• Aucun résultat trouvé

Facteurs influençant la cinétique macroscopique de dénitrification

1.3 Modélisation de la dénitrification : échelle, facteurs d’influence et méthodologie de caractérisation

1.3.2 Facteurs influençant la cinétique macroscopique de dénitrification

1.3.2.1 Propriétés microbiologiques, morphologiques et structurales du biofilm

1.3.2.1.1 Le biofilm : définition

Dans les aquifères, la densité bactérienne est plus importante à la surface de la matrice rocheuse que dans l’eau (Landreau et al., 1988; Hazen et al., 1991; Lehman et al., 2001). En présence d’un substrat adéquat, les bactéries croissent à la surface du support solide. Rittmann (1993) suggère que ce développement se fait préférentiellement sous forme de microcolonies éparses en milieu oligotrophe

évoluant vers la formation d’un biofilm continu lorsque la charge en substrat augmente (Figure 6). Le biofilm est alors constitué de microcolonies bactériennes comprises dans une matrice de polymères extracellulaires (PEC) et séparées les unes des autres par des vides interstitiels (chenaux connectés). Les PEC sont composés majoritairement de polysaccharides et de protéines et représentent 50 à 90 % de la masse carbonée du biofilm (Flemming et al., 2000).

Dans le traitement d’un problème réactif, la capacité de dégradation des bactéries libres et des flocs bactériens provenant du détachement du biofilm est souvent négligée (Baveye and Valocchi, 1989). L’entité réactive de référence est alors le biofilm dont les caractéristiques microbiologiques, morphologiques et structurales influencent, dans le cas du processus de dénitrification, le taux de réduction des nitrates et des composés intermédiaires (NO2

-

, N2O).

Figure 6 : Formation d’un biofilm (Boutaleb, 2007; Marconnet, 2007)

Adhésion initiale : les bactéries planctoniques (ou libres) et les substrats contenus dans l’eau sont transportés au contact de la surface du solide. Par le jeu d’interactions physico-chimiques, les bactéries se fixent au solide ou aux bactéries déjà fixées. Consolidation : La consolidation de l’adhésion est réalisée par la synthèse de polymères extracellulaires PEC renforçant la cohérence des cellules bactériennes entre elles. Cette phase s’accompagne de changement phénotypique de la cellule bactérienne. Colonisation : Lorsque les bactéries sont fixées de manière irréversible et que les conditions sont favorables, la colonisation se poursuit. Les cellules se multiplient et la surface se couvre d’une structure microbienne multicouche tridimensionnelle. Au cours de cette phase de croissance, une compétition entre les microorganismes voit le jour, certaines espèces deviennent

1.3.2.1.2 Caractéristiques microbiologiques

En fonction du matériel enzymatique dont dispose une souche bactérienne, on distingue les bactéries dénitrifiantes strictes des bactéries dénitrifiantes partielles (Payne, 1973). Les bactéries dénitrifiantes strictes possèdent la chaîne complète de réductases et assurent la réduction des nitrates en azote gazeux. A l’inverse, les bactéries dénitrifiantes partielles ne sont pas en mesure de synthétiser l’ensemble des réductases, certaines ne disposent que de la nitrate réductase NaR assurant uniquement l’étape de dénitratation NO3/NO2, d’autres ne possèdent pas la réductase N2OR, l’oxyde nitreux étant

alors le produit final de la réduction des nitrates, d’autres encore sont incapables d’effectuer le passage NO3/NO2 (Vangnai and Klein, 1974; Pichinoty et al., 1978; Knowles, 1982; Kuenen et al., 1992).

D’une espèce à l’autre, la vitesse de réduction de chaque composé azoté varie. Lors d’essais en batch, Betlach and Tiedje (1981) montrent que la cinétique de dénitratation NO3/NO2 d’une part et le rapport

entre la cinétique de dénitratation NO3/NO2 et la cinétique de dénitritation NO2/NXO d’autre part,

diffèrent entre deux souches bactériennes (P fluorescens vs. Flavobacterium sp.). Lazarova et al. (1994) aboutissent à des conclusions similaires en condition dynamique pour une étude comparative entre un biofilm constitué de Ps. Aeruginosa et Ps. Stutzeri. En conséquence, dans les milieux naturels caractérisés par des populations bactériennes mixtes, la vitesse de réduction des nitrates en azote gazeux N2 est fonction des espèces composant le biofilm et de leur proportion relative, caractéristiques

influencées et amenées à évoluer avec les conditions physico-chimiques de l’environnement souterrain (Bengtsson and Bergwall, 1995).

1.3.2.1.3 Caractéristiques morphologiques et structurales

Le biofilm est une structure tridimensionnelle dont les caractéristiques microscopiques telles que la densité volumique, l’épaisseur et la topologie de surface (ou coefficient de rugosité) jouent un rôle clé dans le transfert de masse aux bactéries :

- La densité volumique.

La densité volumique est la masse de bactéries par unité de volume biofilm. Elle est corrélée au coefficient de diffusion effective des solutés dans le biofilm (Fan et al., 1990) et joue un rôle antagoniste sur la dégradation d’un soluté. D’une part, son augmentation (i.e. l’augmentation du nombre de bactéries dans un même volume) génère un pôle bactérien réactionnel plus important se traduisant potentiellement par une augmentation du taux de dégradation macroscopique du soluté. D’autre part, cette même augmentation diminue le coefficient de diffusion effectif engendrant alors une limitation du transport de soluté au sein du biofilm associée à une diminution du taux de dégradation du soluté (Tanyolac and Beyenal, 1998; Horn and Morgenroth, 2006). Pour une densité

volumique moyenne intégrée sur l’épaisseur totale de biofilm, il existe généralement une valeur seuil au-delà de laquelle la réaction n’est plus seulement contrôlée par la cinétique intrinsèque des bactéries mais se voit limitée par la diffusion au sein du biofilm (Seker et al., 1995).

- L’épaisseur.

Quand les bactéries se développent, l’épaisseur du biofilm augmente. Bien que la quantité totale de bactéries et donc le pôle réactionnel potentiel soit plus important pour un biofilm épais, le taux de dégradation du substrat n’est pas forcément plus élevé car une couche inactive de bactéries se développe à la base du biofilm (Bishop et al., 1995; Seker et al., 1995). La profondeur de pénétration d’un soluté est une fonction de l’épaisseur et de la densité, deux paramètres dont la relation varie selon les auteurs et dépend généralement de la gamme d’épaisseurs testée (Rabah and Dahab, 2004).

- Le coefficient de rugosité.

Le coefficient de rugosité permet de quantifier l’irrégularité de la surface du biofilm. Dans la littérature, l’influence de ce paramètre sur le transfert de masse à l’interface fluide/biofilm diverge. Pour Zhang et al. (1994), l’augmentation du coefficient de rugosité favorise le transfert de masse au sein du biofilm en raison d’une surface d’échange fluide/biofilm plus importante. A l’inverse, Eberl et al. (2000) et Wäsche et al. (2002) concluent que le transfert de masse diminue lorsque le coefficient de rugosité augmente. Comme le suggère Picioreanu et al. (1999b), ces divergences proviennent très probablement de la manière de définir le coefficient de rugosité et des vitesses d’écoulement testées.

Les caractéristiques morphologiques et structurales vont donc avoir une influence sur le transfert de masse au sein du biofilm, influence s’exprimant à l’échelle microscopique et susceptible de se répercuter sur la cinétique macroscopique de réaction.

1.3.2.2 Hydrodynamique du système, i.e. vitesses d’écoulement et flux massiques

Les caractéristiques morphologiques et structurales du biofilm sont conditionnées par :

- les espèces bactériennes en présence (Claus and Kutzner, 1985b; Lazarova et al., 1994; Wiesman, 1994; Donlan, 2002),

- les vitesses d’écoulement (Vieira et al., 1993; van Loosdrecht et al., 1995; Melo and Bott, 1997; Liu and Tay, 2002),

reporté sur la Figure 7. Il est généralement admis que l’augmentation des vitesses d’écoulement génère un biofilm plus fin, plus dense avec un faible coefficient de rugosité (Vieira et al., 1993; van Loosdrecht et al., 1995; Melo and Bott, 1997) tandis que l’augmentation de la charge en substrat génère un biofilm plus épais, moins dense avec un coefficient de rugosité élevé (Beyenal and Lewandowski, 2000; Wäsche et al., 2002). L’influence des vitesses d’écoulement et des forces de cisaillement et de collision qui en découlent est rapportée pour des expériences en canalisation (u > 10-

1

m.s-1) ou en lit fluidisé. Aucune expérience ne traite de cette influence dans un poreux. Seuls Seiler and Vomberg (2005) évoquent une limitation du développement du biofilm dans un aquifère fracturé en raison de vitesses d’écoulement de l’ordre de 10-3-10-2 m.s-1.

Figure 7 : Effet des forces de cisaillement et de la charge en substrat sur la morphologie du biofilm d’après (de Beer et al., 1996)

D’autre part, les vitesses d’écoulement et la pression s’exerçant dans le système poreux sont susceptibles d’influer cette fois ci directement sur l’accessibilité du soluté aux bactéries. Par exemple, à l’échelle du pore, les travaux de Dykaar and Kitanidis (1996) comme ceux de de Beer et al. (1996) indiquent que l’augmentation des vitesses locales tend à favoriser le transfert de masse de la phase liquide vers le biofilm. A l’échelle d’une colonne et pour un système poreux abiotique constitué de billes de Catsan, Delay et al. (1997) notent que lorsque la vitesse moyenne d’écoulement augmente, le coefficient macroscopique de transfert de masse entre la phase fluide mobile de la macroporosité et la phase fluide immobile contenue dans la microporosité des grains de Catsan augmente lui aussi. Reste aujourd’hui à savoir si ces variations, pour une gamme de vitesses donnée, ont un impact notable sur la cinétique macroscopique de réaction.