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Facteurs régulant la vitamine D 1α-hydroxylase

Par la suite, selon une stratégie gène candidat, plusieurs autres gènes impliqués dans le métabolisme de la vitamine D ou le contrôle de l’expression de la 1α-hydroxylase furent inclus dans notre panel d’analyse. Parmi eux, les gènes codant la protéine de transport de la vitamine D, GC, et ceux codant ses récepteurs, VDR codant le récepteur à la vitamine D et PDIA3 supposé coder le récepteur impliqué dans la voie non génomique. Nous souhaitions rechercher des variations associées à une augmentation de la biodisponibilité de la vitamine D (gain de fonction de la protéine de transport) ou à une activation constitutive de ses récepteurs. Aucune variation d’intérêt n’a été identifiée dans ces gènes dans notre cohorte.

Trois gènes impliqués dans le contrôle de la réabsorption tubulaire de phosphate (SLC34A1, SLC34A3 et SLC9A3R1 codant respectivement les cotransporteurs rénaux sodium-phosphate NPT2a et c et la protéine adaptatrice NHERF1) furent également étudiés chez nos patients. Notre hypothèse était qu’une anomalie génétique associée à une diminution de la concentration sérique de FGF23 pourrait conduire à une dérégulation de la 1α-hydroxylase (concept de levée d’inhibition). En effet, les patients porteurs de rachitisme hypophosphatémique à concentration sérique de FGF23 haute inadaptée présentent des concentrations sériques de 1,25-(OH)2D basses (par exemple, dans l’hypophosphatémie liée à l’X par mutation perte de fonction du gène PHEX265). Inversement, les patients porteurs de calcinose tumorale hyperphosphatémique (mutation perte de fonction de FGF23 par exemple266) présentent des concentrations sériques de 1,25-(OH)2D élevées. Cette hypothèse était également étayée par les études portant sur les modèles murins Slc34a1-/-267 et Slc34a3-/- et par les phénotypes des patients humains avec mutation de SLC34A1268 ou SLC34A3269 caractérisés par une concentration sérique en 1,25-(OH)2D élevée.

Notre travail (publication D) nous permit d’identifier des variations rares des gènes SLC34A1 et SLC34A3, la plupart considérée comme de signification indéterminée selon les critères du Collège américain de Génétique médical, une minorité ayant été précédemment publiée. Il souligne le chevauchement phénotypique entre déficit en vitamine D 24-hydroxylase et défaut de la réabsorption tubulaire de phosphate, explicable par la régulation réciproque de la

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(OH)2D par le FGF23 et du FGF23 par la 1,25-(OH)2D, et par leur position centrale dans la régulation du métabolisme phosphocalcique.

Ce travail illustre également l’importance des facteurs environnementaux dans les maladies d’origine génétique. En effet, dans le déficit en vitamine D 24-hydroxylase, nous soulignons le rôle majeur de la concentration sérique basse de PTH comme marqueur de cette maladie chez des patients ne présentant pas d’hypercalcémie. C’est l’environnement (apport en vitamine D ou ensoleillement) qui conduit à un déséquilibre métabolique franc avec hypercalcémie et PTH indétectable chez ces patients. Nous évoquons le même type de mécanisme physiopathologique chez les patients présentant des variations de SLC34A1 et SLC34A3, dont la phosphatémie peut fluctuer au cours du temps mais dont la PTH reste basse et la 1,25-(OH)2D haute (données présentées lors du 22nd Vitamin D workshop). Des études de corrélation génotype-phénotype seront nécessaires pour déterminer s’il s’agit de fluctuations liées au caractère complet ou incomplet de la perte de fonction associée aux variations géniques de SLC31A1 et SLC34A3. Enfin, l’observation d’une famille particulière où ségrégent une mutation CYP24A1 et une variation rare de signification indéterminée de SLC34A3 suggère l’hypothèse d’une dérégulation de la 1α-hydroxylase par mécanisme digénique, hypothèse préalablement proposée par Tabibzadeh et al. 270. Le phénotype de ces patients résulterait de l’effet cumulé de deux variations hétérozygotes associées chacune à une élévation du calcitriol sérique (élévation du calcitriol sérique observée chez les hétérozygotes CYP24A1 dans notre cohorte et chez les hétérozygotes SLC34A3 dans l’étude publiée par Dasgupta et al.). Ce mécanisme physiopathologique pourrait expliquer des proportions variables de sujets symptomatiques parmi les patients hétérozygotes pour des mutations de SLC34A1257, SLC34A3269 ou CYP24A1256.

Plus largement, ce type d’hypothèse physiopathologique mêlant déséquilibre du métabolisme du phosphate et de la vitamine D pourrait expliquer une partie des hypersensibilités à la vitamine D néonatales transitoires identifiées chez une majorité d’enfants de notre cohorte. Ce phénotype résulterait de la conjonction d’une faiblesse relative des apports en phosphate (favorisée par la prématurité et/ou un allaitement maternel exclusif) activant l’expression de la vitamine D 1α-hydroxylase (baisse du FGF23) et des apports relativement excessifs en vitamine D (supplémentation recommandée dès les premiers jours de vie) apportant en trop grande quantité un substrat à une machinerie enzymatique poussée à plein régime.

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Il n’existe pas à notre connaissance de donnée épidémiologique sur l’hypersensibilité à la vitamine D et l’hypercalcémie néonatale. Néanmoins, l’absence de complication chez une majorité d’enfants bénéficiant d’une supplémentation en vitamine D suggère l’existence de facteurs de risques potentiellement génétiques chez nos patients, comprenant éventuellement des mutations hétérozygotes des gènes susmentionnés. L’absence de variation dans la séquence codante de ces gènes chez une majorité d’enfant pourraient être en faveur de variations génétiques à risque localisées en dehors des séquences codantes et pouvant influer sur l’expression des gènes. L’expression de CYP27B1 et CYP24A1 étant finement régulée de façon opposée et synchrone (ce qui active l’expression de l’un inhibe celle de l’autre et réciproquement), la présence de variation(s) dans les séquences promotrices représente une hypothèse de travail intéressante.

L’analyse du promoteur proximal de CYP27B1 a été réalisée suivant la même méthodologie de séquençage Sanger que celle utilisée pour le promoteur de CYP24A1, bien qu’aucune variation susceptible de modifier l’expression du gène n’ait à ce jour été publiée. Seule les données bibliographiques et bioinformatiques purent être utilisées pour interpréter les variations de séquence identifiées chez nos patients130. Il n’a pas été identifié de variation jugée significative dans les régions du promoteur précédemment publiées comme activatrices de l’expression du gène. Seule une variation hétérozygote impactant un site de fixation à un facteur de transcription non spécifique de type AP-2 a été mise en évidence. En particulier, aucune variation dans un site de type cAMP Response Element (élément de réponse à l’AMP cyclique, second messager émis suite à l’activation de la voie en aval du récepteur à la PTH) n’a été détectée. Là encore, la technique employée ne permet pas d’exclure un réarrangement de grande taille chez les sujets ne présentant aucun polymorphisme hétérozygote. La séquence étudiée ne correspond qu’au promoteur proximal et on ne peut exclure que des anomalies de régulateurs distaux puissent être impliquées.

En effet, lors de la rédaction de ce manuscrit, un nouvel article portant sur la caractérisation chez la souris d’éléments régulateurs de l’expression de Cyp27b1 localisés à distance du gène, dans les introns des gènes Mettl21b et Mettl1 (pour Methyltransferase-like 21b et 1) parut dans Journal of Biological Chemistry271. Ce travail suggère une organisation similaire des loci murins et humains et l’existence potentielle d’éléments régulateurs dans les introns 2 et 3 des gènes METTL1 et METTL21B (aussi nommé EEF1AKMT3 pour EEF1A Lysine Methyltransferase 3). D’après les études fonctionnelles réalisées chez la souris, et en supposant l’existence de similitudes fonctionnelles chez l’Homme, des anomalies des éléments

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régulateurs contenus dans ces introns pourraient être impliquées en pathologie humaine. Ainsi, des variations introniques de EEF1AKMT3 pourraient être responsables de défaut d’inhibition de la 1α-hydroxylase par défaut de réponse au FGF23 (phénotype HVD avec hypophosphatémie et FGF23 élevé). Des anomalies du régulateur inclus dans METTL1 pourraient être responsables d’une résistance à la PTH (phénotype évocateur de pseudohypoparathyroïdie ou de VDDR1A) ou d’un défaut de rétrocontrôle de la 1,25-(OH)2D. Ces éléments représentent de nouvelles pistes d’exploration.

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