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_______________________________________________________________________ 26 température. Une expression de loi cinétique dérivée de la TST est donnée dans le chapitre II-1. Les facteurs qui jouent alors sur les bilans de dissolution/précipitation des minéraux sont : (i) la surface minérale en contact avec les solutions,

(ii) la température,

(iii) la composition chimique des solutions (concentration des réactifs H+, OH-, eau, matière organique, présence d’espèces inhibitrices, état de saturation de la solution vis-à-vis des phases minérales),

(iv) le temps de réaction entre la solution et le minéral.

En milieu naturel, la transposition des lois expérimentales pour la dissolution des minéraux n’est pas triviale. Les taux de dissolution estimés en milieu naturel sont beaucoup plus faibles qu’en laboratoire (2 à 3 ordres de grandeurs). De nombreuses études notent cette différence et certains auteurs cherchent à les réconcilier (GANOR et al., 2007; GANOR et al., 2005; MAHER et al., 2009; MURPHY et al., 1998; PACES, 1983; VELBEL, 1993; WHITE and BRANTLEY, 2003). Parmi les raisons qui peuvent expliquer cette différence, la surface de contact entre les minéraux et les solutions est souvent invoquée. La formation d’un enduit d’oxydes sur les minéraux, des grains émoussés par le transport, ou un trajet de circulation préférentielle des solutions dans les sols conduiraient à une diminution de la surface d’échange, ralentissant ainsi les réactions en milieu naturel.

C’est néanmoins de la TST dont certains des auteurs se sont inspirés pour proposer des lois empiriques de l’altération à l’échelle de bassins versants (DESSERT et al., 2001; OLIVA et al., 2003; WHITE and BLUM, 1995). Les facteurs pris en compte dans ces expressions sont (i) la nature de la roche, en fonction de laquelle une énergie d’activation est déterminée, (ii) le climat, qui se traduit par les paramètres de température et d’écoulement spécifique. Des facteurs supplémentaires vont intervenir dans l’acquisition de la composition chimique des solutions et les temps de réaction entre la solution et le minéral. Ces différents facteurs vont être décrits ci-dessous.

b) La lithologie

Les minéraux ne présentent pas la même altérabilité (Figure I1.1). Les roches sont donc elles-aussi plus ou moins altérables, ce qui confère aux rivières qui les drainent une charge variable en éléments dissous (MEYBECK, 1986; STALLARD and EDMOND, 1983). (MEYBECK, 1987) normalise les flux d’altération (masse de silice et ions dissous par unité de surface et par unité de temps corrigée des apports atmosphériques) de petits bassins mono-lithologiques par rapport à ceux des bassins granitiques. Il obtient : granite (1) < gneiss et

micaschistes (1.2) < gabbro et grès (1.3) < roches volcaniques (1.5) < schistes (2.5) < serpentine et amphibolite (5) < roche carbonatée (12) < gypse (40) < évaporites (80). Les dépôts sédimentaires silicatées, qui ont déjà subi une première phase d’altération produisent des flux moins importants que les roches granitiques (MEYER et al., 2009).

Figure I1.1 : Ordre d’altérabilité des minéraux d’après GOLDICH (1938) et BERNER and BERNER

(1987).

Cette différence d’altérabilité des roches présente des conséquences importantes sur la charge acide que peut supporter un milieu (par exemple KRAM et al., 1997) et sur l’alcalinité des rivières. Pour déterminer le puits de CO2 que constitue l’altération des roches continentale, il est nécessaire de déterminer la part de charge dissoute provenant de l’altération de chaque type de roche (silicates, carbonates, évaporites). Des modèles d’inversion ont été utilisés en combinaison avec les analyses isotopiques (GAILLARDET et al.,

_______________________________________________________________________ 28 s’altèrent huit fois plus vite que les roches granitiques et seraient responsables de 30% de la consommation globale du CO2 atmosphérique par l’altération des silicates (BLUTH and KUMP, 1994; DAS et al., 2005; DESSERT et al., 2003; GISLASON et al., 1996; LOUVAT and ALLEGRE, 1997).

En outre, le rôle sur les flux d’altération de bassins versants silicatés de certains minéraux traces calciques (<1% massique), très altérables, a été mis en avant (ANDERSON and DIETRICH, 2001; BLUM et al., 1998; DOUGLAS et al., 2002; DREVER and HURCOMB, 1986; HORTON et al., 1999; JACOBSON and BLUM, 2000; MAST et al., 1990). Ces minéraux peuvent être la calcite (WHITE et al., 1999b; WHITE et al., 2005), l’apatite (BLUM et al., 2002) ou des minéraux silicatés comme l’épidote (OLIVA et al., 2004). Au niveau de la composition chimique des rivières, leur dissolution se traduit par un rapport Ca/Na supérieur à celui des minéraux majeurs (généralement les plagioclases, VELBEL and PRICE, 2007).

Le rôle des phases secondaires sur les flux d’altération est une problématique émergente (GODDERIS et al., 2006; MAHER et al., 2009) qui, du fait de la complexité des systèmes étudiés, est traitée par le biais de la modélisation.

c) Le climat

L’effet du climat sur les flux d’altération s’exprime au travers de deux paramètres : la température et les précipitations ou l’écoulement spécifique. Ils jouent sur les vitesses de réactions et la surface et le temps de contact entre les solutions et les minéraux. A l’échelle annuelle, si le bilan hydrique d’un bassin est équilibré, c'est-à-dire si les réservoirs du bassin ne stockent ou ne perdent pas d’eau (les sols et saprolites), la somme des précipitations équivaut à la somme de l’évapotranspiration plus le drainage du bassin (drainage vertical : écoulement profond vers la nappe ; drainage latéraux vers l’exutoire : écoulement hypodermique et ruissellement de surface).

P = ET + Q profond + Q hypodermique + Ruissellement

Dans la plupart des cas, la différence entre les précipitations et l’évapotranspiration est calculée à partir du débit de la rivière, c’est l’écoulement spécifique du bassin (DREVER and CLOW, 1995). Bien que la part de ruissellement ne soit généralement pas connue, l’écoulement spécifique représente mieux que les précipitations la lame d’eau disponible sur le bassin pour les processus d’altération. Par exemple, (PORDER et al., 2007) montrent un effet de seuil sur une climoséquence, avec des flux d’altération très faibles quand les précipitations sont inférieures à l’évapotranspiration potentielle, et au contraire des flux importants si elles lui sont supérieures. Cette quantité d’eau disponible pour les processus d’altération va

éventuellement jouer sur les surfaces de contact entre les solutions et les minéraux (en fonction des teneurs en eau de chaque réservoir), mais aussi sur le temps de contact entre le minéral et la solution (si l’écoulement spécifique est faible, les solutions vont être peu renouvelées).

L’effet de la température, en laboratoire comme en milieu naturel, semble répondre à une loi d’Arrhenius (TURNER et al., 2010; VELBEL, 1993; WHITE et al., 1999a). Plus la température est élevée, plus l’altération est efficace. Mais cet effet est souvent masqué en milieu naturel par le rôle de l’écoulement spécifique (KUMP et al., 2000).

Sur des lithologies basaltiques, une loi simple de l’altération en fonction de la température et de l’écoulement spécifique a pu être exprimée par DESSERT et al. (2001). Il n’existerait au contraire pas de loi simple pour les lithologies granitiques (OLIVA et al., 2003). Néanmoins, les effets de la température sur les processus d’altération seraient visibles pour des bassins versants présentant de forts écoulements spécifiques (>1000 mm/an), et une relation existerait entre les flux d’altération et l’écoulement spécifique pour deux types de bassins, avec une température moyenne annuelle (i) supérieure à 13°C et (ii) inférieure à 9°C. Pour (WHITE and BLUM, 1995), le rôle de la température et de l’écoulement spécifique seraient prédominants pour l’altération des silicates. En revanche, pour (GAILLARDET et al., 1999), le climat n’aurait qu’un second rôle dans les processus d’altération, derrière l’érosion, puisque de nombreux bassins versants tropicaux, situés dans des conditions favorables à l’altération (température et écoulement spécifique élevés) présentent des flux d’altération parmi les plus faibles (EDMOND et al., 1995; GAILLARDET et al., 1995; PICOUET et al., 2002; VIERS et al., 2000; VIERS et al., 1997; VON BLANCKENBURG et al., 2004).

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