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2.2 Les sols agricoles : une source importante de NO

2.2.3 Facteurs environnementaux

L’amplitude et la fréquence des émissions de composés azotés dépend naturellement des car-actéristiques du sol et des conditions climatiques. La gestion agricole peut également interférer avec les processus du sol, influencer la disponibilité en azote et ainsi les émissions de NO.

Disponibilité en azote

Dans les sols agricoles, la disponibilité en azote est déterminée par les différentes sources d’intrants azotés. Il s’agit des engrais azotés, de déjections animales, des résidus de culture, des retombées atmosphériques et de la fixation d’azote. Leur quantité influence fortement l’efficacité des processus microbiens et les émissions associées. La volatilisation de NH3 régule également la quantité d’azote dans le sol pour la nitrification et la dénitrification. Des travaux ont montré des corrélations positives entre les émissions de NO et les teneurs en NH+4 : une augmentation du contenu en azote entraîne une hausse des émissions de NO (Laville et al., 2005; Ludwig et al., 2001; Williams et al., 1992). Cette relation entre émission et teneur en azote est valable pour la plupart des écosystèmes (prairie, forêt tempérée, forêt tropicale, et zones agricoles). Dans les modèles d’émissions gazeuses, la teneur en NH+4 du sol est utilisée comme indicateur des flux d’émission de NO (Laville et al., 2005; Parton et al., 2001; Yienger and Levy, 1995).

Vitesses de nitrification et de dénitrification

L’orientation de l’activité vers la dénitrification ou la nitrification dépend de plusieurs fac-teurs. La nitrification est un processus relativement homogène quelque soit le type d’écosystèmes à la différence de la dénitrification, puisqu’elle dépend fortement de conditions de saturation en eau (phénomène localisé), incluant la teneur en carbone organique et de nitrates. Pour le moment, les mesures montrent que l’orientation d’une activité vers l’autre reste équivalente.

Température et humidité du sol

La température et l’humidité du sol pilotent les processus au sein du sol à tous les niveaux en influant sur les vitesses de décomposition de la matière organique, de dénitrification et de nitrification. La température du sol influence le développement des micro-organismes du sol, qui à leur tour perturbent les émissions de NO. La dépendance des émissions de NO à la tempéra-ture du sol est décrite par la loi exponentielle d’Arréhnius, sur une gamme de températempéra-ture allant de 15C à 35C pour la nitrification, et de 15C à 75C pour la dénitrification (Williams et al., 1992). En général, de faibles émissions sont mesurées lors de conditions climatiques extrêmes avec de basses et de très hautes températures. Les bactéries nitrifiantes ne se développent pas lors de telles températures, ce qui limite les émissions de NO.

Quelque soit le type de sol, le contenu en eau du sol influence la production, la consommation et le transport de NO vers la surface. Elle est exprimée le plus souvent comme un rapport de mélange de masses (geau/gsol), ou de volumes (cm3eau/cm3

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contenu en eau dans le sol sur les émissions de NO, il est pertinent de choisir le paramètre WFPS ("Water Filled Pore Space") qui correspond à la part de porosité occupée dans le sol (Linn and Doran, 1984). Il est défini selon l’expression suivante :

W F P S = 100 Hv 1 − da/dr

(2.10) avec Hv l’humidité volumique du sol, drla densité réelle du sol (dr = 2.65 g cm−3, dala densité apparente du sol. Lorsque le sol est complètement saturé en eau, WFPS vaut 100%. En général,

FIG. 2.5 : Influence de la WFPS sur la production de NO (Linn and Doran, 1984)

le maximum d’activité microbienne est atteint lorsque 30 à 60% de la porosité du sol sont remplis d’eau. La nitrification et la production de NO montrent également une activité maximale pour 30 à 60% de la porosité remplie d’eau, alors que les conditions de dénitrification sont optimales avec 60 à 90% des pores remplis d’eau (Linn and Doran, 1984).

La teneur en oxygène ou le contenu en humidité sont dépendants de la texture et du drainage du sol (Skiba and Ball, 2002; Skiba et al., 2002). Les sols à fine texture ont plus de pores capil-laires dans les agrégats que les sols sableux, et retiennent plus fortement l’eau du sol. Chaque sol possède une capacité de retenir l’eau (capacité au champ, Hcc) qui est fortement liée à la composition du sol (granulométrie). Des conditions anaérobies peuvent être maintenues durant de plus longues périodes, dans des agrégats des sols à fine texture, que dans des sols à tex-ture grossière. Par conséquent, ces conditions peuvent favoriser une production de N2O. Un sol sableux, à texture grossière serait alors propice à la production de NO, mais sa composition en matière organique, pauvre en humus ne le rend pas favorable aux émissions de NO.

Réhumectation

La réhumectation des sols secs aurait tendance à provoquer un flush de la minéralisation de l’azote (Davidson, 1993), de nitrification et d’émissions de NO (Laville et al., 2005; Ludwig

et al., 2001; Williams et al., 1992; Yienger and Levy, 1995). L’alternance sec - humide augmente le dégagement des émissions de NO du sol vers l’atmosphère. Ce phénomène serait bien marqué dans les zones tropicales et subtropicales où les saisons sèche et humide sont bien distinctes. En zones tempérées, des observations ont montré qu’après une période de sécheresse, les sols pou-vaient être suffisamment secs pour être stimulés par des pluies et produire des pics d’émission de NO (Davidson and Kingerlee, 1997; Laville et al., 2005; Skiba et al., 1997). Les évènements plu-vieux représenteraient une composante importante des émissions de NOx par les sols agricoles quelle que soit leur localisation, à l’exception des sols déjà saturés en eau.

Effet du pH du sol

La production de NO peut dépendre du pH du sol (Kesik et al., 2005; Serça et al., 1994; Williams et al., 1992). Des travaux de Remde and Conrad (1991) ont montré que dans un sol argilo-limoneux alcalin (pH 7.8), la nitrification était la source principale de NO, alors que sur un sol argilo-limoneux sableux acide (pH 4.7), la dénitrification dominait la production de NO. Les émissions peuvent augmenter avec un pH du sol augmentant, jusqu’à des températures de 10 to 12C (Russell et al., 2002) et atteindre un maximum pour un pH de 7, comme cela a été montré par des expérimentations en conditions contrôlées de (Blagodatskii et al., 2004). Cependant, une augmentation de l’acidification dans le sol peut favoriser une production de NO via le processus de chemodenitrification pour les sols en forêts (Kesik et al., 2005; Serça et al., 1994; Ventera et al., 2004).

Diffusion des gaz

Avant de s’échapper du sol vers l’atmosphère, les gaz azotés diffusent dans la porosité du sol, où les dénitrifiants peuvent consommer le NO et le N2O, et où les racines des plantes peuvent absorber le NO. Une teneur en eau du sol élevée, des eaux souterraines peu profondes, une structure du sol compacte (texture fine, tassement, glaçage de la surface) ou le drainage gêné sont des conditions favorables à la dénitrification, mais elles peuvent aussi limiter la diffusion des gaz des sols vers l’atmosphère et favoriser une consommation par la population dénitrifiante du NO et du N2O. Ainsi les émissions de NO et de N2O par les sols peuvent être réduites.

Facteurs de gestion agricole

Type de culture : En général, on observe des différences d’émission entre des cultures

pour des conditions environnementales similaires (type de sol, climat). Le tableau 2.2 rassemble quelques ordres de grandeur d’émission par type de culture. Les cultures printanières comme le maïs émettent davantage de NO que les cultures hivernales comme le blé. Ces différences sont liées aux différentes pratiques culturales effectuées et à une meilleure utilisation de l’azote aux besoins de la culture, notamment pour le blé, qui diminuent ainsi la disponibilité de l’azote pour les micro-organismes. Laville et al. (2005) ont noté des émissions totales de 3.8 kg

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NO ha−1par le maïs pendant 5 mois et 1.1 kg N-NO ha−1par le blé durant 10 mois.

Gestion de l’engrais : La nature de la fertilisation (forme, quantité d’engrais et période

d’ap-port) influence l’intensité de la nitrification, et par conséquent la production de NO (Sanhueza, 1997). Les engrais sont classés selon leur nature physique : solide, 89 % des fertilisants simples vendus dans l’U.E. et liquide, 11 % des fertilisants simples vendus dans l’U.E., ainsi que par leur composition chimique (Tableau 2.1).

Lorsque le fertilisant est sous la forme de l’urée, l’azote n’est pas directement disponible. L’urée est hydrolysée ce qui libère de l’ammonium. Cette réaction catalysée par une enzyme spécifique, l’uréase, libère deux ions ammonium (NH+4) et un ion carbonate (CO2−3 ) par molécule d’urée hydrolysée :

2H2O + CO(NH2)2 → 2NH4++ CO2−3

Les vitesses d’hydrolyse sont souvent rapides (de l’ordre de quelques jours). Par conséquent, l’hydrolyse de l’urée n’est pas limitante pour la nitrification, au contraire elle tend à la favoriser en augmentant la disponibilité en azote et le pH.

Après application, les granules d’ammonitrate (AN) sous forme solide doivent être dissous pour que l’azote soit disponible dans le sol. Aussi la dissolution des formes granulées qui agit directe-ment sur la disponibilité en azote pourrait influencer les émissions en raison de la variabilité du temps de dissolution dans le sol selon les conditions climatiques (Le Cadre, 2004). La dissolution des sels d’ammonium nitrate (AN) va être liée au contenu en eau du sol et à la température1.

Les modes et la période d’application de l’engrais peuvent influencer l’efficacité d’absorp-tion par la plante et la volatilisad’absorp-tion de NH3, et par conséquent la disponibilité en azote pour la nitrification et la dénitrification.

Fertilisants %N % E.U. consumption Mt

Fertilisants de synthèse

Calcium Ammonium Nitrate CAN 25-28 26 2.6 Ammonium Nitrate (33.5-34 %) AN 33.5-34.5 18 1.7

Urea U 46 14 1.4

Nitrogen solutions (urea + ammonium nitrate) UAN 28-32 11 1.1

Ammonium sulphate AS 21 3 0.3

Other straight fertilizers 3

Autres fertilisants 22 2.2

NPK,NK,NP 3 0.3

TAB. 2.1 : Consommation "européenne" de fertilisants de synthèse en France (EFMA, 2004).

Gestion des sols et des cultures : Les résidus de culture représentent une importante source

de C et de N pour la nitrification et la dénitrification. Leur incorporation peut activer la minéral-1La solubilité des fertilisants est augmentée lorsque la température augmente. Allen et al. (1971) ont notamment trouvé que la dissolution d’un granule d’urée enrobé était achevé en 5 semaines lorsque la température d’incubation était égale à 30◦C alors qu’elle n’était finie au bout de 16 semaines pour une température égale à 10◦C

isation de la matière organique et alimenter la disponibilité en azote pour les processus microbi-ens. Cette pratique culturale accélère les émissions de NO.

Le travail du sol peut affecter les conditions d’émissions de NO. Le labour permet notamment d’améliorer l’aération du sol et rend plus efficace la minéralisation de l’azote organique. Des études ont notamment montré une hausse des émissions de NO suite à un labour, en climat tempéré (Skiba et al., 2002). Le drainage limite la création de zones anaérobies et favorise la nitrification (Skiba and Ball, 2002).

Type d’écosystème

Yienger and Levy (1995) ont démontré que les sols agricoles émettaient davantage de NO que les forêts et les pairies en raison, respectivement, de la hauteur de couvert favorisant une captation du NO rapidement converti en NO2et, des faibles apports de fertilisants (tableau 2.2). La densité et le type d’espèces végétales guident le type et le nombre des populations microbiennes dans le sol, ainsi que la disponibilité en azote dans le sol qui vont déterminer l’amplitude des émissions de NO.

Type de culture Fertilisant Taux % de perte comme NO Références

Sol nu N aN O3 100 0.04 Slemr and Seiler (1984)

Allemagne AN 0.63

N H4Cl 1.52

Sol nu N aN O3 100 0.04 Slemr and Seiler (1984)

Espagne AN 0.64

N H4Cl 1.23

Urée 3.25

Prairies N H4Cl 100 0.52 Slemr and Seiler (1984)

Allemagne

Maïs AN 140 0.13 Thornton and Valente (1996)

Etats-Unis

Blé AN 150-200 0.53 Yamulki et al. (1995)

Angleterre

Maïs AN + Urée 140 2.60 Laville et al. (2005)

France

Blé AN + Urée 130 1.00 Laville et al. (2005)

France

Gazon anglais (N H4)2SO4 100 0.34 Skiba et al. (1993)

Angleterre

Bananes AN + Urée 360 5.09 Veldkamp and Keller (1997)

Costa Rica