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Dans notre premier travail sur les données à l’inclusion de l’étude IQUARE, nous avons observé que vivre dans un EHPAD doté d’une unité protégée était significativement associé à la prescription de médicaments à rapport bénéfice/risque défavorable. Les résidents qui nécessitent un avis psychiatrique sont plus susceptibles d’être traités par médicaments psychotropes, qui sont pour la plupart inappropriés chez le sujet âgé (notamment les benzodiazépines à demi-vie longue). Pour un résident vivant en EHPAD, la facilité d’accès à un avis psychiatrique ou à une hospitalisation en psychiatrie pourrait expliquer l’augmentation des prescriptions potentiellement inappropriées.

Nous nous attendions à ce que la présence d’une réévaluation de la prescription médicamenteuse des résidents depuis leur entrée en EHPAD diminue la probabilité de prescription potentiellement inappropriée. Toutefois, nous avons observé le contraire. La variable « réévaluation de la prescription médicamenteuse depuis l’entrée en EHPAD » ne concernait en réalité que la présence ou non d’au moins une réévaluation de la prescription médicamenteuse du résident depuis son admission dans l’EHPAD. En considérant le fait que la durée médiane de séjour des résidents en EHPAD est de 2,75 ans et que 20 % des résidents sont institutionnalisés moins d’un an (82), la réévaluation de la prescription de la plupart des résidents a dû être effectuée bien avant leur entrée dans l’étude.

Nous nous attendions également à ce qu’un nombre élevé de médecins généralistes prescripteurs intervenant dans l’EHPAD augmente le nombre de prescriptions potentiellement

144 inappropriées, mais que la présence d’une pharmacie à usage intérieur (PUI) ait un effet protecteur. Nous n’avons pas retrouvé d’association significative entre la présence d’une PUI dans l’EHPAD et la prescription médicamenteuse potentiellement inappropriée des résidents. Cependant, indépendamment des autres caractéristiques individuelles, structurelles et organisationnelles étudiées, nous avons observé une tendance allant dans le sens d’une prévalence plus élevée de prescriptions potentiellement inappropriées en présence de PUI. Ceci pourrait être expliqué par la facilité d’accès aux médicaments dans les EHPAD possédant une PUI ; qui conditionnerait peut-être la prescription d’un plus grand nombre de médicaments et ainsi un risque de prescription potentiellement inappropriée plus important (91). Cependant, seul un EHPAD sur quatre possède une PUI et ce sont principalement de grands établissements publics. De plus, la présence d’une PUI n’est pas le reflet de l’existence d’une analyse pharmaceutique des prescriptions médicamenteuses des résidents.

Nous n’avons pas retrouvé d’effet EHPAD sur la PPI. Une des explications possible est que les critères qui définissent la prescription potentiellement inappropriée dans nos travaux sont très hétérogènes, neutralisant peut-être l’effet du contexte sur leur présence. Cependant, nous ne pouvions pas exclure que certains types de problèmes liés à la thérapeutique médicamenteuse soient conditionnés par l’appartenance des sujets à un même EHPAD. Nous avons donc recherché cet effet contexte pour chacun d’eux en réalisant le test de l’intercept aléatoire (test de l’effet contexte) pour les modèles impliquant les types de problèmes codés lors de l’analyse pharmaceutique des prescriptions. Nous avons constaté que la variance du modèle vide était significativement différente de 0 (donc présence d’un effet contexte) pour la modélisation des critères suivants : présence de médicaments(s) ayant un rapport bénéfice/risque défavorable appartenant à la liste de Laroche, présence de

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145 médicament(s) ayant une efficacité discutable autres que ceux de la liste de Laroche, absence de vitamine D et prescription de deux neuroleptiques ou plus. L’intérêt d’ajouter un effet aléatoire sur l’EHPAD pour analyser l’association entre chacun de ces critères et les facteurs individuels, structurels et organisationnels semblerait donc justifié.

Le SMR est l’intérêt du médicament en valeur absolue et conditionne le taux de remboursement de celui-ci. Un médicament majeur dans une pathologie sévère sera remboursé à 65 % (SMR important), tandis qu’un médicament ayant un bénéfice clinique insignifiant et un rapport bénéfice/risque bien inférieur à ce qui existe déjà aura un SMR insuffisant et ne sera pas remboursé. De nombreuses études sur la prescription de médicaments à service médical rendu insuffisant ont déjà été menées (110,111) et révèlent une prévalence de prescription élevée de ce type de médicaments. Dans nos travaux, 13,9 % (à l’inclusion) et 12,2 % (à 18 mois de suivi) des patients avaient au moins un médicament à efficacité discutable n’appartenant pas à la liste de Laroche. Ce taux relativement élevé de prescriptions de médicaments sans apport particulier, chez une population fragilisée, suggère que la connaissance du service médical rendu mais aussi du niveau d’amélioration de celui-ci semble insuffisante. L’Amélioration du Service Médical Rendu (ASMR) est une mesure relative de l’utilité du médicament par rapport à ce qui existe déjà sur le marché. Un médicament ayant la même efficacité, le même rapport bénéfice/risque, la même utilité, a une ASMR V. A l’issue d’une revue de la littérature sur le sujet, nous n’avons pas trouvé d’étude ayant recherché et quantifié l’influence du contexte, notamment des caractéristiques structurelles et organisationnelles de l’EHPAD, sur la prescription de médicaments n’ayant pas fait la preuve de leur efficacité. Des pistes concernant l’influence du contexte sur la prescription de ces médicaments ont été abordées dans nos travaux. Il serait intéressant de

146 conduire des analyses multiniveaux à l’aide des données de notre échantillon d’étude afin de montrer quelles caractéristiques structurelles et organisationnelles des EHPAD influencent la prescription de médicaments à efficacité discutable, c’est-à-dire à SMR insuffisant.

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