Chapitre VI: Source de variations de la production primaire entre sites de savanes à fort et faible potentiel de nitrification: différences d’accessibilité aux nutriments, ou
2. LES FACTEURS REGULANT LA NITRIFICATION
2.1 Substrats et produits
Les nitrifiants autotrophes sont dépendants du NH4+ ou du NO2- comme source d’énergie, et donc la concentration de ces substrats dans les sols est un facteur important de
régulation de la nitrification par stimulation ou par répression.
Des études ont montré par exemple que l’apport de NH4+ (McLaren, 1971) ou de NO2
-(Ardakani et al., 1973; Degrange et al., 1997) au sol pouvait fortement stimuler une
croissance des Nitrosomonas ou des Nitrobacter.
Concernant la répression, il existe dans les sols un seuil de tolérance aux
concentrations en ammonium. Cet effet répressif de l’ammonium a été attribué aux effets
toxiques du NH3 à fort pH (Stojanovic & Alexander, 1958), ou à une baisse de ce pH quand l’apport se fait sous forme (NH4)2SO4 (Malhi & McGill, 1982). Ces mécanismes pourraient
Le processus de nitrification
cependant varier suivant les conditions physico-chimiques du sol. On a aussi observé un effet
répressif du nitrate sur les Nitrosomonas, comme sur les Nitrobacter (Haynes, 1986).
2.2 pH du sol
Le pH du sol est un facteur connu de régulation de la nitrification, en jouant sur les
influences potentielles de l’ammonium, du nitrite et du nitrate. En culture, le pH optimal se
situe entre 7,5 et 8,5 (Bock et al., 1989). Cependant, dans les sols à pH supérieur à 7,5, on
peut trouver un effet toxique de l’ammonium. Dans les sols à pH acide, on observe une
limitation pour les nitrifiants autotrophes vers 4,5 (Sahrawat, 1982), et la toxicité de
l’aluminium à ces pH est alors supposée jouer un rôle de premier ordre dans la limitation de
l’activité nitrifiante (Brar & Giddens, 1968). Cependant, il faut moduler cette influence du
pH: des bactéries du genre Nitrobacter ont été observées tolérant des pH acides et étant
actives en tant que cellules libres (Hankison & Schmidt, 1988). L’explication de cette
tolérance est encore en discussion.
2.3 Aération et humidité du sol
La nature oxydative du processus de nitrification implique une sensibilité des bactéries
à l’oxygène. En règle générale, le maximum de nitrification est observé pour des potentiels
d’humidité du sol entre –10 et –33 kPa (Malhi & McGill, 1982), dépendant des propriétés du
sol et jouant sur son aération. A 0 kPa, la nitrification est absente pour cause de manque
d’oxygène. Aux valeurs inférieures à –1500 kPa (point de flétrissement permanent), l’activité
Le processus de nitrification
2.4 Température
Les températures optimales pour la nitrification se situent entre 25 et 37°C (Gay, 1983;
Josserand, 1983), mais ce processus peut avoir lieu entre 5 et 42°C (Gay, 1983). Les
nitrifiants indigènes semblent adaptés aux températures de leurs régions (Mahendrappa et al.,
1966). Le passage d’un feu influe sur la nitrification, mais dans des proportions variant avec
l’historique du feu dans un site donné (Carreira et al., 1994).
2.5 Limitation par l’ammonium sous végétation
La disponibilité du NH4+ représente un facteur important de régulation de la nitrification. Sous couvert végétal, existe une compétition forte entre les racines et les
nitrifiants pour ce substrat. Or, les nitrifiants sont considérés comme de faibles compétiteurs
par rapport aux végétaux et les hétérotrophes pour le NH4+ (Jones & Richards, 1977; Schmidt, 1982). Le NH4+ non immobilisé dans la rhizosphère des Graminées est rapidement absorbé par les racines, cette vitesse d’absorption limitant la nitrification dans les écosystèmes
herbeux (Huntjens, 1971). En forêts, ces observations ont également été vérifiées (Jordan et
al., 1979; Vitousek et al., 1979; Robertson, 1982, 1989). Dans le cas d’un bouleversement de
la couverture végétale, par exemple lors d’une déforestation, les organismes nitrifiants voient
leur accès à l’ammonium facilité, et donc le potentiel de nitrification augmente tandis que des
Le processus de nitrification
2.6 Limitation par une déficience en nutriments
La déficience en nutriments autre que l’azote, principalement le phosphore, peut aussi
limiter la nitrification, comme c’est le cas dans certaines savanes (Purchase, 1974). Mellilo
(1981) a montré en sols de forêts que la nitrification était supérieure avec un apport NH4+-N plus phosphate, qu’avec un apport NH4+ seul. Cette limitation par déficience en phosphate a des implications écologiques, puisque lors des phases de successions végétales, l’action
climatique et la lixiviation à long terme finissent par réduire la fertilité des sols, et en
particulier la disponibilité en phosphate (Walker & Syers, 1976). Dans les écosystèmes à
l’équilibre, la nitrification pourrait donc être limitée par cette déficience.
2.7 Eléments traces, pesticides et inhibiteurs spécifiques
La contamination dans les sols par des éléments traces peut engendrer une inhibition
de la nitrification. De petites quantités de certains éléments tels que Cr, Cd et Cu peuvent
avoir un impact très important (Chang & Broadbent, 1982). Cependant, les effets toxiques de
ces éléments dépendent des caractéristiques du sol, et les nitrifiants peuvent s’adapter à ces
pollutions en développant une tolérance aux éléments traces (Rother et al., 1982).
Les nitrifiants autotrophes sont considérés comme de bons bio-indicateurs de certains
types de contamination puisqu’ils figurent parmi les organismes du sol les plus sensibles aux
pesticides (Schmidt, 1982). L’action des pesticides dépend toutefois des conditions
environnementales. Les fumigants sont des inhibiteurs de nitrification à de faibles doses
(Goring & Laskowski, 1982). Aux taux normaux d’application, la plus grande part des
fongicides, insecticides et herbicides n’affecte pas la nitrification, mais peut le faire dès que
Le processus de nitrification
Au cours des dernières années, des inhibiteurs chimiques ont été développés en vue de
réguler la nitrification dans les systèmes cultivés (Huber et al., 1977). Le plus commun
d’entre eux est la nitrapyrine. Ces inhibiteurs agissent principalement sur les bactéries
oxydant l’ammonium, Nitrobacter y étant moins sensible, mais les réponses varient
considérablement entre les souches de nitrifiants (Belser & Schmidt, 1981). Une fois de plus,
les effets de ces inhibiteurs dépendent des caractéristiques du sol, et les nitrifiants pourraient
s’adapter à ces produits en développant une tolérance.