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face aux services sociaux et aux services de santé

Dans le document Rapport de recherche intégral (Page 51-55)

Ce chapitre constitue le cœur de la recherche. Il vise à documenter les obstacles que les lesbiennes rencontrent dans l’accès aux services sociaux et aux services de santé, dans l’optique d’élaborer des recommandations ainsi que de renouveler les pratiques et l’intervention.

Une première analyse des entrevues a mis en lumière les obstacles ou barrières que rencontrent les lesbiennes dans les services sociaux et les services de santé, qui sont de cinq types :

̈ discrimination hétérosexiste et lesbophobe ;

̈ ignorance et manque de compétence des professionnels et professionnelles de la santé ;

̈ lesbophobie et hétérosexisme intériorisés ;

̈ pauvreté ;

̈ isolement social.

La méthode des histoires ou trajectoires de vie (entretiens en profondeur) s’est avérée fructueuse pour saisir non seulement les barrières que vivent les lesbiennes dans l’accès aux services sociaux et aux services de santé, mais leurs significations cachées. Comme le souligne McAll et al. (2001 : 30), l’analyse des trajectoires nous renseigne sur les rapports sociaux à l’œuvre. En l’occurrence, cette démarche nous a d’abord permis d’identifier trois facteurs de vulnérabilité à la lesbophobie intériorisée et à l’isolement social : une famille lesbophobe ; un réseau social pauvre (peu ou pas de réseau de soutien) ; de mauvaises expériences et la discrimination (au travail surtout).

En fin d’analyse, six moments cruciaux dans les trajectoires de vie des lesbiennes sont apparus (incluant les facteurs de vulnérabilité précités). Il s’agit ici, si on recourt à une expression commode, de « déterminants de la santé des lesbiennes ». L’ensemble de ces rapports sociaux, révélés par l’analyse, participent à l’invisibilité sociale des lesbiennes et du lesbianisme.

Les moments ou thèmes cruciaux, critiques, de la trajectoire de vie des lesbiennes qui ont des effets sur leur santé mentale et physique et sur leur isolement social ne se succèdent pas dans un ordre prédéterminé et chaque élément ne recouvre pas la même importance pour toutes les lesbiennes. Ils s’énumèrent comme suit :

̈ la reconnaissance de son lesbianisme (coming out à soi) ;

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les expériences de discrimination (école, travail…) ;

̈ la formation d’un couple, le deuil ou la séparation du couple ;

̈ la formation d’un réseau d’amitiés profondes ;

̈ la migration.

Le chapitre se compose de six différentes parties (A à F). Après avoir détaillé le profil de la population étudiée (A), sont analysées les trajectoires de vie des lesbiennes en ce qui a trait à leurs rapports à elles-mêmes (estime de soi) et avec les autres (famille, école, travail, amitiés, couple…) [B]. Sont ensuite présentés leur rapport avec le système de santé et leur état de santé (C). La partie suivante expose les besoins des lesbiennes relativement à l’accès aux services, tels que révélés à travers le récit de leurs expériences (D). Suit l’analyse des barrières rencontrées dans l’accès aux services sociaux et aux services de santé (E). Le chapitre se termine sur un exposé des particularités de ces barrières pour les sous-groupes étudiés dans le cadre de l’étude (lesbiennes des régions, jeunes, âgées, minorités « audibles » et « visibles ») [F].

A. Profil des participantes

Le questionnaire socio-démographique remis à l’ensemble des lesbiennes rencontrées en entrevue de groupe ou en entretien individuel permet de dresser un profil général des participantes. L’hétérogénéité du groupe en termes d’âge, de statut socio-ethnique, de niveau de scolarité complété, d’occupation, de revenu, de vécu hétérosexuel ou pas, de situation de vie et de maternité complexifie l’analyse mais indique que la réalité des lesbiennes, comme groupe social non homogène, a été explorée.

Dans cette partie, nous ne prétendons absolument pas dresser un portrait statistique des lesbiennes au Québec. Nous commentons ici très sommairement les tableaux 11 à 29 de l’annexe I qui ont été colligés de façon à pouvoir comparer les répondantes montréalaises à celles des régions et à les situer par rapport à l’ensemble des répondantes. Dans le but de décrire les participantes, des commentaires analytiques succincts s’ajoutent à la simple description des tableaux lorsque jugé pertinent.

Æ Âge et statut socio-ethnique

Les lesbiennes rencontrées se répartissent plus ou moins également entre les groupes d’âge, à l’exception de celui des 60 ans et plus (tableaux 11, 12, 13, 14). À Montréal, la surreprésentation des 30-44 ans s’explique par la concentration dans ce sous-groupe des mères qui ont participé à l’entrevue de groupe sur la maternité (tableau13).

Près des trois quarts sont des femmes d’origine canadienne-française (groupe majoritaire), les autres se partagent entre minorités « visibles » et « audibles »22. À Montréal, la sur-représentation des femmes issues des minorités « audibles » s’explique par les caractéristiques des répondantes ayant participé à l’entretien de groupe sur la maternité.

Montréal compte l’ensemble des quinze femmes des minorités « audibles » et « visibles ». Nous ne possédons des données complètes que pour celles (dix) rencontrées individuellement. Cinq sont nées au Québec ou au Canada et les cinq autres dans d’autres pays, dont trois sont arrivées très jeunes (âge préscolaire et primaire). Les deux autres sont arrivées à l’âge adulte, dans la vingtaine. L’une de celles-ci a reconnu son orientation homosexuelle une fois installée au Québec alors que pour l’autre, l’orientation sexuelle est la principale raison d’immigration.

Æ Niveau de scolarité complété

Les participantes à l’étude atteignent un niveau de scolarité relativement élevé puisque près de la moitié ont complété des études universitaires (tableaux 15 à 18). D’après le questionnaire socio-démographique rempli par les répondantes, une seule n’a pas terminé son secondaire et aucune n’est analphabète. À l’exception de celle qui n’a pas complété son secondaire, les femmes se dispersent toutefois assez uniformément entre les différents niveaux de scolarité complétés, sous réserve des répondantes de 30-44 ans ayant participé à l’entrevue de groupe sur la maternité, à Montréal, concentrées chez les universitaires (tableau 16). Il est possible que certaines aient déclaré avoir complété le niveau secondaire sans qu’il s’agisse formellement du secondaire V. Cette supposition s’appuie sur d’autres variables socio-démographiques, soit leur âge, leur occupation et leur niveau de revenu, de même que sur leur récit de vie.

Les onze femmes qui ont complété le primaire ou le secondaire sont toutes d’origine canadienne-française, malgré nos efforts de diversification de l’échantillon. Il fut difficile de recruter des lesbiennes des minorités « audibles » et « visibles » moins scolarisées. Bien que le niveau de scolarité élevé des minorités par rapport à la majorité au Québec représente une réalité, cette lacune est surtout due à notre réseau de contacts plus réduit pour ces sous-groupes. En vue d’y remédier pour un prochain projet, nous continuons à enrichir notre réseau avec des lesbiennes de toutes origines et statuts socio-ethniques.

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54 Occupation et revenu

Plus de la moitié des femmes occupent un emploi, la plupart à temps plein, certaines à temps partiel (tableaux 19 à 23). Ces emplois se situent dans tous les secteurs, que ce soit dans les organismes publics et parapublics (enseignante, infirmière, psychologue, secrétaire, travailleuse sociale…), le privé (coiffeuse, commis, cuisinière, femme de ménage…) ou les organismes communautaires. Quelques-unes sont travailleuses autonomes (artiste, haute technologie). Certaines ne bénéficient d’aucune stabilité d’emploi. L’autre moitié des répondantes se répartit de façon égale entre étudiantes, sans-emploi et retraitées. De toute évidence, une grande majorité des lesbiennes faisant partie de l’étude doivent vivre – dans certains cas survivre – avec un revenu très bas : la moitié avec moins de 20 000 $ par année et le tiers avec un revenu situé entre 20 000 $ et 40 000 $. Seule une minorité des lesbiennes qui travaillent réussissent à s’assurer un revenu qui les tienne loin des soucis financiers.

Eu égard au statut socio-économique et à la condition sociale, les efforts de diversification de l’échantillon semblent avoir porté leurs fruits : contrairement à une tendance dans certaines études existantes, le profil des répondantes reflète la précarité financière que révèle l’Enquête Santé Québec 1998 (voir l’introduction en tête du rapport). L’analyse du vécu des lesbiennes a montré que cette pauvreté se répercute dans l’ensemble de leur vie sociale.

Æ Vécu hétérosexuel passé

Les informations sur le vécu hétérosexuel passé des participantes ont été recueillies pour l’ensemble des femmes rencontrées en entretien individuel et seize des 27 autres participantes, soit 43 des 53 (tableau 24). Près du tiers de ces femmes n’ont jamais vécu de relations hétérosexuelles, un autre tiers ont été mariées, en union de fait ou engagées dans une « relation sérieuse », puis un dernier tiers ont connu des relations passagères ou occasionnelles. Il est notable que la moitié des jeunes lesbiennes n’ait jamais vécu de relations hétérosexuelles, alors qu’une grande majorité de leurs aînées, soit ont connu des relations passagères (surtout les 30-44 ans), soit ont été mariées (en particulier les 45-49 ans). La durée des mariages et des unions de fait hétérosexuelles varie de six mois à 30 ans, avec une moyenne de sept ans. Notre échantillon ne permet pas de tirer des conclusions à partir de ces données mais nous pouvons émettre l’hypothèse que l’évolution de la société permet aujourd’hui aux lesbiennes de découvrir, de vivre ou d’accepter leur lesbianisme plus tôt dans leur vie.

Æ Situation de vie et maternité

Pour décrire leur situation de vie, les participantes ont été divisées en quatre sous-groupes, selon qu’elles vivent seules ou pas, avec ou sans enfants (tableaux 25 à 29). Un peu plus de la moitié sont en couple, depuis trois mois à 25 ans. La durée moyenne des relations est de sept ans et demi. Elles vivent généralement avec leur conjointe mais quelques couples ne cohabitent pas (tableau 25). Les autres vivent seules et ne sont pas engagées dans une relation amoureuse. D’après la littérature existante, un grand nombre de lesbiennes sont mères, soit une sur cinq (Arnup 1995, notamment). Les participantes à l’étude le sont dans les mêmes proportions, soit onze des 53. Elles ont au total 17 enfants, soit 1,5 par femme qui est mère ou 0,3 enfant par répondante. Neuf lesbiennes vivent en couple avec un ou deux enfants à charge, une est monoparentale et une est la mère d’un adulte ne cohabitant pas avec elle.

Parmi ces onze mères, sept sont mères biologiques, les quatre autres « co-mères » (tableau 29). Pour accéder à la maternité, six ont procédé par insémination artificielle, quatre ont eu des enfants alors qu’elles étaient mariées et une a pu recourir à l’adoption internationale à titre de mère célibataire. Parmi les six femmes qui ont opté pour l’insémination, quatre ont demandé à un ami de donner son sperme (donneur connu) et les deux autres ont réussi à avoir accès à une banque de sperme (donneur inconnu). Deux femmes ayant participé à l’entretien de groupe sur la maternité étaient en démarche d’accès à la maternité par insémination artificielle.

B. Être lesbienne au Québec :

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