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Facteurs génétiques de la variabilité de l’axe corticotrope

D. Facteurs de variabilité de l’axe HPA

2) Facteurs génétiques de la variabilité de l’axe corticotrope

Comme nous l’avons vu dans la première partie de cette introduction il existe une grande variabilité interspécifique et interindividuelle dans les réponses de stress et par conséquent de l’activité et de la réactivité corticotrope. Ceci a pour conséquence une vulnérabilité à développer des maladies liées au stress. Une partie de cette variabilité a été démontrée d’origine génétique. De nombreuses études menées chez l’Homme et chez l’animal se sont notamment largement intéressées à la variabilité d’expression des gènes des récepteurs MR et GR ainsi que leurs polymorphismes dans la variabilité des réponses de stress et leurs impacts cliniques. De nombreux modèles de souris transgéniques (knock-out, knock-in, inductibles

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et/ou tissus spécifiques) ont d’ailleurs été construits afin d’étudier les conséquences fonctionnelles de leur variabilité d’expression ((Wust et al., 2004; Datson et al., 2008; Erdmann et al., 2008) pour revues).

Une technique de génétique inverse : la cartographie génétique de locus de traits quantitatifs ou QTL (quantitative traits locus), a permis de rechercher des gènes participant à cette variabilité génétique de l’axe corticotrope en réponse au stress. Le principe de l’analyse QTL consiste à associer les valeurs phénotypiques d’un caractère quantitatif à une ou plusieurs régions du génome à l’origine de la variabilité observée. Cette technique permet de ne pas émettre d’hypothèse de départ sur les mécanismes biologiques et les gènes impliqués, considérant l’intégralité des gènes comme candidat à la présence de QTL par un criblage du génome dans son entier. Ainsi, cette approche présente l’avantage d’analyser les gènes en cause de façon exhaustive et éventuellement, de dévoiler des gènes non encore identifiés ou même dont on ne soupçonnait pas l’influence sur le trait étudié.

Exemple du gène codant pour la CBG

Dans les années 1990, le laboratoire de P. Mormède a mené une étude QTL sur des porcelets issus d’un croisement entre deux races ségrégeantes dans leurs réponses comportementales et endocriniennes au stress. Il s’agissait de la race du porc Large White, caractérisé par une cortisolémie basale et après stress ainsi qu’une adiposité dites « normales » et un comportement actif. L’autre race de porc appelée Meishan présente à l’inverse un trait hypercortisolémique, une adiposité élevée ainsi qu’un comportement plutôt passif (Mormède et al., 1984; Desautes et al., 1999). L’étude a été menée sur les porcelets de la population F2 de ce croisement et a permis de mettre en évidence un locus situé sur le chromosome 7 expliquant 20% de la variabilité des taux de cortisol après stress (Desautes et al., 2002).

L’équipe de MP. Moisan a poursuivi cette étude sur ce modèle porcin. Par cartographie comparée avec le génome humain, elle a observé que le gène codant

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pour la CBG se trouvait dans ce même locus ainsi défini. Cette localisation a été confirmée par la méthode de FISH (fluorescent in situ hybridation) à l’aide d’une sonde porcine contenant le gène Cbg ainsi que par l’utilisation d’hybrides de radiation. Ce gène Cbg est alors devenu un très bon gène candidat fonctionnel de la variabilité génétique des réponses au stress.

Afin de confronter l’hypothèse que le gène Cbg était bien le gène causal du locus détecté par analyse génétique, la capacité de liaison de la CBG a ensuite été mesurée chez les descendants F2 issus d’un même mâle. Puis par liaison génétique il est apparu que cette capacité de liaison de la CBG était non seulement liée au locus du chromosome 7 porcin mais ce de façon encore plus forte que le taux de cortisol après stress. Ceci renforce l’hypothèse d’un rôle primaire de la CBG par rapport aux variations de la cortisolémie.

L’analyse des propriétés biochimiques de la CBG chez les races parentales montre que le porc Meishan a une capacité de liaison de la CBG trois fois plus grande que le porc Large White, associée à une constante de dissociation de 40% supérieure. Le taux de cortisol total est deux fois plus élevé et le taux de cortisol libre 1,85 fois plus élevé, résultats comparables aux données obtenues dans une étude précédente (Desautes et al., 1999). La quantité d’hormone libre, active, est alors plus importante chez le porc Meishan.

Par analyse statistique, les auteurs ont montré que le taux de CBG était corrélé positivement au dépôt de gras et négativement à la teneur en muscle. Par une nouvelle analyse de liaison génétique, une liaison a été révélée entre la région du QTL contenant le gène de la CBG et le dépôt de gras, plus particulièrement le poids et l’épaisseur du gras dorsal.

L’ensemble des résultats obtenus par l’étude phénotypique et par l’analyse moléculaire de la population F2 Meishan x Large White montrent donc que l’hypercortisolémie caractéristique de la race Meishan reste associée à l’accumulation de gras dans la population ségrégeante et que le gène Cbg est un bon candidat comme source de variabilité génétique responsable de l’hypercortisolémie et des différences de la composition corporelle (Ousova et al., 2004) ; Moisan, 2010).

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L’implication de la CBG dans la variabilité des taux de glucocorticoïdes en réponse au stress a également été validée dans une autre étude d’association indépendante. En 2006, une étude de QTL sur la réponse de l’axe corticotrope après un stress de contention a été menée sur une population F2 de rats issue d’un croisement de rat Wistar Kyoto (WKY) avec le rat Fischer 344 (F344), souches ségrégeantes dans leur réponse de corticosterone au stress. Chez les rats WKY, la réponse en corticostérone suite au stress de contention est en effet beaucoup plus faible que chez les rats F344 (Solberg et al., 2006). L’analyse génétique a elle aussi mis en évidence un locus associé à la réponse en corticostérone dans lequel se trouvait le gène de la Cbg. Chez les rats WKY, une mutation ponctuelle portant sur le gène de la CBG a été identifiée. Celle-ci, déjà étudiée dans un autre modèle, entraine une substitution d’acides aminés ayant pour conséquence une affinité réduite de la CBG pour les glucocorticoïdes (Smith and Hammond, 1991a).

L’ensemble de travaux de l’équipe, renforcé par ces travaux indépendants menés sur une autre espèce suggèrent fortement que la CBG peut, en partie, être à l’origine de la variabilité des taux de glucocorticoïdes dans les réponses de stress. Afin d’analyser les conséquences fonctionnelles des variations génétiques de la CBG et d’étudier son impact sur les réponses au stress, l’équipe a développé un modèle original de souris Cbg « floxée » permettant d’obtenir un knock out (k.o.) total ou tissu spécifique du gène Cbg. Par croisement avec une souris CMV-Cre un k.o total du gène Cbg a été obtenu et rétrocroisé sur plusieurs générations afin d’obtenir un fond génétique homogène C57Bl/6. C’est ce modèle rongeur original, les souris partiellement (Cbg+/-) ou totalement (Cbg-/-) déficientes en CBG, que j’ai étudié lors de mon travail de thèse.

Avant d’introduire les objectifs de mes travaux de thèse, une dernière partie de cette introduction générale a été consacrée à la transcortine ou CBG.

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