournement des moments magnétiques (voir Figure A1-3):

- parois de Bloch, dans lesquelles il y a une rotation des moments magnétiques

hors du plan

- parois de Néel, dans lesquelles il y a une rotation des moments magnétiques dans

le plan

Soumis à un champ magnétique extérieur croissant, ces parois sont susceptibles de bouger, jusqu’au cas extrême où le métal massif ne présente plus qu’un seul domaine avec ainsi tous les moments magnétiques alignés dans le même sens. Ce cas correspond au maximum d’aimantation que peut présenter le matériau, et la valeur appelée aimantation à saturation.

I.2. Anisotropie magnétique

Un métal ferromagnétique soumis à un champ magnétique extérieur de faible intensité ne se comporte pas de la même façon suivant la direction d’application de ce champ magnétique. Aussi, lorsque le champ magnétique appliqué augmente, l’aimantation atteint la saturation plus

Figure A1-2 : Division du métal massif ferromagnétique en domaines de Weiss

a)

b)

ou moins facilement suivant les orientations relatives du champ magnétique et du réseau cristallin. Le matériau n’est clairement pas isotrope et l’on parle d’anisotropie magnétique. Diverses composantes interviennent dans l’expression de l’anisotropie magnétique effective d’un matériau :

ƒ Anisotropie magnétocristalline

L’anisotropie magnétocristalline est liée au type de la structure elle-même. L’aimantation d’un monocristal ferromagnétique est en effet très sensible à l’orientation du champ magnétique par rapport aux axes cristallographiques de la structure : ces directions privilégiées d’aimantation sont appelées « axes de facile aimantation ». On observe ainsi que l’aimantation est plus facile à saturer si l’on applique le champ magnétique suivant l’axe [111] du Nickel cfc, l’axe [100] du Fer cc ou bien l’axe c de la structure hc dans le cas du Cobalt.

L’anisotropie magnétocristalline trouve son origine physique dans le couplage spin-orbite, qui relie les spins au réseau cristallin. Elle peut être de symétrie cubique, comme par exemple pour le Nickel cfc ou le fer cc (plusieurs axes de facile aimantation), ou bien de symétrie uniaxiale, comme pour le Cobalt hc (un seul axe de facile aimantation). L’expression de l’énergie d’anisotropie magnétocristalline est de la forme :

- sym. cubique : - sym. uniax. :

où les αi sont les cosinus directeurs de l’aimantation par rapport aux axes cristallographiques, θ l’angle entre l’aimantation et l’axe de facile aimantation (axe c de la structure hc), et K les i

constantes d’anisotropie (qui peuvent être positives ou négatives). ƒ Anisotropie de forme

L’anisotropie de forme intervient dans le cas d’un matériau non-sphérique.

2 3 2 2 2 1 2 2 1 2 3 2 3 2 2 2 2 2 1 1

α

α

α

α

α

)

K

α

α

α

K

E

cub mc

=

+

+

+

Eq. A1-2

θ

θ

4 2 2 1

sin

K

sin

K

E

uni mc

=

+

Eq. A1-3

Son origine provient de l’interaction dipolaire entre l’aimantation et le champ démagnétisant lié à la forme du cristal.[3] L’énergie d’anisotropie de forme s’exprime :

où les Mi sont les composantes du vecteur aimantation, et les Ni les facteurs de champ démagnétisant, dépendants de la forme considérée, avec Nx+Ny+Nz =1. Dans le cas d’une

sphère, chacun de ces Ni vaut alors 3 1 .

L’anisotropie de forme prend des valeurs non négligeables dès lors qu’il y a écart à la sphéricité. Cette contribution à l’anisotropie totale du matériau peut même être du même ordre de grandeur que l’anisotropie magnétocristalline.

ƒ Anisotropie de surface

L’anisotropie de surface a été démontrée par Néel[4] et trouve son origine dans la rupture de symétrie à laquelle sont soumis les atomes de surface. L’environnement dissymétrique de ces atomes leur confère une anisotropie différente de celle des atomes de cœur. L’énergie d’anisotropie de surface s’exprime ainsi :

K est la constante d’anisotropie de surface, et S θ l’angle entre l’aimantation et la normale à la surface. Cette énergie d’anisotropie de surface peut avoir une influence très importante dès lors que le nombre d’atomes de surface devient important, c’est à dire dès que la taille devient faible.

Il est généralement difficile de faire la part de chacune des contributions à l’anisotropie totale d’un matériau, et il est d’usage d’introduire la notion d’anisotropie effective rendant compte des observations expérimentales. La constante d’anisotropie effective K prend alors en eff

compte les différentes constantes d’anisotropie magnétocristalline, de forme et de surface. Cette valeur de l’anisotropie magnétique nous renseigne directement sur les qualités magnétiques du

)

(

2

1

2 2 2 z z y y x x f

N

M

N

M

N

M

E

=

+

+

Eq. A1-4

θ

2

sin

S S

K

E

=

Eq. A1-5

matériau considéré : matériau magnétique « dur » si la constante d’anisotropie est élevée, ou « mou » si elle est faible.

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