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CHAPITRE 2 : MANIPULATIONS ET RÉSULTATS

2.1 Fabrication des détecteurs

Les échantillons de silicium noir ont été fournis par le Mazur Group. Neuf échantillons ont été implantés, combinant trois énergies et trois fluences. Un échantillon non-implanté sert de contrôle. Par photolithographie et lift-off, un motif métallique à cinq doigts a été évaporé sur la région implantée de chaque échantillon, formant le contact supérieur des photodétecteurs. Le contact inférieur est évaporé directement sur tout le dessous avant d'être découpé en carrés d'environ 0,5cm2.

2.1.1 Préparation du silicium noir

Le b-Si a été fabriqué sur des tranches de type n avec orientation (111), une résistivité comprise entre 750 et 1600 Ω·cm et une épaisseur de 480±20 μm. La microstructuration a été accomplie par un laser focalisé donnant des impulsions de 80fs à un taux de répétition de 1 kHz et une longueur d'onde de 800 nm. La fluence laser est de 4 kJ/m2 et chaque point de la surface reçoit en moyenne 50 impulsions. Tout ceci a eu lieu dans une atmosphère de SF6 à 500 torrs. Ensuite, les tranches ont été recuites à 550ºC pendant 30 minutes.

2.1.2 Implantation ionique

Les implantations visent trois régions d'intérêt dans les échantillons. Il faut explorer ces trois régions car on ne sait pas a priori laquelle sera la plus sensible aux défauts implantés. Par inspection d'images au microscope électronique en transmission montrant une coupe transversale de silicium noir fabriqué selon des conditions similaires, il est possible d'estimer la portée du faisceau ionique nécessaire pour déposer les défauts dans chacune des régions. La première région est évidemment dans le silicium noir, là où la concentration en soufre et en défauts est la plus élevée, là où il y a le plus d’absorption et là

où se trouve la bande d’impuretés. La seconde région est plus profonde et représente la zone de transition entre le silicium noir et le silicium cristallin. L’implantation dans cette région amènera des défauts dans la jonction n+/n à l’origine du champ électrique interne. Dans les diodes p/n, on sait que les recombinaisons SRH se produisent au cœur de la zone de charge d’espace, alors il est naturel de viser cette région, malgré les différences entre les jonctions n+/n et p/n. La troisième région est le substrat en silicium cristallin. En raison de la grande qualité du cristal, la durée de vie est très longue dans cette région. Il est possible que l’origine de la lenteur des détecteurs provienne des propriétés du substrat. Le logiciel de simulation SRIM [51] permet ensuite de déterminer l'énergie que doit avoir le faisceau pour atteindre la profondeur de ces régions, en considérant que le pouvoir d'arrêt du silicium noir est similaire à celui du silicium pur. La simulation ne tient pas compte de la morphologie de surface et puisque l’épaisseur de la région désordonnée varie considérablement, la profondeur d’implantation réelle par rapport à la zone de transition reste très spéculative.

Figure 8 : Coupe transversale de silicium noir observée au microscope électronique à transmission montrant la région hautement endommagée bordant la surface des cônes de façon plus ou moins régulière [52].

Les simulations ont permis de déterminer que des ions de silicium ayant une énergie de 300 keV ont une portée d'environ 400 nm et forment une distribution approximativement gaussienne avec un écart-type de 100 nm. Les cascades de collisions avec les atomes du cristal créent 3 000 lacunes par ion incident. Le profil de création de lacune est présenté dans la Figure 9. Pour atteindre la région de l'interface B-Si/c-Si, l'énergie nécessaire aux ions de Si est 1,5 MeV, ce qui leur donne une portée de 1,5±0,2 µm. Chaque ion de 1 500 keV produira en moyenne environ 5 000 lacunes, qui sont réparti en profondeur selon la distribution de la Figure 9.

Les implantations ont eu lieu dans le pavillon René-J.-A.-Lévesque de l'Université de Montréal. Pour les implantations à basse et moyenne énergie, le tandetron a été utilisé tandis que le tandem a été utilisé pour les implantations à haute énergie.

Figure 9 : Résultats de simulations SRIM montrant la distribution en profondeur des lacunes créées par les cascades de collisions causées par des ions de silicium de 300 et de 1 500 keV. La distribution de défauts ici est pour les implantations à faible fluence (1011cm-2). La densité doit être multipliée par 10 ou 100 pour les autres fluences. La densité atomique du silicium est 5×1022cm-3.

La distribution de lacunes calculée par le simulateur ne donne qu'un aperçu de la quantité de défauts qui sera réellement présent après implantation. En réalité, les lacunes et les interstitielles peuvent diffuser, se recombiner ou s'associer à d'autres défauts ou impuretés. Pour implanter profondément dans le silicium cristallin, il a été nécessaire de remplacer les ions Si par des protons car ils sont beaucoup moins freinés par la matière. Par conséquent, la même énergie cinétique permet aux ions H+ d'aller environ dix fois plus creux que le ferait un ion de Si. En contrepartie, en raison de sa faible masse, très peu de collisions avec les atomes du cristal sont assez violentes pour créer des défauts. La Figure 10 montre la distribution de lacunes pour une implantation de H+ à 2MeV après une simulation SRIM. À noter que la concentration de défauts est de trois ordres de grandeur inférieure aux concentrations typiques causé par les ions Si. Seulement 35 lacunes par ion incident sont créées dans ces conditions d'implantation, selon SRIM.

Figure 10 : Distribution des lacunes dans le substrat pour les implantations de protons à haute énergie (2 MeV) et à faible fluence (1011cm-2), d'après une simulation SRIM. Les défauts sont créés majoritairement en fin de parcours des ions. La distribution de la position finale des ions H est aussi affichée. À faible fluence, la densité d’hydrogène à 48 microns de profondeur est comparable à la concentration de dopant du substrat.

Le porte échantillon a été refroidi à 77K avec de l'azote liquide avant les implantations. Aucune graisse de silicone n'a été appliquée sur le dos des échantillons car il aurait été difficile d'enlever toutes les traces sans risquer d'endommager le silicium noir. Cette graisse a habituellement pour but d’améliorer le contact thermique entre l’échantillon et le porte-échantillon. Cependant, puisque les implantations sont effectuées à faible courant et faible fluence, il n'y a pas beaucoup de chauffage. L'alignement de l'échantillon avec le masque d'implantation doit être minutieusement noté, car l'implantation ionique ne laisse aucune marque visible sur le b-Si (contrairement avec le c-Si), Pour rendre l'alignement dans les étapes ultérieures moins délicat, la région implantée est plus grande (12 mm × 12 mm) que la taille finale des dispositifs (7.1 mm × 7.1 mm). Pour les implantations de protons à haute énergie, l'angle d'incidence du faisceau ionique a été tourné de quelques degrés par rapport à la normale de l'échantillon pour minimiser la canalisation. De cette façon, la profondeur réelle des défauts sera proche des prédictions de SRIM.

2.1.3 Photolithographie et lift-off

Le choix de contacts du type « motif avec doigts » à la surface ainsi qu’un contact complet sur le dos de l'échantillon s'inspire de la configuration standard des cellules photovoltaïques. La Figure 11 montre le produit final. Une large bande métallique relie cinq doigts faisant 127 microns de largeur par 4,14 mm de longueur et espacés entre eux par 1,27 mm. D'autres géométries sont possibles comme celles des photodiodes planaires, ou des photodétecteurs MSM (metal-semiconductor-metal) qui ont l'avantage d'avoir les deux électrodes sur le même côté de l'échantillon mais qui parfois nécessitent des étapes de gravures, de croissance d'oxyde, etc. Puisque l'électrode en motif de doigts est une structure simple et de grande dimension, il n'est pas nécessaire d'utiliser les coûteux masques en verre chromé. Au lieu, un masque souple a été fait sur une pellicule transparente à l'aide d'une imprimante monochrome à jet d'encre spécialisé. La résolution est de 3 600 ppp

(points par pouce), ce qui implique que la structure la plus fine du motif (127 μm, ou 5 mils) mesure 18 « gouttes d'encre » de largeur ce qui est amplement suffisant. L'inspection visuelle du masque au microscope confirme effectivement que les rebords ne présentent aucune irrégularité. De plus, l'opacité de l'encre semble assez uniforme pour ne pas créer de zones développées indésirables en dehors des contours du motif.

Figure 11 : Géométrie finale des détecteurs.

La recette de lift-off a été modifiée pour tenir compte de la surface particulière du silicium noir. Elle a été développée par essais et erreurs. La Figure 12 illustre toutes ces étapes. Voici donc la recette finale : les échantillons sont trempés dans l'acétone et l'alcool isopropylique puis rincés à l'eau dé-ionisée. Ils sont chauffés de 5 à 10 minutes à 170ºC pour la désorption de l'eau, ce qui améliore l'adhérence. La première couche de résine appliquée est dite sacrificielle, puisqu'elle n'est pas photosensible et qu'elle se dissous de façon isotrope dans le développeur. C'est de la LOR5A tournée à 4 000 rpm pendant 30 secondes et précuite à 170ºC pendant 3 minutes. Elle permet de créer une entaille sous la couche de photorésine, ce qui empêche le métal évaporé de former une couche continue de la région exposée à la région masquée. La couche suivante est une résine photosensible positive Microchem S1813. Elle est tournée lentement, soit à 2500 rpm pendant 30 secondes afin d'obtenir une couche épaisse. La couche est ensuite précuite à 115ºC pendant 90 secondes. Deux ou trois autres couches identiques sont appliquées et cuites jusqu'à ce

que la résine soit assez épaisse pour recouvrir le sommet des pics de silicium noir. L'évaluation du recouvrement se fait par observation de réflexions spéculaires (suggérant une surface lisse donc un remplissage suffisant de la résine) et par inspection au microscope optique.

Figure 12 : Illustration des étapes de fabrication de l'électrode. 1 : le silicium noir est nettoyé. 2 : La couche sacrificielle est étalée et recuite. 3 : Les couches de résine photosensible positive sont étalées et recuites. 4 : Le masque souple avec le motif en négatif est placé, l’encre faisant directement contact avec la résine (ce n’est pas à l’échelle). 5 : La lampe UV expose la résine suivant le motif. 6 : La résine photosensible exposée est dissoute par le développeur et expose la couche sacrificielle qui se dissout cette fois de façon isotrope. 7 : 20nm de Cr et 200nm d’Au sont déposés par évaporation sur l’ensemble de l’échantillon. La couche de métal est discontinue grâce à la couche sacrificielle. 8 : Les solvants vont attaquer la photorésine en s’introduisant dans le creux laissé par la couche sacrificielle. 9 : Finalement, seul le métal déposé directement sur le silicium noir demeure en place.

L'échantillon est ensuite chargé dans l'aligneur de masque Karl Suss MA-4 avec le masque souple du motif. Le côté imprimé du masque fait directement contact avec l'échantillon, afin d'éviter de créer un effet de pénombre causé par l'épaisseur de la pellicule.

L'alignement se fait avec une règle et un échantillon-test tout comme lors de l'implantation ionique. L'échantillon est soumis à une exposition de 150mJ/cm2 sur la raie UV de 365nm.

L'échantillon est développé dans le MF-319 pendant 90 secondes, puis inspecté au microscope afin de vérifier d'une part qu'il ne reste pas de résidus de résine sous-exposé ou sous-développé dans la région exposée. D'autre part, l'opacité des régions masquées n'étant pas idéale, il se peut que les zones masquées se développent un peu malgré tout. Il faut donc aussi surveiller au microscope que les pics du b-Si masqué n'émergent pas trop de la résine.

Les échantillons sont ensuite recouverts d'une couche de 20nm de chrome et de 200nm d'or par EBPVD (Electron Beam Physical Vapor Deposition). Le chauffage du creuset par le faisceau d’électron était réglé de manière à avoir un taux de dépôt de 1 à 2 Å/s. La combinaison Cr/Au a été choisie puisqu'elle a été utilisée plusieurs fois dans la fabrication de détecteurs en b-Si. Un autre choix possible est Ti/Ni/Ag.

Le soulèvement, ou lift-off, des couches de photorésine et de métaux a ensuite été fait. Les échantillons ont été placés dans des bains de solution décapante ''Remover PG'', chauffé à 80ºC, et d'acétone, en alternance, jusqu'à ce que la majeure partie de la couche métallique pèle. Cette étape est longue car la couche métallique est bien imbriquée dans les pics de b-Si. Il n'est pas suffisant de simplement attendre la dissolution de la résine pour décoller le dépôt. L'échantillon implanté à basse énergie et haute fluence a été placé une heure dans le bain à ultrason pour aider à détacher le métal. Cependant, cela a endommagé le substrat : une partie des pics de b-Si s'est détachée (identifiable au microscope par des points gris sur la surface noire de l'échantillon). Les autres échantillons n'ont donc pas été plus de 5 minutes dans le bain à ultrason, et les couches tenaces ont été enlevées par jet d'eau et d'azote. Certaines diodes présentent encore des bouts métalliques autres que le motif de contact, mais leur superficie est négligeable et ne risque pas d'affecter les performances.

Par la suite, le contact sur le dessous des échantillons s'est fait directement par évaporation à l'EBPVD en utilisant les mêmes métaux et les mêmes épaisseurs que le contact supérieur.

2.1.4 Découpe des échantillons

Après la fabrication des contacts, les échantillons ont été découpés par une scie ADT Provectus 7100. Ils ont été découpés de manière à laisser une bordure de 1mm autour du motif, donnant donc un carré de 7,1 × 7,1 mm correspondant à un recouvrement de l’électrode de 15,5 % de la surface totale. Deux échantillons ne respectent pas ces dimensions: à cause d’une erreur de programmation de la coupe, l’échantillon de contrôle mesure 7,1 × 5,0 mm. L’échantillon implanté à basse énergie et moyenne fluence mesure 5,1 mm × 6.81 mm car une partie du contact métallique dépassait dans le silicium cristallin. Une épaisse couche de résine a été appliquée par rotation sur les échantillons avant de les découper pour protéger leur surface de l’eau poussiéreuse produite. Finalement, les échantillons ont été méticuleusement nettoyés avant de prendre les mesures. Le nettoyage recommandé par le fabricant de la résine consiste en un rinçage à l'acétone, deux bain successifs de 10 minutes dans le Remover PG chauffé à 80ºC, un bain de 7 minutes dans de l'IPA, un rinçage à l'eau dé-ionisée et un séchage à l’azote.

Finalement, un petit support a été fabriqué pour maintenir le photodétecteur en place et pour connecter des fils aux deux électrodes. Le dos du détecteur repose sur une plaque de cuivre tandis qu'une pointe de cuivre munie d'un petit ressort est abaissée au centre de la bande large de l’électrode. Le tout est monté sur une plaque de plastique. Ce support permet de faire les mesures des caractéristiques électriques selon diverses conditions d'illumination.

2.2 Caractérisation des détecteurs

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