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II. Synthèse bibliographique

3. Isotopie

3.4. Facteurs impactant le fractionnement isotopique

Il est remarquable que des fractionnements isotopiques très variés soient obtenus avec une même souche bactérienne ou dans un même type d’environnement (Figure II-7). En effet, la composition isotopique est très sensible à plusieurs paramètres. Nous allons évoquer les principaux facteurs impactant le fractionnement isotopique dans cette partie.

3.4.1. Milieu

Selon Jesen et Nakai (Jensen and Nakai, 1962), le fractionnement isotopique du soufre d’origine biologique dépendrait de la disponibilité en réactif soufré dans le milieu.

Dans le cas d’un système ouvert, la source de sulfates est en perpétuel renouvellement. Par conséquent, la composition isotopique des sulfates du milieu reste inchangée (Jensen and Nakai, 1962). Par ailleurs, les sulfures précipités présentent une déplétion en 34S constante par rapport aux sulfates.

Au contraire, dans un système fermé, les compositions isotopiques des sulfates et des sulfures évoluent au cours de la réaction (Figure II-8) (Jensen and Nakai, 1962; Thode, 1991). La déplétion en 34S des sulfures est maximale en début de réaction. Cependant au fur et à mesure que la concentration en sulfate dans le milieu diminue, l’utilisation préférentielle d’un isotope plutôt qu’un autre se raréfie. Ainsi, le fractionnement isotopique moyen des sulfures, déterminé par des méthodes d’analyse isotopique globales, diminue jusqu’à devenir nul à la fin de la réaction. En outre, la source de sulfate devient, en système fermé, de plus en plus enrichie en 34S avec la consommation préférentielle des sulfates 32S au cours de la réaction. Cet enrichissement peut atteindre plusieurs dizaines de pour mille. Par conséquent, dans le cas d’un système fermé, selon l’évolution de la réaction atteinte lors de l’analyse isotopique, des valeurs tout à fait différentes de composition isotopique peuvent être obtenues à la fois pour les sulfates et les sulfures.

37 Figure II-8 : évolution du fractionnement isotopique du soufre au sein des sulfures produits et

des sulfates restants en système fermé lorsque 32SO42- est réduit 1,024 fois plus vite que 34

SO42- (Thode, 1991)

3.4.2. La température

En outre, Canfield et al. (Canfield et al., 2006) a réalisé une étude de l’évolution du fractionnement isotopique d’origine biologique en fonction de la température. Pour cela, les auteurs ont placé des tubes à cultures contenant un milieu semblable au milieu DSMZ 194 et inoculés avec la souche bactérienne Desulfovibrio desulfuricans (DSMZ 642) à des températures comprises entre les températures minimale (-1°C) et maximale (40°C) de croissance de la souche utilisée. Ces conditions ont été maintenues pendant 150 jours.

Les auteurs ont alors constaté que, pour cette souche et dans les conditions de l’expérience, le fractionnement isotopique obtenu est plus faible aux températures intermédiaires (~ 15 °C) qu’aux températures les plus faibles (~ -1 °C) ou les plus élevées (~40 °C) (Canfield et al., 2006). Les résultats obtenus au cours de cette étude sont contradictoires avec les résultats obtenus préalablement avec d’autres souches bactériennes

80 70 60 50 40 30 20 10 0 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 0 -10 -20 -30 δ 34S( ‰) δ 34S(‰) Unreacted sulphate Product sulphide Extent of reaction (%)

38 (Canfield, 2001; Harrison and Thode, 1958; Kaplan and Rittenberg, 1964; Kemp and Thode, 1968; Rees, 1973).

Les auteurs ont émis l’hypothèse que la variation du fractionnement isotopique dépend de la prépondérance relative du transfert des sulfates entre l’intérieur et l’extérieur des cellules ou des échanges entre les composés soufrés dans la réserve interne de sulfures de bactérie. La prépondérance relative de ces deux phénomènes dépendant de la souche bactérienne consiédrée, cela expliquerait l’obtention de résultats différents dans l’étude de Canfield et al. (Canfield et al., 2006) par rapport à ce qui est généralement observé.

Par conséquent, il existe un impact de la température sur le fractionnement isotopique du soufre obtenu mais celui-ci dépend de la souche bactérienne impliquée dans la réduction des sulfates en sulfures.

3.4.3. Cinétique

Les recherches effectuées par différents auteurs (Aharon and Fu, 2000; Antler et al., 2013; Bolliger et al., 2001; Canfield, 2001; Kendall and Caldwell, 1998) sur l’impact des vitesses de réactions sur le fractionnement isotopique résultant, mettent en évidence une relation inversement proportionnelle entre la vitesse de réaction de la réduction des sulfates et le fractionnement isotopique. En général les étapes de réactions plus lentes aboutissent à un fractionnement plus élevé car l’organisme a le temps d’être plus sélectif (Kendall and Caldwell, 1998). Par ailleurs, les réactions retour deviennent moins significatives par rapport aux réactions aller ce qui aboutit à un fractionnement proche de celui attendu seulement du fait de la membrane cellulaire.

3.4.4. Mécanismes réactionnels proposés

Le type et le nombre d’étapes constituant le mécanisme réactionnel de réduction des sulfates par les bactéries influencent également la valeur du fractionnement isotopique. Prenons par exemple le cas de la réduction bactérienne des sulfates en sulfures par D. sulfuricans. Rees et al. (Rees, 1973) explique qu’en l’absence de limitations de vitesse, le fractionnement total est la somme des effets isotopiques cinétiques ayant lieu au cours des différentes étapes de la réduction (Figure II-9) :

– étape 1 : +3 ‰ d’enrichissement en 34

S des sulfates internes par rapport aux sulfates externes à la cellule.

39 – étape 2 : +0 ‰

– étapes 3 & 4 : -50 ‰ de déplétion en 34

S au cours de la réduction à cause de la coupure des liaisons S-O.

Les étapes de réduction intracellulaire seraient les réactions conduisant aux valeurs les plus élevées de fractionnement isotopique.

Figure II-9 : modèle de Rees révisé par Brunner et Bernasconi (Brunner and Bernasconi, 2005)

Puisque les effets isotopiques de toutes les étapes du métabolisme bactérien sont sommés, le fractionnement isotopique du soufre augmente au cours de la réaction car la plupart des étapes enzymatiques sélectionnent l’isotope du soufre le plus léger. Plus le nombre d’étapes est important plus le fractionnement isotopique résultant est susceptible d’être élevé.

De plus, le fractionnement est maximal quand tous les intermédiaires, réservoirs internes et externes de sulfates inclus, sont à l’équilibre. En effet, les réactions allers et retour se produisent alors sans cesse alternativement, accentuant à chaque fois la discrimination en faveur de l’isotope le plus léger. Les fractionnements isotopiques résultants peuvent alors atteindre 70 ‰ (Antler et al., 2013).

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