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2. IDENTIFICATION DES FACTEURS DE PERTURBATION DE L’INTÉGRITÉ

2.1 Facteurs de perturbation naturels

Les facteurs de perturbation naturels sont essentiellement liés aux conditions climatiques de la zone d’étude. Celle-ci se caractérise par un climat méditerranéen de montagne, c’est-à-dire humide à subhumide et à hiver froid (Chillasse, 2004). Les températures annuelles moyennes se situent entre 3 et 16 oC (Martin, 1981), avec des maximums

pouvant dépasser les 30 oC en juillet-août et des minimums souvent inférieurs à 0 oC de

décembre à février (Chillasse, 2004). Au-dessus de 1 400 mètres d’altitude, les précipitations hivernales peuvent avoir lieu sous forme de neige (Id.). Les précipitations estivales, pour leur part, se présentent sous forme d’orages et d’averses brutales, suffisamment fréquentes pour influencer le total annuel des précipitations (Benbrahim et al., 2004; Chillase, 2004; El Jihad, 2003). En raison de leur caractère souvent brusque et violent, les pluies présentent, dans cette région, un potentiel d’érosion très élevé (Benbrahim et al., 2004). De plus, les écarts et les extrêmes thermiques causent la dessiccation des sols, ce qui peut entraîner la compaction des sols argileux ou la pulvérisation des sols limoneux et favoriser le ruissellement ou l’érosion (Id.).

Puisque les principales perturbations atmosphériques proviennent de l’océan Atlantique, on observe un gradient d’aridité croissant du nord-ouest vers le sud-est (Chillasse, 2004). En outre, sur le versant ouest, les précipitations augmentent selon un gradient altitudinal (Id.). Les mois de juin à septembre sont généralement secs dans l’ensemble de la région, tandis que les mois de mai et octobre le sont plus d’une année sur deux dans les zones de faible altitude uniquement (El Jihad, 2003). De plus, des sécheresses de courte durée, généralement d’un seul mois, surviennent occasionnellement en saison froide (novembre à avril) (Id.). La région de l’Atlas est également reconnue pour la variabilité interannuelle de ses précipitations (El Jihad, 2003; Flower and Foster, 1992). Globalement, de faibles précipitations ont été enregistrées dans les années 1944-1953, tandis que les années 1956 à 1980 ont été plus humides (Karrouk, 2007; Flower and Foster, 1992). Depuis, le

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pays est affecté par une longue période de sécheresse, interrompue en 1996 et 1997 par des précipitations abondantes (Id.). Les périodes 1980-1985 et 1991-1995 ont été particulièrement arides et les sécheresses les plus intenses ont été observées en 1981, 1983, 1993, 1995, 1998, 2002, 2005 et 2008 (Karrouk, 2007; El Jihad, 2003; Chillasse, communication personnelle). Ces années ont été caractérisées par une atmosphère stable et sèche, même en saison normalement considérée comme humide, et correspondent à la présence du phénomène El Niño (Karrouk, 2007).

La région n’échappe pas à la tendance mondiale de réchauffement climatique, puisqu’on y prévoit un réchauffement de l’ordre de 0,7 à 1 oC entre 2000 et 2020 (Benbrahim et al.,

2004). Dans le futur, les sécheresses risquent également de s’intensifier et de se prolonger. En effet, les tendances indiquent une réduction du volume annuel des précipitations de 4 % en 2020 par rapport à l’an 2000 (Id.). El Jihad (2003) a d’ailleurs constaté une tendance à l’augmentation du nombre de mois secs à partir de 1980, surtout dans les stations de plus haute altitude où la sécheresse était normalement moins intense. En outre, des études dendrochronologiques (étude des cernes de croissance d’un arbre) sur les cèdres de l’Atlas ont permis d’analyser les épisodes de sécheresse depuis les années 1000 et de constater qu’elles atteignent maintenant des durées de 8 ans, ce qui n’avait jamais été vu avant les 20 dernières années (Benbrahim et al., 2004).

Cette intensification des sécheresses, couplée à l’augmentation des pompages, expliquerait la diminution des volumes d’eau stockés dans la région (Chillasse et Dakki, 2004). Effectivement, les lacs de montagne du Maroc auraient subi une perte de superficie de 41 % entre 1978 et 1999 (Green et al., 2002) et des études réalisées sur le lac Azegza ont clairement démontré le lien entre le niveau d’eau du lac et les variations dans les précipitations annuelles (Flower and Foster, 1992). D’ailleurs, le drainage des eaux dans le bassin versant est reconnu comme étant l’un des principaux facteurs de contrôle du niveau de l’eau des lacs dans les régions karstiques (Id.). Plusieurs lacs ont donc vu leur niveau s’abaisser de façon importante au cours des années arides, certains s’étant même asséchés complètement à quelques reprises (Chillasse et Dakki, 2004). Ceci entraîne inévitablement des modifications importantes aux habitats et aux conditions physico- chimiques des eaux (température, taux d’oxygène, minéralisation, conductivité, etc.) (Chillasse et Dakki, 2004; Green et al., 2002). Les lacs de montagne marocains semblent notamment avoir subi une légère augmentation de leur salinité au cours des dernières décennies. Alors que Morgan (1982) rapportait des conductivités de 0,37 à 0,79 mS/cm en

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septembre 1979, Green et al. (2002) ont obtenu des mesures allant de 0,42 à 1,6 mS/cm en octobre 1997 et mai 1999. Ceci représente une augmentation moyenne minimale de 0,33 mS/cm pour les cinq lacs où la comparaison est possible. Plusieurs valeurs dépasseraient maintenant le seuil de salinité pour l’eau douce, établi à 0,5 g/L (Farinha et al., 1996) ou environ 0,8 mS/cm (Green et al., 2002). La baisse du niveau d’eau peut aussi mener à une eutrophisation accélérée des lacs et à la disparition de certaines espèces autochtones au profit d’espèces plus tolérantes aux nouvelles conditions (Dakki, s.d.).

Conséquence de la sécheresse, les incendies de forêt font également de plus en plus de ravages au Maroc, même si la superficie brûlée annuellement reste relativement faible en comparaison avec les pays nord-méditerranéens (Hanan et Mhirit, 1999). Alors que la superficie moyenne détruite par le feu était de 1 883 hectares par année entre 1960 et 1969, elle est passée à 4 503 hectares par année dans les années 1990 (Id.). Ceci peut avoir un impact sur les habitats forestiers et sur la sédimentation dans les lacs, puisque les sols découverts à la suite d’un feu sont plus propices à l’érosion (Id.).

La sécheresse globale que connaît le Maroc depuis les années 1980 a également motivé de nombreuses procédures de recherche et d’exploitation massive des ressources en eau potable, que ce soit au moyen de captage des résurgences, de pompage de la nappe phréatique ou de construction de barrages collinaires, ce qui amplifie le phénomène naturel (Dakki, s.d.; Chillasse et Dakki, 2004). En outre, la sécheresse a certainement motivé l’installation en altitude de nouvelles formes d’agriculture et encouragé la sédentarisation des bergers autrefois transhumants (Chillasse et Dakki, 2004). Les impacts de ces activités anthropiques sont décrits dans les sections suivantes.

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