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L’obésité est une maladie multifactorielle résultant de facteurs génétiques multiples associés à des facteurs environnementaux.

6.1 Déséquilibre de la balance énergétique 6.1.1 Excès d’apports énergétiques

La prise alimentaire est un comportement régulé par des mécanismes biologiques complexes et redondants permettant un apport adapté en nutriments nécessaires à la vie. Des modifications de la prise alimentaire, en termes de structure ou de composition alimentaire, peuvent aboutir à une prise de poids.

On retrouve des modifications quantitatives, telles que la densité calorique de l’alimentation et des modifications qualitatives, comme la diminution de la consommation de glucides complexes (féculents, fibres), l’augmentation de l’apport lipidique et la déstructuration des rythmes alimentaires.

Enfin, des anomalies de régulation du bilan énergétique participent aussi au déséquilibre de la balance énergétique : anomalies de sécrétion ou de signalisation des substances provenant du tube digestif (par exemple le Glucagon-like Peptide 1, la ghréline), du pancréas (par exemple l’insuline), du tissu adipeux (par exemple la leptine), interagissant au niveau du système nerveux central. Celui-ci, notamment l’hypothalamus (noyaux arqués et ventromédians), contrôle la prise alimentaire et la dépense énergétique via des neurones anorexigènes mettant en jeu le couple leptine-proopiomélanocortine et des neurones orexigènes via les molécules (NPY/Agouti-related peptide). Dans cette cascade de signalisation l’AMP-activated protein kinase (AMPK) est un médiateur central des effets de toutes ces hormones et pourrait constituer une cible intéressante dans le développement pharmacologique du contrôle pondéral.

6.1.2 Défaut de dépense énergétique

La balance énergétique peut devenir positive par augmentation des apports alimentaires, mais aussi par diminution de la dépense énergétique totale.

La dépense énergétique totale est constituée de 3 composantes, variables d’un individu à l’autre, contribuant de façon déterminante au bilan énergétique :

la dépense énergétique de repos, variable selon l’âge, le sexe et la composition corporelle notamment la masse musculaire,

la thermogenèse, liée à la consommation des aliments et la régulation de la température corporelle, peu variable,

la dépense énergétique liée à l’activité physique (DEAP), qui est très variable d’un individu à l’autre. L’activité physique correspond à tout mouvement effectué dans la vie quotidienne (elle ne se réduit pas à la seule pratique sportive). La DEAP semble réduite chez les patients obèses. On distingue également la sédentarité, définie par un état dans lequel les mouvements sont réduits au minimum et où la dépense

énergétique est à peu près égale au métabolisme énergétique au repos (activité physique nulle). La sédentarité est un facteur de risque majeur de surpoids (9).

6.2 Facteurs génétiques

Tous ces facteurs précédemment cités entraînant une balance énergétique positive ne suffisent pas pour expliquer l’augmentation de la fréquence de l’obésité, ni « l’inégalité » des individus vis-à-vis de la prise de poids.

Plusieurs équipes françaises de l’Inserm et du CNRS ont identifié à ce jour plus de 250 gènes impliqués dans la prise de poids, l’obésité sévère et/ou les complications de l’obésité, mais dont l’effet individuel reste modeste (30).

Dans la grande majorité des cas, la génétique détermine une susceptibilité à l’obésité avec une hérédité polygénique. L’expression de ces gènes est ensuite modulée par d’autres gènes eux-mêmes régulés par des facteurs environnementaux. C’est l’association de plusieurs traits génétiques orientant l’organisme vers l’économie d’énergie qui favorise l’obésité. Les facteurs génétiques déterminent les différents paramètres influençant la balance énergétique (dépense énergétique de repos, effet thermogène des aliments, coût calorique de l’effort, comportement alimentaire) et contribuent à l’aspect phénotypique de l’obésité (distribution du tissu adipeux, masse grasse totale).

Il existe une hérédité indéniable de l’obésité : 70% des patients obèses ont un parent obèse. Néanmoins cette transmission familiale ne suffit pas pour affirmer une transmission génétique car les membres d’une même famille partagent non seulement des gènes, mais aussi un type d’alimentation, un contexte socio-culturel et un style de vie.

La prédisposition génétique pourrait aussi venir d’une empreinte laissée par les conditions intra-utérines ou postnatales, une sur ou sous-alimentation chez la mère majorant le risque d’obésité dans la descendance (modifications épigénétiques).

L’épigénétique régulerait 760 gènes humains, dont 20% de gènes dits « obésogènes ». La génétique joue donc un rôle dans le développement dans l’obésité, mais en interaction étroite avec l’environnement, comme en attestent les expériences de suralimentation et par l’étude des jumeaux : des individus soumis à un même régime de suralimentation pendant 3 mois diffèrent par leur prise de poids (+2kg, voire +10kg pour d’autres), soulignant l’effet « environnement », mais toujours de façon corrélée entre les jumeaux homozygotes, soulignant l’effet « génétique » (31).

Certaines obésités, notamment massives et précoces, sont liées à la mutation d’un seul gène ou d’une région chromosomique et associent généralement des syndromes pléiotropiques au sein desquels le poids n’est qu’un symptôme.

On distingue les obésités monogéniques définies par une obésité rare (<5% des obésités), sévère, à début précoce et associée à des anomalies endocriniennes. L’impact de la génétique y est majeur et très peu dépendant des facteurs environnementaux. Ces obésités monogéniques sont le plus souvent causées par des mutations des gènes de la voie leptine-mélanocortines impliquée dans la régulation de la prise alimentaire (gènes de la leptine et de son récepteur par exemple).

Outre les formes monogéniques d’obésité, il existe des obésités syndromiques qui associent une obésité sévère à début précoce à une atteinte multi-organes (déficience intellectuelle, troubles neuropsychologiques, éléments dysmorphiques, anomalies du développement, atteintes neurosensorielles et/ou endocriniennes). L’exemple le plus fréquent est celui du syndrome de Prader Willi.

Enfin les obésités oligogéniques, comme celles dues aux mutations du gène melanocortin 4 receptor (MC4R) impliqué dans la régulation centrale du poids, sont rapportées chez 2,5% des sujets obèses, et chez 1,2 à 6,3% des enfants avec obésité massive. Ces mutations sont caractérisées par une expression phénotypique variable dépendant en partie des facteurs environnementaux avec peu de spécificité dans les phénotypes.

6.3 Autres facteurs impliqués dans l’obésité humaine

D’autres facteurs impliqués dans le développement de l’obésité et son maintien sont discutés.

Des altérations primitives du tissu adipeux pourraient être à l’origine de certaines formes d’obésité. Par exemple, certains médicaments comme les corticoïdes, les glitazones, ou encore les psychotropes sont connus pour favoriser l’adipogénèse.

Des modifications des capacités de stockage du tissu adipeux et de l’inflammation en réponse au stress (32), à certains virus (adenovirus-36) (33), ou à des modificateurs endocriniens et polluants (34).  Chez l’homme, des données récentes suggèrent également un lien entre microbiote, homéostasie

énergétique et homéostasie inflammatoire : chez la personne obèse, l’intestin n'est pas seulement dans un état d'inflammation mais est aussi une source de calories plus importante que chez la personne ayant un poids normal. La flore intestinale obésogène est apte à extraire plus d'énergie de l'alimentation que la flore normale. Il s'y produit également plus de fermentation. Si cette flore intestinale est transplantée à un hôte sain, la colonisation provoquera un gain de masse adipeuse (35). Il a été montré qu’au sein d’une population en surpoids ou obèse non diabétique, les patients ayant une diversité bactérienne réduite présentaient une atteinte métabolique et inflammatoire de bas grade plus sévère à même niveau d’IMC (36).

la durée et la qualité du sommeil montrent une relation inverse entre le nombre d’heures de sommeil rapporté et le gain de poids dans le temps. Différents mécanismes pourraient être à l’origine de la prise de poids au cours de privation de sommeil comme l’augmentation de la prise alimentaire et la diminution de la dépense énergétique mais également des modifications des hormones régulant la prise alimentaire comme la leptine ou la ghréline (37).

les déterminants psychologiques sont impliqués dans certaines formes d’obésité. Certains désordres psychologiques peuvent conduire à l’obésité par le biais d’une modification du comportement alimentaire. En effet, la prise alimentaire est étroitement liée aux affects, de même que l’anxiété peut être une source de comportement compulsif, l’alimentation jouant alors un rôle « anxiolytique ». Enfin, les désordres psychologiques peuvent induire une prise de poids indépendamment du comportement alimentaire, en modifiant le bilan énergétique.

Les déterminants socioculturels et économiques jouent également un rôle important dans l’obésité. Dans les pays développés, le surpoids et l’obésité touche d’avantage les populations à bas revenu, à faible niveau d’éducation ou faible niveau de vie. Dans les pays en voie de développement, les classes élevées sont les plus touchées, même si les populations de faible niveau socioéconomique gagnent du terrain au fur et à mesure.

7 COMPLICATIONS DE L’OBESITE

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