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4. Astrophysique des particules 26

5.3 Faux positifs

L’excitation à l’idée de découvrir des signaux indirects issus de la matière noire ne doit pas faire oublier la prudence. Lorsqu’on détecte un signal astrophysique dont on ne comprend pas l’origine, il convient de ne pas l’attribuer trop rapidement à la présence de matière noire, comme ce fut le cas pour l’excès de positons au centre de notre galaxie, pour l’excès du

flux de positons détecté vers 10 GeV par HEAT puis PAMELA ou celui observé au-dessus de 100 GeV par Fermi/Glast. Ceci peut être à l’origine de frictions entre la communauté astrophysique et la communauté des physiciens des particules.

Dit autrement, dès que quelque chose ne tourne pas rond en astrophysique, on assiste à une bouffée d’articles sur les serveurs de preprints, qui tentent de l’expliquer grâce à la ma-tière noire ou de réfuter une telle explication. Il convient de se rappeler que pour le moment, la matière noire est le nom donné à un problème en astrophysique, pas une solution.

Chapitre 2

1. Signaux et fonds

2. Propagation

3. Noyaux

4. Antiprotons

5. Positons

6. Origine spatiale

Rayons cosmiques

Ce chapitre présente les bases de la plupart des travaux auxquels j’ai participé sur le rayonne-ment cosmique. Lorsque j’avais abordé ce vaste sujet de recherche, d’abord en collaboration avec Pascal Chardonnet, Pierre Salati, Xiaochun Lou et Joseph Silk [4,6] puis au cours de la thèse de David Maurin, il s’agissait de comprendre la manière dont se propagent les antiprotons, pour être capables de prédire les flux d’origine exotique au niveau de la Terre, pour différents modèles de matière noire. Il est rapidement devenu évident que ce travail serait de longue haleine et qu’il serait nécessaire de bien comprendre la propagation des noyaux cosmiques usuels si l’on voulait espérer obtenir des informations intéressantes sur la manière dont se propagent les antiprotons, ainsi que les positons d’ailleurs.

Au fur et à mesure que nous comprenions les subtilités de la propagation, nous avons réalisé que nous pouvions aussi contribuer de façon originale à l’étude des rayons cosmiques standard, et nous avons depuis mené de front les études portant sur la détection indirecte de matière noire et celles portant sur la propagation des rayons cosmiques galactiques d’origine non exotique. Dans la plupart des publications, il est nécessaire de rappeler les bases du modèle de diffusion que nous avons développé, implémenté sous forme numérique puis utilisé dans nos travaux. Ce chapi-tre commence par présenter la base commune de ces rappels puis s’intéresse aux spécificités des différentes espèces que nous avons étudiées (noyaux stables, espèces radioactives, antiprotons, antideutérons, positons).

1. Signaux et fonds

Si la matière noire est constituée de particules d’un type nouveau pouvant s’annihiler mu-tuellement, on peut espérer détecter ces particules de manière indirecte, en essayant d’ob-server les produits de ces annihilations. Il peut s’agir de photons, de neutrinos, de leptons chargés ou de hadrons, c’est-à-dire de particules relativement faciles à détecter. La difficulté de cette approche réside dans la discrimination entre la contribution exotique et la contri-bution standard au flux de chacune de ces particules. On peut séparer deux groupes de produits d’annihilation :

– les particules neutres (photons et neutrinos) se déplacent en ligne droite depuis l’endroit où elles ont été créées et se prêteraient, en cas de détection, à une véritable astronomie. On peut aussi augmenter les chances de succès de la recherche d’un excès en obser-vant des objets particuliers, dans lesquels on estime que l’annihilation de matière noire est importante ;

– les particules chargées (électrons, positons, noyaux et antinoyaux) sont déviées par le champ magnétique de notre galaxie, ce qui a plusieurs conséquences importantes : d’une part elles peuvent être confinées et leur densité est augmentée par rapport au cas d’une propagation rectiligne, et d’autre part l’information de leur provenance spatiale est perdue.

Nous nous intéressons ici au cas des particules chargées, que nous appellerons de manière un peu restrictive les rayons cosmiques.

Il existe de nombreux processus standard, qui ne sont reliés en aucune sorte à la ma-tière noire, susceptibles de produire ou d’accélérer des particules chargées dans la galaxie. Pour mettre en évidence un excès qui pourrait provenir d’annihilations de matière noire, il convient de calculer précisément le flux Fs qui est dû à ces processus standard, celui Fdm

dû à une contribution exotique, ainsi que les incertitudes qui sont associées à ce calcul. Trois situations peuvent se présenter :

– si Fdm Fs, le signal exotique serait si important qu’on l’aurait déjà observé. Le fait qu’on arrive à rendre compte des flux observés sans faire appel à la matière noire exclut presque certainement cette situation. Plus précisément, ce cas de figure permet d’ex-clure les modèles qui conduisent à cette situation ;

– si Fdm Fs, la matière noire reste cachée dans la contribution standard, à moins de disposer d'une mesure extrêmement précise de cette dernière ;

– si Fdm∼ Fs, il convient d’être extrêmement prudent, en estimant bien les incertitudes théoriques et expérimentales associées à ces deux grandeurs, avant de conclure à la présence ou non d’un excès (par rapport à ce qu’on attend de la contribution standard) imputable à la matière noire.

Dans les études portant sur les rayons cosmiques, cette prise en compte des incertitudes a longtemps été négligée lorsqu’il s’agissait d’expliquer des déviations entre les observations et un modèle théorique, ou de prédire la détectabilité d’une contribution exotique.

Parmi les nombreuses particules susceptibles d’être créées par annihilation de particules exotiques, les antiprotons et les positons méritent une attention particulière. La création de ces particules par des processus standard (spallations) conduit à des abondances relative-ment faibles, c’est-à-dire qu’un éventuel signal d’origine exotique est moins noyé dans le fond que pour des protons ou des électrons.

Comme ce sont des particules chargées, leur propagation est déterminée par leur interac-tion avec le champ magnétique galactique, dont les caractéristiques sont encore assez mal connues. Ce champ magnétique possède une composante turbulente, et on peut montrer que la propagation des particules chargées peut alors, sous certaines hypothèses, être dé-crite par une équation de diffusion. Lorsque c'est le cas, il n’est pas nécessaire de connaî-tre les propriétés du champ magnétique si on parvient à déterminer directement celles du coefficient de diffusion, ce qui est possible grâce à l’étude des noyaux contenus dans le rayonnement cosmique. En effet, la composition chimique et isotopique de ces noyaux est modifiée au cours de leur propagation dans la galaxie, et moyennant plusieurs hypothèses sur les sources du rayonnement cosmique et sur la géométrie de la galaxie, on peut déduire certaines propriétés du milieu diffusant. Ces informations permettent alors de calculer la propagation des antiprotons et des positons, qu’ils soient d’origine standard ou exotique. L’étude des noyaux cosmiques, qui n'a a priori absolument rien à voir avec la matière noire,

REF

[S1,S2,9,11,13,15,16]

joue donc un rôle crucial dans toute étude sur les signaux de détection indirecte de matière noire : elle détermine à la fois le signal et le fond duquel on veut le distinguer.

Je suis impliqué depuis une dizaine d’années dans cette activité de recherche et la com-préhension du fond standard de particules chargées a constitué une partie importante de ma réflexion scientifique pendant ces années, en particulier dans des collaborations à géométrie variable avec notamment David Maurin1, Pierre Salati, Fiorenza Donato, Julien Lavalle, Laurent Derôme, Antje Putze, Aurélien Barrau et Nicolao Fornengo. Ce chapitre en expose les fondements et donne les clés nécessaires pour aborder les articles joints. Je vais donc ici commencer par discuter les propriétés générales de la propagation diffusive, avant de m’intéresser plus précisément au cas des noyaux cosmiques, des antiprotons puis des positons.

2. Propagation

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