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Autres facteurs de risques en cours d'évolution prédictifs d'un retard de développement du

CHAPITRE VI : DISCUSSION

B) Mais qu'en est-il plus précisément des facteurs influençant les retards de développement du

3- Autres facteurs de risques en cours d'évolution prédictifs d'un retard de développement du

Les résultats obtenus ne nous permettent pas d’établir un lien entre l’allaitement

artificiel et les retards de développement du langage à M24AC. En d’autres termes,

l’allaitement maternel ne constitue pas un facteur protecteur des retards de développement du langage au sein de la cohorte étudiée. En accord avec notre étude, une enquête thaïlandaise sur 3905 enfants menée en 2009, a été réalisée pour identifier les retards de langage précoces à deux ans. Cette étude n’a pas non plus trouvé de preuve claire d’un lien entre l’allaitement et les retards de développement du langage à deux ans (PRATHANEE et al, 2009).

Parmi les facteurs de risques liés aux retards de développement du langage à M24AC chez les enfants nés grands prématurés, inclus dans la cohorte Aquipage, les troubles des

interactions mère-enfant pendant la consultation constituent un facteur prédictif

à 12 mois AC. Les enfants qui présentent un retard de développement du langage à M24AC ont été plus souvent exposés à de la tristesse, de l’anxiété, de l’indifférence, de la froideur ou une excitation au sein des interactions avec la mère lors de la consultation à M12AC (OR=3,3). L’hypothèse selon laquelle le bien-être maternel facilite les interactions et au contraire la détresse psychologique ou la dépression réduisent les stimulations langagières a été démontrée récemment ; de même pour l’environnement familial, il constitue un facteur décisif quant au développement des compétences langagières du jeune enfant. Dans le cadre d’une naissance prématurée, l’analyse des interactions mère-enfant peut montrer une asynchronie, des difficultés d’ajustement entre les stimulations de la mère et les réponses du bébé. Le comportement peu actif de certains enfants peu sensibles aux interactions

111 peut inciter la mère à les stimuler de plus en plus provoquant l’effet inverse et créant une insatisfaction mutuelle, une diminution du plaisir dans l’échange.

L’âge de 12 mois est lié de façon significative au devenir langagier à M24AC peut- être du fait que cet âge correspond sur le plan psychomoteur à la marche, au début de l’autonomie motrice et donc à la séparation physique (en tant qu’unité distincte séparée) d’avec la mère, mais aussi psychique à travers le processus de séparation-individuation. Ce concept, introduit par Mahler, évolue au gré des différentes acquisitions : l’utilisation d’un objet transitionnel, le déplacement autonome avec éloignement grâce à la marche, l’utilisation du langage, le jeu symbolique, etc. L’évolution du processus d’individuation est bien sûr liée aux réponses de l’entourage et à la qualité de l’attachement mis en place. Ce processus d’individuation et de séparation (psychique) permet le développement de conscience de soi (MAHLER, 1990). C’est en se distançant de sa mère que l’enfant va commencer à parler ; cet espace va être nécessaire au bon développement de l’oralité verbale.

Une tonalité de type plaisir est donc indispensable au sein des interactions mère- enfant, car c’est ce plaisir d’échanger et de communiquer qui va susciter chez l’enfant un désir et un besoin de s’approprier les mots et ainsi développer un langage structuré. L’on peut alors considérer que des interactions mère-enfant de type plaisir soit un des facteurs protecteurs des retards de développement du langage à M24AC.

L’interprétation de ces résultats est à considérer dans les limites de l’évaluation puisque qu’il s’agit d’une observation contextuelle de la consultation : en effet, il est difficile d’évaluer cet aspect dans un milieu clinique peu familier à l’enfant et dans un laps de temps assez court.

Nous notons ici l’intérêt de mener une étude complémentaire, qui devra prendre en compte le type d’interaction mère-enfant et en particulier, le type de communication maternelle corrélé au développement linguistique exprimé par l’’enfant. L’input linguistique est déterminant pour aider l’enfant à atteindre la phase durant laquelle le système de communication gestuelle s’arrête pour favoriser une croissance rapide du vocabulaire verbal (BONIFACIO, 1998). Il sera judicieux d’utiliser l’outil d’évaluation des interactions sociales le C.H.A.T. (test de Baron-Cohen), intégré au questionnaire Aquipage. Nous ne pouvions tout traiter dans cette même étude.

Aucune association significative ne ressort de notre étude entre les troubles du

112 ce facteur comme influençant le développement de l’oralité verbale chez l’enfant né avant 33SA inclus dans la cohorte Aquipage.

« L’évolution reste fonction de la pathologie respiratoire et/ou neurologique »

(DELFOSSE et al, 2006). Au sein de notre étude, les retards de développement du langage à M24AC ont une forte association avec une comorbidité neurologique et respiratoire en lien avec la prématurité et l’hospitalisation initiale. Les retards de développement du langage sont isolés pour seulement douze des enfants évalués à M24AC.

Les enfants atteints d’une anomalie neurologique ont un risque significativement plus élevé que les autres de présenter un retard de développement du langage à M24AC (à M1AC, OR=2,1 ; à M4AC, OR=4,9 ; à M12AC, OR=5,7 ; à M18AC, OR=6,7). En ce qui concerne les enfants chez lesquels il existe une atteinte neurologique à M24AC, pour la majorité d’entre eux (87 sur 114 soit 76,3%) il s’agit de retards psychomoteurs et/ou d’éveil (en dehors de séquelles motrices) et/ou de troubles du comportement. Dans ce cas, les retards de développement du langage s’inscrivent dans un tableau de retard global de développement. Lorsqu’ils sont associés à une atteinte neurologique avec séquelle neuromotrice (5,3% des enfants ayant une atteinte neurologique ont des séquelles neuromotrices mineures associées, 8,8% une atteinte neuromotrice modérée et 9,6% une atteinte neuromotrice majeure telles que définies précédemment), les retards de développement du langage s’inscrivent dans le cadre d’une pathologie chronique.

« Des séquelles transitoires ou à plus long terme peuvent se révéler au niveau moteur, tonique, sensoriel et cognitif, l’Infirmité Motrice Cérébrale étant la plus grave mais heureusement la moins fréquente. Des travaux ont montré une construction plus lente de la fonction langagière, phonologique et morpho-syntaxique » (DELFOSSE et al, 2005).

Chevrie-Muller estime que l’interprétation des statistiques disponibles -50 à 80% des enfants IMC ont des troubles du langage- suggère la prise en compte de différents facteurs pour expliquer ces résultats : notamment la répartition de niveaux intellectuels ou la gravité et la forme clinique des infirmités motrices cérébrales considérées. Ainsi les troubles du langage sont plus fréquents chez les athétosiques que chez les spastiques (CHEVRIE-MULLER, 2007). D’autre part, « les différents degrés d’atteinte, du trouble isolé de l’articulation à

l’absence quasi complète de langage oral, obligent à faire une distinction entre troubles modérés et troubles graves de la parole. (…) Parmi les facteurs susceptibles de perturber le développement du langage de l’enfant IMC, il convient de citer : la débilité mentale, la surdité, les troubles de la motricité (en particulier les lésions corticales et sous-corticales),

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les lésions cérébrales pouvant empêcher le développement du langage (notion d’hémiplégie infantile), les difficultés psychologiques ou troubles d’origine éducative, les étiologies multiples » (RONDAL et al, 1999). En ce qui concerne l’enfant polyhandicapé, la plupart ne

développeront pas de langage oral ou le cas échéant, il s’agira d’un langage très rudimentaire. Quant à la comorbidité respiratoire, les enfants ayant un retard de développement du langage à M24AC, ont été plus sujets à développer des dysplasies broncho-pulmonaire à M4 et M18AC. Parce que la dysplasie est au moins en partie due à une ventilation mécanique, ce sont des enfants qui bénéficient en général d’une durée d’hospitalisation plus longue, et qui sont atteints d’une pathologie chronique entraînant une gêne respiratoire pouvant persister pendant plusieurs années. Par ailleurs, l’alimentation des enfants atteints de DBP peut s’avérer compliquée chez ces bébés fatigables, à l’état respiratoire précaire. L’apprentissage des tétées est long et souvent difficile ; ce sont généralement des enfants nourris par sonde. Ainsi, l’une des hypothèses explicatives de cette association significative entre retard de développement du langage à M24AC et DBP pourrait être en partie expliquée par les conséquences d’une nutrition entérale sur le développement de l’oralité verbale. « La bouche

est alors peu stimulée et mal investie par l’enfant et par sa mère. (…) La durée d’alimentation artificielle influence directement le retard de passage à la cuiller, le difficultés de mastication ainsi que les troubles du langage » (DELFOSSE et al, 2006).Les retards de développement du

langage sont, dans ce cadre, d’origine plurifactorielle.

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