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Franck AMALRIC

Le débat population-environnement est tellement large qu’il est utile de préciser ce dont il s’agit ici. Concernant la population, je m e limiterai à considérer sa croissance et son niveau et n’aborderai pas d’autres aspects démographiques, tels que la migration par exemple. Je m e can- tonnerai à l’impact de la croissance de la population sur l’environnement naturel, les relations en sens inverse relevant d’un autre débat. Enfin, les problèmes d’environnement auxquels je m e réfère sont avant tout ceux des zones rurales du Sud (pollution de l’eau, désertification, déforesta- tion, érosion des sols, etc.) et ceux de caractère global (changement de la composition de l’atmosphère, destruction du patrimoine génétique).

Une première difficulté vient de ce que la problématique population- environnement se situe à la croisée de trois théories : théorie de la fécon- dité et de la croissance démographique ; théorie des conséquences de la croissance de la population ; théorie sur les causes de la dégradation de l’environnement. M ê m e si ces deux dernières ont des points communs, notamment de considérer la croissance de la population comme un facteur exogène, elles doivent être considérées comme diRérentes au risque de préjuger des résultats de notre recherche. La croissance de la population n’est qu’une cause possible, parmi d’autres, de la dégradation de l’envi- ronnement. D’autre part, elle peut entraîner des formes d’adaptation autres qu’une plus grande exploitation de l’environnement, sous la forme d’in- novations techniques par exemple, comme l’a montré Boserup (1965) pour démentir la thèse malthusienne. L‘hypothèse que la croissance de la population peut être considérée comme un facteur exogène au modele

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explicatif de son impact sur l’environnement n’a donc rien d’évident.

Autrement dit, le fait que la croissance de la population dégrade l’envi- ronnement naturel au lieu d’être compensée par d’autres facteurs (inno- vation technique, réduction de la consommation) ne doit pas être expliqué par une raison qui serait également cause de cette croissance.

La seconde dificulté de ce débat provient de ce qu’il varie selon le contexte, et notamment selon le niveau d’agrégation auquel on se place.

A u niveau local, la discussion porte surtout sur les causes des taux de fécondité élevés, sur la santé de la mère et des enfants et sur les consé-

quentes pour l’environnement local, notamment quand certaines res- sources naturelles sont gérées en commun. A u niveau national, le débat, plus ancien et surtout de nature économique, a tourné autour des liens entre croissance de la population et développement (économique). Enfin, un nouveau débat s’est instauré au niveau international en relation avec les dégradations de l’environnement de type global, c o m m e l’effet de serre ou la déforestation. A chaque niveau il est ainsi possible de distin- guer une problématique particulière soulevée par la croissance de la popu- lation.

C e chapitre essaie de montrer comment les différents discours sur la population et l’environnement s7 articulent autour de ces deux difficultés, qui sont aussi deux exigences de cohérence logique. Son objectif n’est donc pas de répondre à des questions telles que << est-ce que la croissance de la population constitue un problème ? >>, ou encore << combien d’hommes la Terre peut-elle faire vivre ? Y, mais plutôt de révéler la nature profondément politique de telles questions qui se voudraient pourtant objectives.

A partir de ces trois niveaux différents d’agrégation, j’essaie de mon- trer qu’il existe deux discours dominants. Le premier, disons << conven- tionnel >>, repose sur l’idée que la croissance de la population est un pro- blème à tous les niveaux et qui touche tout le monde. O n peut alors dire que réduire la croissance de la population est le plus grand défi sur la Terre aujourd’hui. I1 y aurait de plus moyen de le relever dans l’intérêt de tous, notamment en procurant plus de moyens contraceptifs aux popu- lations du Sud ou en investissant davantage dans leur éducation.

L‘autre discours, plus radical, est que s’il y a un problème, il réside avant tout dans l’opposition entre la rationalité de ces populations et les priorités de leurs gouvernements respectifs. La croissance de la popula- tion, comme en grande partie la dégradation de l’environnement dans les pays du Sud, serait une conséquence du << mal-développement >>, et plus particulièrement de l’échec de l’apparition d’un État, au sens large, dans certains pays. Dans cette optique, on ne peut, dans l’état actuel, répondre

UN FAUX DÉBAT ? 69 à la question de savoir si la croissance de la population est un problème ou non. Pour répondre à cette question, il faudrait en effet pouvoir définir une communauté confrontée à une réalité donnée. Or, les populations pauvres qui ont un fort taux de natalité sont justement tenues à l’kart de toutes les communautés modernes.

Le cœur de la discorde sur la question de la population se trouve donc dans l’articulation entre les différents niveaux d’agrégation. Mais avant d’en arriver là, il est utile de résumer les différentes théories aux diffé- rents niveaux.

Les trois niveaux du débat théorique

Le niveau local

Le niveau local, c’est le niveau familial et le niveau du village. C’est à ce niveau que devraient se placer avant tout les théories de la fécondité.

La plus célèbre d’entre elles, la théorie de la transition démographique, sur laquelle il ne m e semble pas nécessaire de revenir ici, est justement faible dans sa capacité à être réellement une théorie de la fécondité au niveau local : que le développement entraîne une baisse des taux de fécondité ne signifie pas grand chose tant que n’est pas précisé le concept de dévelop- pement. C’est d’ailleurs là ce qu’ont essayé de faire nombre de nouvelles théories de la fécondité. Le cadre général de la théorie de la transition est donc respecté, et le but est de lier les changements des taux de fécondité avec des variables qui deviendraient alors des indicateurs du niveau de développement. Ainsi, la perspective de Becker réduit le développement au pouvoir d’achat ; celle de Caldwell à l’organisation de la famille ; der- nièrement, au niveau d’alphabétisation et au statut des femmes. Toutes ces approches ne remettent donc pas en cause le modèle de développe- ment, mais suggèrent seulement d’en changer légèrement l’orientation.

Comment est alors défini le problème lié à la croissance de la popula- tion? Une des idées centrales aujourd’hui est qu’un taux de fécondité élevé met en danger la santé des femmes. Ainsi, selon Nafis Sadik, direc- teur exécutif du FNUAP, le manque de moyens contraceptifs coûterait la vie de 200000 à 250000 femmes chaque année. U n autre argument est que les femmes n’ont pas toujours le pouvoir de contrôler leur propre reproduction.

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Ces arguments sont évidemment importants - ils concement le droit des femmes, leur santé - mais ils n’expliquent pas en quoi la croissance de la population créé un problème particulier au niveau local.

Plus précise est l’idée d’extemalités : il serait dans l’intérêt de chaque couple d’avoir beaucoup d’enfants, mais comme tous suivent la m ê m e stratégie, cela nuit en définitive à l’ensemble de la communauté. O n retrouve notamment cet argument dans le rapport de la Banque mondiale de 1984 et dans le fameux article de Hardin (1968) sur la tragédie des res- sources qui sont gérées en commun (<< les communs >>).

Mais pourquoi utiliser ici un tel argument, alors qu’il ne l’est pas, par exemple, dans le cas de petites entreprises se disputant des parts de mar- ché (s’il l’était, on conclurait que toutes ces entreprises devraient faire faillite après avoir trop investi). Pourquoi aussi supposer que les villa- geois ne se concertent pas pour limiter les naissances, ou pour contrôler l’accès aux ressources naturelles. Hardin (ibid.) a en effet confondu les ressources à accès libre et les << communs >>. Derrière l’interprétation du problème en terme d’extemalités se cache donc l’hypothèse que les gens agissent de façon individuelle et pour leur seul intérêt. Cette hypothèse, hypothèse de base de la théorie économique néo-classique, n’a pourtant rien d’évident, c o m m e l’ont montré de nombreux anthropologues, de Claude Lévi-Strauss à Louis Dumont, de Marcel Mauss aux auteurs de la revue du MAUSS I.

D’autre part, l’existence d’extemalités au niveau local ne peut être qu’un phénomène nouveau. Comment autrement expliquer que ces com- munautés n’aient pas développé des institutions particulières pour résoudre ce problème ? Elle proviendrait alors d’une rupture de la cohé- sion sociale au niveau local. L’existence d’extemalités n’est alors plus ce qui explique, mais ce qu’il faut expliquer. McNicoll(l980) a notamment défendu cette thèse à propos de la population et d’autres dans le cas de la dégradation de l’environnement (Repetto et Holmes 1983). La croissance de la population et la dégradation de l’environnement proviendraient alors de l’érosion des institutions locales dont le rôle était justement de gérer, et le niveau de population, et l’accès aux ressources naturelles.

1. Voir notamment leur dernier ouvrage Ce que donner veut dire, La Découverte, Paris, 1993.

UN FAUX DÉBAT ? 71 Le niveau national

C’est à ce niveau que s’est cantonné pendant longtemps le débat sur les conséquences de la croissance de la population, notamment sur le déve- loppement économique. I1 s’agissait avant tout d’un débat entre écono- mistes (Véron, 1989).

Aujourd’hui, la croissance de la population est considérée comme un problème national dans un certain nombre de pays du Sud du fait qu’elle pourrait entraver le processus de développement. Plus d’enfants signifie plus d’écoles, plus d’hôpitaux, et par la suite plus d’emplois et de capital.

Le désir de développement est donc la raison des politiques anti-natalistes menées par les gouvernements d’un ensemble de pays représentant envi- ron 61 % de la population mondiale : la Chine, les pays d’Asie du Sud, une partie de l’Afrique (env. 50 % de la population), d’Amérique centrale, des Iles du Pacifique et des Caraïbes et, m ê m e si c’est moins marqué, du Sud-Est Asiatiqae. C’est donc l’idéologie de l’Ékit qui définit le problème.

Mais 1’État c’est aussi l’institution responsable de l’organisation de la société. O n peut alors poser le problème de la croissance de la population par rapport à la capacité de l’État à réguler la société. S’il y a un pro- blème, cela révèle alors l’incapacité des gouvernements concernés à mettre en place des politiques appropriées.

Cette façon de poser le problème est connu sous le nom de << politique économique de la fécondité D. Extension de l’approche de McNicoll, elle regarde dans quelle mesure les institutions nationales favorisent ou non une réduction de la fécondité. L‘idée centrale est de savoir si l’État, au sens large, c’est-à-dire l’ensemble des institutions du pays, peut influencer les comportements individuels pour les rendre compatibles avec les prio- rités nationales. O u encore, si les individus peuvent être responsabilisés pour les problèmes nationaux comme par exemple, si le cas se présente, la croissance de la population.

Or, on s’aperçoit qu’un certain nombre de pays, c o m m e l’Inde, le Pakistan, le Bangladesh ou le Népal, qui n’ont pas réussi à infléchir de façon significative les taux de fécondité, et ceci malgré une longue tradi- tion de politiques de planification familiale, sont aussi des pays dans les- quels la capacité de l’État à représenter l’intérêt national et à obtenir un soutien populaire est faible. Ainsi, leur échec en matière de population doit être rapproché de leur échec dans d’autres domaines

-

alphabétisa- tion, développement rural, conservation des ressources naturelles, etc.

-

oh le succès des politiques menées requiert la participation active de la population, et comparé avec les expériences plus réussies d’autres pays

72 POPULATIONS ET ENVIRONNEMENT DANS LES PAYS DU SUD asiatiques comme la Chine, la Corée du Sud, la Thaïlande ou encore le Sri Lanka.

Cette perspective souligne donc l’impossibilité de séparer la question de la population‘du problème politique. L‘incapacité de 1’État à créer un espace national, une communauté, précède alors la question de savoir si la croissance de la population est un problème national. Etcomme répondant à cette incapacité, la population apparaît déresponsabilisée pour les pro- blèmes publics et autres priorités nationales (Amalric, Banuri).

Le niveau mondial

I1 y a là un problème de référence puisqu’il n’y a pas, à l’échelle mon- diale, de projet de société - comme le développement au niveau natio- nal - ni d’institutions qui pourraient prétendre être responsables de la des- tinée de l’humanité. Quel critère alors utiliser pour mesurer les consé- quences de la croissance de la population ?

O n peut apporter deux réponses à cette question. La premi2re consiste à garder, comme critère, le projet national, et à s’interroger sur l’impact de la croissance de la population ayant lieu dans d’autres pays. Plus explici- tement, certains pays du Nord s’inquiètent des conséquences possibles pour eux de la croissance de la population dans les pays du Sud, du fait des problèmes de migration qu’elle risque d’engendrer, des tensions inter- nationales qui s’ensuivront, ou m ê m e des conséquences sur l’environne- ment au niveau mondial. Le Nord ne peut voir que d‘un œil inquiet l’ac- croissement du nombre des << nouveaux barbares >> du Sud (Ruffin, 1989).

La seconde réponse, plus ambitieuse, est de créer une communauté mon- diale autour des grands problèmes planétaires auxquels l’humanité est confrontée et auxquels elle doit faire face (Morin, Kern, 1993). Cette com- munauté serait basée sur la volonté de tout faire pour éviter une catas- trophe internationale. Parmi ces problèmes fédérateurs, on trouve les risques de guerres nucléaires, les pandémies tel le sida, la dégradation de l’environnement global (trou d’ozone, augmentation de l’effet de serre, etc.), l’interdépendance en matière de sécurité alimentaire.

C’est dans ce cadre que la fameuse équation I

=

PxTxC - oh I dénote l’impact sur l’environnement, P la population, T le facteur technologique, C la consommation

-

est le plus souvent utilisée (Ehrlich et Ehrlich, 1990). Cette équation a un sens à un instant donné. L‘utiliser sur une période de temps pose des problèmes évidents qui ne sont pourtant pas toujours pris en compte et qui amènent parfois à des résultats pour le

UN FAUX DÉBAT ? 73 moins fantaisistes. Le premier problème vient bien sûr du fait que les trois variables P, T et C ne sont pas toujours indépendantes, surtout quand I’im- pact mesuré est la déforestation. Le deuxième problème est que l’équation n’est vraie que si P, T et C sont des matrices, ou si l’on peut supposer que l’hypothèse d’homogénéité n’est pas trop déformatrice. Dans le monde actuel, cette hypothèse parait complètement irréaliste. Etpourtant elle est souvent utilisée, par exemple par Norman Myers qui, dans une publication du FNUAP, peut dire qu’entre 1950 et 1985, la population a crû à un rythme annuel de 1,9 %, l’émission de CO, à un rythme de 3,1%, et donc que la croissance de la population est responsable pour près de 60 % de la croissance des émissions de CO, ! C e raisonnement est non seulement faux, mais en plus intellectuellement malhonnête du fait des conséquences d’ordre politique qu’il engendre.

Enfin, un dernier problème, encore d’ordre politique, réside dans le choix de la date de référence. Pour les émissions de CO,, il est clair que plus la date choisie sera éloignée dans le passé, plus la responsabilité des pays industrialisés apparaîtra écrasante. Par contre, si cette référence est repoussée vers la fin du vingtième siècle, l’effet de la croissance de la population dans les pays du Sud apparaîtra plus déterminant. L‘ironie est que, indépendamment des disparités de consommation, l’accroissement important de la population dans les pays du Nord depuis le début du XIX”

siècle ne serait m ê m e pas pris en considération.

I1 ne faudrait pas en conclure que l’équation I

=

PxTxC est inutile. Elle peut permettre, par exemple, de fixer les idées sur le degré d’optimisme dont on doit faire preuve si on laisse au seul facteur technologique le soin de résoudre la crise de l’environnement, étant donné les croissances de consommation et de population actuelles. Mais cette équation doit rester au service d’une approche plus générale basée sur des considérations poli- tiques et historiques. Elle ne saurait servir à une neutralisation pseudo- scientifique du débat politique, surtout quand cette neutralisation tend à mettre l’accent sur le facteur population.

Deux paradigmes

L‘analyse précédente a permis de présenter la substance des différents débats population-environnement. Reste à articuler ces différents débats entre eux pour montrer comment ils forment un tout cohérent. Deux sché-

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mas directeurs ou paradigmes se dégagent, résumés dans le tableau ci- dessous. Leur différence devient particulièrement claire au regard des solutions préconisées.

Relation population-environnement : les d e u x paradigmes

Niveau local

Niveau national

Niveau international

Stratégies recommandées

P a r a d i g m e m o d e r n e

- a piège de la pauvreté >> ; - dégradation à cause de - manque de contraceptifs ; - statut des femmes.

l’existence de <c communs >) ;

- impact négatif sur - demande excessive - densité et sécurité

la croissance économique ; de services sociaux ; alimentaire.

- contribution aux problèmes d’environnement globaux (I

=

PxTxC) ;

- surexploitation

des ressources naturelles : déforestation,

désertification, - sécurité internationale.

- a meilleur >> développement ; - fourniture de moyens - éducation des femmes.

contraceptifs ;

P a r a d i g m e alternatif

- pas de problème à la croissance de la population (le statut des femmes est un problème différent) - croissance de

la population, reflet d’une mauvaise organisation politique ; - déresponsabilisation.

- dégradation de I’environ- nement due aux pays du nord ;

- échec de l’ordre intema- tional ;

- néo-colonialisme.

- participation ; - décentralisation ; - démocratisation ; - nouvelles règles

du système économique mondial.

Le paradigme m o d e m e essaie de montrer que la croissance de la popu- lation est un problème à tous les niveaux d’agrégation. I1 y aurait donc consensus entre les diffbrents acteurs. L‘existence supposée de ce consen- sus permet de définir un ordre de priorité dans les stratégies à mener pour faire face aux problèmes d’environnement. Réduire les niveaux de consommation serait nécessairement conflictuel : il est bon, alors, de s’en

UN FAUX DÉBAT ? 75 remettre à un optimisme technologique aveugle. E n matière de popula- tion, par contre, il y aurait consensus ; il est alors de bon ton de dénoncer cet optimisme. Mais la conséquence est que les pauvres des pays du Sud doivent changer de comportement : il faut qu’ils aient moins d’enfants.

Toutes les explications visant à dire que cela serait, en fin de compte, dans leur propre intérêt ne peuvent dissimuler le fait que le but recherché

-

une réduction de la croissance de la population - s’oppose au désir qu’expri- ment jour après jour ces populations en mettant nombre d’enfants au monde. Triste ironie, ce serait donc à ceux qui ont le moins bénéficié du développement >> et de la << modernité >> de prendre, les premiers, des mesures pour << sauver la planète >> et, prétendument, se sauver eux- mêmes. O n peut d’ailleurs se demander à qui profiterait une réduction massive de la croissance de la population. Une telle réduction aurait comme conséquence (théorique) de relâcher un peu la contrainte écolo- gique qui va peser sur les niveaux de consommation. Le passage d’un scénario de haute croissance à celui de basse croissance de la population libérerait donc un surplus écologique. Dans une perspective historique, ce sont les pays du Nord qui paraissent les plus à m ê m e de prendre pos- session de ce surplus.

L e paradigme alternatif renvoie au second plan les considérations pseudo-scientifiques sur les effets de la croissance de la population. A la question << est-ce que la croissance de la population est un problème ? B, il oppose la question << existe-t-il une communauté de femmes et d’hommes pour qui la croissance de la population pourrait être un problème ? B. La question politique est ici première. L‘accent est alors mis sur la participa- tion, sur la démocratie, en fin de compte, sur la nécessité de renforcer le pouvoir des pauvres et non pas de les aider à changer de comportement.

L‘histoire du développement dans un certain nombre de pays du Sud -notamment en Asie du Sud et en Afrique sub-saharienne

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se caractérise précisément par une création de 1’État en dehors, ou plutôt à côté, du peuple. Là où il n’y a pas de communauté politique il ne peut y avoir de problème de population. Pour en revenir à la tentative de globalisation de certains problèmes, à la création d’une conscience mondiale, d’un nous >>

mondial, on peut faire deux remarques.

Contrairement à ce que peuvent croire les scientifiques qui ont lancé le fameux Appel de Heidelberg et qui voulaient attirer notre attention sur

<< l’absolue nécessité d’aider les pays pauvres à atteindre un niveau de

développement durable en harmonie avec celui du reste de la planète >>, les pays pauvres ne sont pas l’exception mais bien ceux qui SONT le monde d’aujourd’hui (Lecourt, 1993).