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Facteurs de risque de l’ESB/facteurs influençant la prévalence apparente

1.2. Epidémiologie de l’ESB

1.2.4. Facteurs de risque de l’ESB/facteurs influençant la prévalence apparente

Nous distinguons les facteurs de risque de la maladie, c’est à dire les facteurs influençant la probabilité pour un animal d’être infecté par l’ESB, et les facteurs influençant la prévalence apparente de l’ESB, c’est à dire les facteurs influençant la probabilité pour un animal infecté d’être détecté comme un cas ESB.

1.2.4.1. Facteurs de risque de l’ESB

Le risque d’infection par l’ESB est lié au principal, sinon unique, mode de contamination identifié. Les différents facteurs de risque de la maladie reflètent ainsi l’exposition aux FVO des animaux dans leur jeune âge (cf. supra).

Type de production des animaux

Le type de production des animaux, laitier ou allaitant (vache à viande) a été identifié comme facteur de risque dans de nombreux pays [Wilesmith et al. 1988; Griffin et al. 1997; Ducrot et al. 2003; Ru et al. 2007]. Plus de 80% des cas ESB détectés en France sont des animaux de type laitiers. Ceci s’explique par des pratiques alimentaires différentes entre élevages laitiers et allaitants. En élevage laitier, les veaux sont rapidement sevrés et alimentés au moyen d’aliments concentrés du commerce (concentrés) tandis qu’en élevage allaitant les veaux sont élevés « sous la mère », nourris essentiellement du lait de celle-ci pendant leurs 6 premiers mois de vie. L’exposition des veaux laitiers aux FVO incorporées de manière légale ou accidentelle dans les concentrés était ainsi plus forte que celle des veaux allaitants à l’époque où les FVO étaient encore autorisées dans l’alimentation des animaux de rente. Dans une moindre mesure, la forte productivité des troupeaux laitiers a été identifiée comme à risque pour l’ESB, la grande taille du troupeau et l’âge au premier vêlage (mise bas à 2 ans en production intensive contre 3 ans en élevage traditionnel) ressortant comme facteurs de risque dans les analyses statistiques [Ducrot et al. 2006; La Bonnardière et al. 2007].

Saisonnalité de l’exposition des animaux

La saison de naissance de l’animal a également été identifiée comme facteur de risque au Royaume-Uni [Wilesmith 1991; Hoinville 1994; Donnelly et al. 1997] et en France [Sala et al.

2006], certains mois ou saisons de naissance ressortant comme plus à risque, après ajustement sur les autres facteurs connus, et ce, quel que soit le type de production. Cette saisonnalité de l’exposition des animaux à l’ESB pourrait être expliquée par la différence de consommation des concentrés. Les animaux nés en automne, passant la majorité de leur première année en bâtiment, consommeraient ainsi plus de concentrés, tandis que ces concentrés seraient moins présents dans l’alimentation des animaux nés au printemps. Cependant, une étude menée en France sur les différences d’alimentation des génisses de renouvellement (femelles destinées à la reproduction) au cours de leur première année de vie

n’a pas permis de mettre en évidence des différences de consommation des concentrés en fonction de la saison de naissance des animaux [Belluau and Mathevon 2008].

Cohorte de naissance des animaux

La mise en place progressive des différentes mesures de contrôle de l’ESB, notamment des mesures d’interdiction de l’utilisation des FVO dans l’alimentation des animaux de rente (cf. partie 1.3.2.), a fait varier l’exposition des bovins à l’agent infectieux au cours du temps. La cohorte de naissance, composée d’animaux nés au cours de la même année, apparaît ainsi comme un facteur modulant de manière importante le risque ESB dans la majorité des pays européens (cf. partie 3.4). L’harmonisation tardive de la législation européenne en matière d’interdiction des FVO dans l’alimentation des ruminants, et la mise en place plus ou moins précoce de mesures de contrôle nationales dans certains pays, expliquent les différences observées dans l’évolution temporelle de l’exposition des cohortes entre les pays. En France, les modélisations des données ont permis de mettre en évidence deux pics d’exposition des bovins, suivis d’une diminution constante de l’exposition à partir des cohortes de naissance 1995-1996 (figure 1.5) [La Bonnardière et al. 2004; Morignat et al. 2004; Supervie and Costagliola 2004; Supervie and Costagliola 2007].

Figure 1.5 - Nombre de cas ESB détectés dans chaque cohorte de naissance, en France, entre janvier 1991 et septembre 2009.

Pas d’effet du sexe et prédisposition génétique non déterminée

Malgré le peu de cas d’ESB diagnostiqués chez les bovins mâles (1,3% des cas ESB en France) le sexe n’a pas été identifié comme un facteur de risque. Cette faible proportion est expliquée par le fait que les animaux mâles sont le plus souvent abattus très jeunes (avant 18 mois) pour la production de viande et que très peu de mâles reproducteurs sont conservés à un âge suffisamment avancé pour permettre la détection de la maladie.

0 50 100 150 200 250 300 350 400 Nombre de cas ESB Cohorte de naissance Interdiction des FVO dans l’alimentation des ruminants

Interdiction des FVO dans l’alimentation des bovins

De même aucune prédisposition génétique n’a été mise en évidence de manière certaine chez les bovins [Goldmann 2008], même si l’on ne peut exclure une sensibilité génétique à la maladie [Juling et al. 2006; Haase et al. 2007]. Les études généalogiques n’ont pas non plus permis de mettre en évidence des lignées plus à risque que d’autre [Wijeratne and Curnow 1990].

1.2.4.2. Facteurs influençant la prévalence apparente de l’ESB

Dans le cas de l’ESB, la prévalence réelle de la maladie dans la population bovine n’est pas directement accessible, du fait d’un diagnostic post-mortem et d’une durée moyenne d’incubation de la maladie supérieure à la durée de vie moyenne des bovins en France. En France, environ 80% des animaux décèdent avant d’avoir atteint l’âge moyen d’apparition des symptômes. De plus, les tests de diagnostic ne permettent de détecter la PrPsc qu’en fin de période d’incubation, au mieux, dans les trois mois précédant l’apparition des signes cliniques [Grassi et al. 2001; Arnold et al. 2007]. De ce fait, la plupart des animaux infectés ne sont pas détectés et les systèmes de surveillance ne permettent d’accéder qu’à la prévalence de l’ESB dans la population testée, c’est à dire à une prévalence à la mort. Cette prévalence apparente (ou observée) est susceptible d’être influencée par de nombreux facteurs dépendant d’une part, de la population testée et d’autre part, des modalités de surveillance et de diagnostic de l’ESB.

L’âge des animaux au moment de la réalisation du test de dépistage

Parmi les facteurs relatifs à la population bovine testée, le type de production et la cohorte de naissance des animaux, comme évoqué précédemment, ainsi que l’âge des animaux au moment du dépistage sont les facteurs les plus influents. L’âge des animaux à la contamination et la période d’incubation de l’ESB étant relativement stables, l’âge des animaux au moment de l’apparition des signes cliniques de la maladie suit une distribution particulière autour d’une moyenne de 6-7 ans (figure 1.6). Le diagnostic n’étant possible que quelques mois avant l’apparition des symptômes, la probabilité de diagnostiquer un animal infecté est fortement dépendante de l’âge de cet animal au moment de la réalisation du test diagnostic et donc de son âge à la mort.

Figure 1.6 - Distribution de l’âge des animaux au diagnostic en France entre janvier 1991 et septembre 2009.

Distribution établie à partir de 1017 cas.

Facteur géographique

Une hétérogénéité géographique de la prévalence de l’ESB a été mise en évidence dans la plupart des pays européens [Anderson et al. 1996; Abrial et al. 2003 ; Schwermer et al. 2003; Sheridan et al. 2005 ; Allepuz et al. 2007 ; Paul et al. 2007 ; Ru et al. 2007 ; Schwermer et al.

2007 ; Heres et al. 2008]. Cette hétérogénéité est liée à l’existence de zones concentrant les activités d’élevage mais également à une régionalisation des types de production, laitier ou allaitant. De plus, la mise en évidence de clusters géographiques serait à mettre en relation avec la localisation et l’étendue des zones commerciales des usines fabricant des aliments pour animaux, les usines intégrant des FVO dans leur compositions étant susceptibles de contaminer leurs élevages clients.

En France, l’hétérogénéité spatiale de l’ESB est liée d’une part, à l’existence de bassins de production concentrant les élevages laitiers et d’autre part, à la coexistence géographique des élevages d’espèces monogastriques (porcs et volailles) et des ruminants. Cette coexistence a probablement favorisé les contaminations croisées entre aliments destinés aux monogastriques, contenant des FVO, et ceux destinés aux ruminants [Abrial et al. 2005; Abrial

et al. 2005; Jarrige et al. 2007]. Une évolution temporelle de cette hétérogénéité spatiale a également été mise en évidence, probablement en lien avec une application rigoureuse plus précoce de la réglementation dans les premières régions touchées par l’épizootie (figure 1.7).

0 5 10 15 20 25 30 %

Figure 1.7 - Evolution du ratio d’incidence standardisé du risque ESB sur quatre périodes de naissance.

(A) janvier 1991 à juin 1994 ; (B) juillet 1994 à juin 1995 ; (C) juillet 1995 à juin 1996 ; (D) juillet 1996 à novembre 1998. Augmentation croissante du risque avec l’intensité du gris, le gris moyen représentant un risque relatif de 1. D’après Ducrot, 2005 [Ducrot et al. 2005].

Evolution des systèmes de surveillance de l’ESB

Les modalités de surveillance de l’ESB ont beaucoup évolué en Europe, depuis la simple obligation de déclaration de la maladie en 1990, à la mise en place d’un dépistage systématique de tous les bovins de plus de 24 ou 30 mois morts ou abattus (cf. partie 1.3.1.). Avant la mise en place de ce dépistage, la surveillance de l’ESB était peu efficace voir inefficace dans de nombreux pays, très peu d’animaux malades étant détectés par la surveillance clinique des animaux [Supervie and Costagliola 2006].

A la mise en place du dépistage systématique de l’ESB en 2001, du fait de l’amélioration du diagnostic, la prévalence de l’ESB a considérablement augmenté dans la plupart des pays européen (figure1.8). La prévalence apparente de l’ESB pour une année donnée est ainsi fortement influencée par la qualité et l’efficacité des systèmes de surveillance en place cette même année.

Figure 1.8 - Evolution du nombre de cas d’ESB détectés entre 1987 et 2008 en Europe géographique, hors Royaume–Uni.

Source OIE, site consulté le 14 septembre 2009

http://www.oie.int/eng/info/en_esbmonde.htm 0 50 100 150 200 250 300 350 Nombre de cas d'ESB Année de surveillance Allemagne Belgique Espagne France Irlande Italie Pays-Bas Pologne Portugal Suisse

Influence du test de dépistage

Des études plaident en faveur d’une meilleure sensibilité de certains tests de diagnostic rapides et d’une évolution au cours du temps de la sensibilité de l’ensemble des tests [Grassi

et al. 2001; Arsac et al. 2007; Grassi et al. 2008]. Se pose alors la question de l’influence, sur la prévalence apparente de l’ESB, des tests utilisés en France dans le cadre de la surveillance exhaustive. En effet, les six tests rapides utilisés en France4 l’ont été avec une intensité variable en fonction de l’année de surveillance, de la région, du type de production et du programme de surveillance (surveillance à l’abattoir ou à l’équarrissage). Une étude menée sur les données françaises de la période juillet 2001-décembre 2007 n’a pas permis de mettre en évidence un effet du test de dépistage sur la prévalence apparente de l’ESB [Maltaverne 2009]. Ces résultats étaient concordants avec ceux d’une précédente étude menée sur un jeu de données restreint et qui n’avait pas, non plus, conclu à un effet du test de dépistage [La Bonnardière et al. 2004].

Qualité du prélèvement

Evaluée à deux reprises [Morignat and Calavas 2007; Maltaverne 2009], l’état et la qualité du prélèvement, notamment l’absence de l’obex dans le prélèvement, ne semblent pas influencer la probabilité de détection de l’ESB. Ces résultats peuvent être expliqués par le fait que, contrairement à ce qui est observé en situation expérimentale (forte dose infectante), la PrPsc

serait répartie de manière plus diffuse dans le SNC en condition d’infection naturelle (très faible dose infectante) [Arnold et al. 2007]. Or le site de prélèvement pour l’application des tests rapides (obex) avait été déterminé à partir de ces situations expérimentales. De même, la lyse du tissu prélevé ne semble pas affecter la détection de la PrPsc dans le prélèvement [Chaplin et al. 2002].

De multiples facteurs influencent ainsi la probabilité d’infection d’un animal, sa probabilité de détection et la prévalence apparente de l’ESB. Ces facteurs de variabilité ont été identifiés à partir des données d’observation de l’ESB dite classique et ne sont probablement pas extrapolables aux formes atypiques d’ESB identifiées récemment et pour lesquelles peu de données sont disponibles.

4 Tests utilisés en France entre juillet 2001 et décembre 2007 :WB Prionics, Prionica LIA, Priostrip, Thesee Biorad, Idexx (Herd-Chek) et Enfer (version 2.0)