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4. Sédimentologie du delta de Kerinitis

4.3. Sédimentologie de faciès

4.3.2. Faciès arénitiques

Quatre faciès arénitiques ont été mis en évidence dans le Gilbert-delta de Kerinitis (Tab. 4.2). Le critère de classification, indiqué par le chiffre, est la structure sédimentaire prédominante. La description, ainsi que l’interprétation des faciès arénitiques, sont rappelées de façon synthétique dans le tableau 4.2.

S1 : Arénite massive

Ce faciès correspond à une arénite fine à très grossière, bien à mal triée, pouvant comporter des lithoclastes flottants. La taille des lithoclastes se trouve entre la classe des arénites très grossières et celle des «pebbles». La taille des bancs est comprise entre 1 et 50 cm. Les bases de bancs peuvent être érosives ou non-érosives et les limites supérieures peuvent être planes ou ondulantes. Les bancs peuvent être localement lenticulaires.

Localement, les très rares structures sédimentaires observées sont constituées par des rides avortées ou amalgamées, des convolutes, des structures d’échappement d’eau et de la bioturbation. La bioturbation comprend des terriers de petite taille, localisés à la base des bancs (forme arquée simple d’une longueur centimétrique et d’un diamètre d’environ 2 cm) de type Exichnia.

Tableau 4.2 : Les quatre faciès arénitiques du delta de Kerinitis (Backert et al., 2009).

Le faciès S1 est présent dans de nombreux processus de dépôt, actifs depuis un environnement subaérien à un environnement d’eau profonde. Ce faciès peut avoir enregistré un processus de dépôt par «sediment gravity flow» (Eyles, 1987) comprenant de rares structures de traction, ainsi que des modifications post-dépôts du sédiment par des phénomènes d’échappement de fluides et de la bioturbation. S1 pourrait correspondre à la partie basale (partie «A») de la séquence de Bouma (1962), interprétée comme le résultat d’un dépôt rapide de particules en suspension avec peu ou pas de transport (Collinson et al., 2006). Les clastes flottants caractérisent assez souvent les faciès arénitiques turbiditiques (Postma et

al., 1988 ; Shanmugam, 2000). Enfin, le faciès S1 pourrait représenter le dépôt de lobes de

débordement sableux subaériens.

S2 : Arénite laminée

Le faciès S2 est une arénite fine à moyenne bien triée. La taille des bancs se situe entre 1,5 et 6 cm. Les bancs ont des bases érosives ou non-érosives, ainsi que des surfaces supérieures planes. S2 présente des laminations horizontales à faiblement ondulées, parfois discontinues et localement perturbées par de l’échappement d’eau.

S2 enregistre des conditions hydrodynamiques permettant le développement de bancs à lamines planes («upper flow-regime planar bed») lors de débits élevés. Collinson et al. (2006) proposent que la formation de lamines puisse être le résultat de fluctuations dans la force de l’écoulement. Ils suggèrent que la ségrégation des grains dans le banc produisent des couches de grains en mouvement, de différentes tailles, conduisant également à la mise en place de lamines.

La lamination horizontale évoque un processus tractif de type «plane-bed » (Harms et al., 1975). Les laminations faiblement ondulantes peuvent être produites par une augmentation de la vitesse de déplacement de l’eau qui circule au-dessus d’un banc à lamines planes (Collinson et al., 2006).

S3 : Arénite à litage oblique

Ce faciès correspond à une arénite fine à très grossière, bien à mal triée, qui peut contenir des lithoclastes et parfois des bioclastes. La taille des lithoclastes se situe entre la classe des «granules» et celle des «cobbles». Le faciès S3 peut être interstratifié avec des bancs silteux à argileux. La taille des bancs varie de 2 mm à 50 cm. Les bancs peuvent avoir des bases érosives ou non-érosives, ainsi que des limites supérieures planes à ondulantes. Ils peuvent également présenter une forme lenticulaire. Le faciès S3 est, en outre, caractérisé par un grand nombre de structures sédimentaires : une lamination oblique de mégaride avec des changements de granulométrie entre les lamines, des rides à lamination oblique tangentielle, de la stratification en auges, des rides symétriques ou asymétriques, des rides grimpantes, des surfaces de réactivation, de l’échappement d’eau, ainsi que des structures de charge.

Le faciès S3 montre des textures variables dues à des variations dans le tri granulométrique. Ces variations reflètent des conditions hydrauliques, elles-mêmes variables. La stratification en auges se développe par la migration de corps sédimentaires («arcuate-crested bedforms») 3D (Miall, 1996). Cant & Walker (1976) précisent que la stratification en auge serait le résultat de la migration unidirectionnelle de structures sédimentaires. Ce sont dans les faciès arénitiques que s’enregistrent le mieux les rides de courant ou les rides d’oscillation. Smith (1971) indique que la hauteur, ainsi que le rapport longueur d’onde sur amplitude des rides au sommet de barres, sont également une fonction de la hauteur d’eau. En effet, une diminution de la hauteur d’eau peut conduire à une diminution de la hauteur des rides, ainsi qu’une augmentation de leur rapport longueur d’onde/amplitude (avec un flanc court très peu penté). Lorsque le faciès S3 présente des litages obliques de mégarides planes, cela peut-être interprété comme la migration de structures 2D. Les structures tractives peuvent représenter la partie tractive des courants turbiditiques de haute densité (Lowe, 1982), dans le cas où le faciès S3 se retrouve dans les associations de faciès de bottomset ou de prodelta. Les surfaces érosives (surfaces de réactivation) peuvent être produites par la migration de corps sédimentaires, dont la géométrie varie avec le temps. Elles peuvent également se mettre en place quand la migration s’arrête puis reprend, lorsque la vitesse de l’écoulement augmente à nouveau.

S4 : Arénite granoclassée

Ce faciès est constitué par une arénite fine à grossière, bien à mal triée, pouvant comporter des lithoclastes flottants (de la classe des arénites grossières à celle des «pebbles»). La taille des bancs varie de 5 à 30 cm. Les bases des bancs sont parfois nettes à érosives et les surfaces supérieures sont ondulantes. Les structures sédimentaires sont un granoclassement (grano-croissance ou grano-décroissance) associé à une grano-décroissance latérale, de la stratification plane-horizontale, de la lamination oblique de rides, ainsi que de la bioturbation (terriers aux limites mal définies de longueur centimétrique, d’un diamètre maximum de 1 cm) principalement localisée à la base des bancs.

Les bancs qui présentent une grano-décroissance, enregistrent le dépôt de coulées gravitaires («sediment gravity flow») fluides et peu cohésives dans lesquelles le tri des particules est limité (Hein & Walker, 1982 ; Walker, 1984). La grano-décroissance évoque également des processus de dépôt actifs dans les coulées turbiditiques (Bouma, 1962 ; Middleton & Hampton, 1976 ; Lowe, 1982 ; Hein, 1984 ; Nemec & Steel, 1984). La grano-croissance peut être le résultat d’un processus de dépôt de type «grain flow». Le tri des bancs peut être le résultat d’une baisse ou d’une augmentation de l’énergie du courant.