• Aucun résultat trouvé

Facteurs de risque de transmission de la brucellose dans les systèmes de production urbains, périurbains et ruraux au Niger

Rural Livestock System of Torodi (Niger)

Partie 4 Discussion générale

4. Analyse des facteurs de risque de transmission de la brucellose et de la tuberculose à M. bovis dans les systèmes de productions animales au Niger

4.1. Facteurs de risque de transmission de la brucellose dans les systèmes de production urbains, périurbains et ruraux au Niger

Nous avons trouvé que le risque de transmission de la brucellose chez les animaux à l’échelle individuelle et au niveau du troupeau variait considérablement en fonction des strates des systèmes d’élevage. Ces résultats sont en accord avec ceux trouvés par plusieurs auteurs qui ont également montré l’existence de variations importantes de la prévalence de la brucellose animale en fonction des zones géographiques et des systèmes de production mis en jeu (Acha et Szyfers, 2001 ; Mangen et al., 2002 ; Cadmus et al., 2006 ; Sanogo et al., 2008 ; Chimana et al., 2010). Chez les bovins, la probabilité de tester un animal positif au test i.ELISA était plus élevée dans la zone rurale comparativement aux zones périurbaine et urbaine. Cette forte prévalence de la brucellose chez les bovins en milieu rural peut s’expliquer en partie par la pratique de la transhumance caractérisée par le parcours de longues distances du cheptel à la recherche de pâturage et d’eau. En effet, il est maintenant bien établi que la dynamique de la migration régulière des troupeaux pastoraux augmente la probabilité que des troupeaux indemnes soient en contact avec d'autres troupeaux potentiellement infectés d’où une possible propagation de la maladie à un nombre plus important d’animaux et à des limites géographiques plus grandes (Akakpo et al., 1986 ; Acha et Szyfers, 2001; Kadohira et al., 1997 ; Sanogo et al., 2008 ; Megersa et al., 2011). Nos travaux confirment les résultats rapportés par les précédents auteurs car nous avons observé que le risque de contracter la brucellose était 9,1 fois plus élevé dans les troupeaux transhumants que dans ceux qui ne pratiquent pas à cette technique.

Compte-tenu du caractère hautement infectieux de Brucella, le partage des pâturages et des points d’eau constitue un facteur de risque important pour la transmission de la brucellose (Muma et al., 2007; Mekonnen et al., 2010 ; Makita et al., 2011).

La structure des troupeaux est un autre facteur pouvant expliquer la plus grande sensibilité à la brucellose des bovins de la zone rurale. En effet, nous avons constaté que les troupeaux de cette zone sont plus équilibrés et contiennent presque autant d’ovins, de bovins et de caprins alors que dans les

140 zones urbaine et périurbaine, les bovins sont plus nombreux que les petits ruminants. Les résultats préliminaires sur base d’une analyse univariée ont montré que le risque de transmission de la brucellose augmentait considérablement dans les troupeaux mixtes comparativement aux troupeaux composés d’une seule espèce. Les chances d’être testé séropositif à l’antigène brucellique était 8,9 fois plus élevé dans les troupeaux mixtes comprenant à la fois des bovins, des ovins et des caprins par rapport aux troupeaux ne comprenant qu’une seule espèce. Ceci corrobore les résultats obtenus par Holt et collaborateurs (2011) et Megersa et collaborateurs (2011) qui ont rapporté que les bovins gardés dans un troupeau mixte comportant des moutons et des chèvres courraient un risque plus élevé d’être contaminés par les brucelles que les bovins élevés seuls. Cependant, cette variable n’a pas été retenue comme variable explicative dans notre modèle statistique final (analyse multivariée).

De même, nos résultats ont montré que la taille du troupeau était positivement corrélée à l’infection brucellique au sein des troupeaux (P < 0,001), le risque de contamination étant beaucoup plus élevé dans les troupeaux de grande taille par rapport à ceux plus réduits. Ces résultats corroborent ceux de plusieurs auteurs qui ont également constaté que la prévalence de la brucellose était plus élevée dans les troupeaux comportant un grand nombre d'animaux (Domenech et al., 1982 ; McDermott, 2002 ; Makita et al., 2011 ; Sanogo et al., 2012).

D’autres considérations peuvent aussi expliquer la différence de prévalence observée entre le milieu rural et le milieu périurbain. La faible susceptibilité des bovins à la brucellose dans la strate périurbaine comparativement au milieu rural pourrait s’expliquer par la différence de gestion. En effet, les éleveurs périurbains d’origine peule ne gardent auprès d’eux que les animaux en phase de production (femelles laitières en fin de gestation ou en début de lactation et mâles géniteurs sélectionnés), le reste du troupeau étant gardé en milieu rural (Boukary et al., 2007). Une sélection d’animaux plus sains a pu se faire par les éleveurs pour alimenter les troupeaux de la zone périurbaine.

Cette stratégie d’élevage pourrait être à la base de la faible prévalence de la brucellose observée chez les bovins en milieu périurbain. Nos résultats confirment d’ailleurs cette observation car nous avons trouvé que l’odds ratio d’avoir un animal séropositif à la brucellose est 4.1 fois plus élevé dans les troupeaux ayant des femelles qui ont avorté que dans les troupeaux où cela n’est pas le cas. Le fait de sélectionner des femelles en lactation limiterait ainsi le risque d’infestation de brucellose.

Contrairement à ce qui a été observé chez les bovins, nos résultats ont montré que le risque de séropositivité en brucellose chez les petits ruminants est beaucoup élevé en milieu urbain qu’en milieu périurbain ou rural. Cette forte sensibilité des petits ruminants en milieu urbain serait aussi liée à une différence de gestion. En milieu urbain, les petits ruminants jouent un rôle économique très important.

Pour beaucoup de ménages, l’élevage du mouton et de la chèvre constitue une forme d’épargne (Marichatou et al., 2005). Les mâles sont élevés à l’intérieur des concessions où ils reçoivent une alimentation sous forme de fourrage complémenté avec des résidus de cuisine. Ils ont une valeur

141 marchande beaucoup plus importante que les femelles et sont généralement vendus sur le marché en cas de besoin de liquidités ou sont abattus lors de cérémonies religieuses (Thys et al., 2006). Ceci explique aussi la faible proportion des mâles dans notre échantillon d’animaux étudié dans le milieu urbain et aussi leur faible susceptibilité à l’infection brucellique. Contrairement à ce qui est observé dans les zones rurales où les troupeaux sont généralement mixtes, au niveau des élevages intra-urbains, les femelles de petits ruminants sont dans la plupart des cas séparées des mâles et conduites aux pâturages par un berger qui rassemble sous sa garde tous les animaux du quartier (Marichatou et al., 2005 ; Boukary et al., 2007). Dans les conditions spécifiques de l’élevage à Niamey, l’agrégation des animaux dans des lieux de collecte avant le départ au pâturage ainsi que la production d'urine, d'excréments et autres sécrétions entrainent la pollution des espaces urbains et augmente le risque de transmission de la brucellose lorsque celle-ci est présente (Waters-Bayer, 1995 ; Drescher et al., 2001 ; Koffi-Tessio, 2007 ; Megersa et al., 2011)

Nous avons également constaté que l'odds ratio d'avoir des animaux testés positifs pour la brucellose est 4,3 fois plus élevé dans les troupeaux appartenant à des migrants par rapport à ceux appartenant aux populations sédentaires. Au Niger, l'histoire des migrations est étroitement liée à celle de la transhumance. Les populations migrantes sont généralement installées sur des terres marginales où les infrastructures d'assainissement et d'hygiène font généralement défaut (Boukary et al., 2007).

L'absence de vétérinaires conduit ces populations à assister eux-mêmes sans aucune précaution les femelles animales lors des mises bas ou en cas d’avortement (Marichatou et al., 2005). Cette pratique expose les éleveurs à un risque élevé de contamination et contribue aussi à la dissémination de la maladie (Corbel, 1988).

Nous avons aussi constaté que la prévalence de la brucellose chez les bovins est fortement corrélée à l'âge des animaux. En effet, pour les bovins entre 1 et 4 ans, la probabilité de séropositivité envers la brucellose était 3,7 fois plus élevée que pour les animaux âgés de 1 an ou moins. La grande sensibilité des animaux entre 1 et 4 ans pourrait s'expliquer par le fait qu'en raison de leur état physiologique, ces animaux sont plus aptes à la mobilité et donc plus exposés au risque d’être infectés par Brucella. Dans tous les systèmes d’élevage au Niger, les jeunes animaux âgés de moins d’un an ne sont généralement pas conduits au pâturage. Ils sont généralement gardés au niveau de la concession où dans des campements, ce qui peut expliquer leur faible susceptibilité à l’infection. Selon de nombreux auteurs (Akakpo et al., 1986 ; Turkson et Boadu, 1992 ; Musa et Shigidi, 2001 ; Faye et al., 2005 ; Chimana et al., 2010), le risque d'infection brucellique augmente avec l'âge des animaux, ce qui confirme nos résultats.

Les risques d’être infecté augmentent également avec la fréquence des avortements. Nous avons trouvé que le nombre d’individus positifs au test i.ELISA était significativement supérieur dans les troupeaux où des avortements avaient été constatés. En effet, les femelles infectées par Brucella

142 peuvent excréter des concentrations très élevées de pathogènes dans leur lait, dans les membranes placentaires et les avortons (Corbel, 1988). Par conséquent, le risque de transmission de la brucellose par contact direct avec des matières contaminées existe bel et bien.

Les habitudes alimentaires, notamment la consommation du lait cru qui est une pratique courante au Niger, exposent la population à un risque élevé de contamination par les brucelles. En effet, nos résultats ont montré que le risque d’être infecté par des brucelles est élevé au niveau des ménages pastoraux qui consomment du lait cru par rapport aux ménages consommant du lait pasteurisé. Ceci confirme les résultats obtenus par plusieurs auteurs qui ont rapporté que la manipulation et la consommation de produits laitiers non pasteurisés ou de la nourriture contaminée peuvent favoriser la transmission de la brucellose (Arimi et al., 2005 ; Kang'Ethe et al., 2007 ; Saegerman et al., 2010).

4.2. Facteurs de risque de transmission de tuberculose à M. bovis dans les systèmes de