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CHAPITRE III: LES ANTICORPS COMME MESSAGER DE

2. Facteurs épigénétiques…

L’héritabilité génétique entre une grand-mère et ses descendants ne fait pas de doute. Cependant d'autres mécanismes d'héritabilité comme une transmission épigénétique existent et sont encore assez mal connus. L’épigénétique est l’étude des changements mitotiquement stables et potentiellement méiotiquement héritables de l’expression des gènes qui ne peuvent être expliqués par des changements de la séquence d’ADN (Richards, 2006; Bird, 2007).

Chez les organismes pluricellulaires, on reconnait deux types de cellules: les cellules

germinales et les cellules somatiques. Les cellules germinales sont responsables de la

transmission de l’information génétique aux générations suivantes tandis que les cellules somatiques constituent l’organisme lui-même et sont fonctionnellement et structurellement hétérogènes. En outre, la quantité d'anticorps transmis à l'œuf et la capacité des mères à transmettre des anticorps peut être affectée par des variations épigénétiques acquises en début de la vie à travers des processus multi-générationnels. En effet, l'environnement maternel peut affecter plusieurs générations consécutives, comme par exemple chez les mammifères (voir Curley et al. 2011). Ces mécanismes épigénétiques peuvent jouer un rôle in utero et/ou dans l'enfance. Par exemple, les traitements médicamenteux, le vieillissement et l'alimentation sont des facteurs qui peuvent agir sur l'épigénome qui est l'état épigénétique de la cellule. Parmi les processus de transmission épigénétique, il y a le transfert d’anticorps. Récemment, des études chez les rats ont montré que les anticorps maternels peuvent être transmis sur plusieurs générations (Lemke et al. 2004). Les résultats de ces études démontrent l'existence d'un effet grand-maternel et proposent que le phénotype, mais pas le génotype, de résistance aux parasites des individus est affecté par un messager intergénérationnel: l’anticorps maternel. La plupart des recherches sur les effets épigénétiques chez les oiseaux sur une première génération s’est focalisé sur les effets des expositions à des stress environnementaux sur les traits de comportement, l'expression des gènes et la méthylation d'ADN dans la progéniture (Lindqvist et al. 2007; Goerlich et al. 2012). Frésard et al. (2013) ont montré que l’environnement parental a un effet sur la génération G1 et cela est particulièrement évident chez les mammifères, puisque la mère élève les petits du stade zygote jusqu'à la naissance. Ces effets se produisent également dans la génération G2, étant donné que la génération G1 porte les cellules germinales primordiales qui vont se différencier en cellules précurseurs de gamètes et éventuellement former un animal G2. De cette manière, l'environnement maternel

peut affecter les deux générations suivantes (Figure 13). En effet, L'environnement maternel peut avoir un impact sur les individus G1 et G2 (Frésard et al. 2013). Chez les oiseaux, l'environnement maternel a un impact sur les individus de la génération (G1) via le contenu de l'œuf. Cependant, il peut aussi avoir un impact sur les individus de la génération G2, puisque la progéniture porte les cellules germinales primordiales (PGC) qui se différencient plus tard en cellules précurseurs des gamètes et conduisent finalement à des individus de la génération G2.

La transmission épigénétique transgénérationnelle peut être rare, mais elle a déjà été signalée dans différentes espèces de mammifères. Par exemple, chez l'homme, Pembrey (2010) a indiqué que la disponibilité alimentaire du grand-père paternel a affecté le taux de mortalité des petits-fils, mais pas la mortalité des petites-filles, alors que la disponibilité alimentaire de la grand-mère paternelle a affecté le taux de mortalité des petites-filles mais pas des petits-fils (Kaati et al. 2007). À notre connaissance, aucune transmission transgénérationnelle des marques épigénétiques n’a été étudiée chez des oiseaux avant l’étude rapportée par Jablonka & Raz (2009) et Ho & Burggren (2010). Les variations épigénétiques au cours de la petite enfance jouent un rôle dans la production des différences inter-individuelles dans les phénotypes. Par conséquent, l'analyse de la diversité phénotypique inter-individuelle doit considérer à la fois les variations épigénétiques et génétiques (Szyf et

Figure 13: L’environnent maternel a un effet sur la génération G1 & G2 (tirée de Frèsard et al.,

2013).

D’ailleurs, l’hypothèse de bénéfice à long terme propose qu’un important transfert d’anticorps maternels soit l'effet à long terme sur le système immunitaire de la progéniture. (Lemke & Lange, 1999; Lemke et al. 2004; Hasselquist and Nilsson, 2009). Récemment, plusieurs études ont montré que les effets épigénétiques pouvaient persister 3-4 générations chez les mammifères (Gluckman et al. 2007; Jablonka et Raz, 2009), 10-15 générations ont été rapportées chez les insectes et même jusqu'à 10-40 générations chez les nématodes

Caenorhabditis elegans (Jablonka et Raz, 2009).

La relation entre l'environnement, les phénomènes épigénétiques et les effets transgénérationnels a été un pilier de la recherche génétique de ces dernières années et a récemment reçu une grande attention de la part des chercheurs écologues (Bossdorf et al.

2008) et évolutifs (Pigliucci, 2007). Du coup, le transfert transgénérationnel épigénétique est l'un des sujets les plus explorés. Néanmoins, l'effet de dépôt maternel de substances physiologiques dans l'œuf reste très peu étudié. Les physiologistes ont étudié la façon dont le transfert maternel de ces facteurs physiologiquement actifs pourrait influencer le phénotype physiologique de la progéniture. Chez les espèces ovipares comme les reptiles, les amphibiens, les oiseaux et certains poissons, le développement de l'embryon se produit dans un environnement d'œuf autonome, dont les caractéristiques sont la conséquence directe de la situation de la mère au moment de la formation de l'œuf (McNabb, 1988; Janzen et al. 2002; Poisbleau et al. 2009).

Dans cette thèse, l’expérience a été réalisé pour mettre en évidence l’existence d’une transmission epigénétique d’anticorps de la génération G0 jusqu’à la génération G2 et l’impact de cette transmission épigénétique sur la réponse immunitaire des individus.

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