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Modèle

F. 3.4 – Cartes de température mesurées par l’expérience WMAP à cinq longueurs d’onde. [image : WMAP]

Revenons au modèle général (3.4). La contribution des avant-plans Sνdans les données, contrairement

au bruit instrumental, n’est pas réduite par la mul- tiplication des expériences et l’accroissement de la sensibilité des mesures. Au fil du temps et des progrès technologiques, la contribution des avant- plans, vue comme une contamination indésirable de la variable d’intérêt X, prend donc une impor- tance croissante, et doit être traitée avec plus de précision car les résidus de cette contamination dans les cartes du CMB peuvent sérieusement biaiser toute interprétation cosmologique. Dans le para- graphe précédent, on a supposé une soustraction parfaite des avant-plans. Si tel n’est pas le cas, les spectres calculés seraient biaisés (positivement si les avant-plans sont supposés indépendants du Fond

plans puisque ce sont les mêmes avant-plans qui sont vus par tous les détecteurs (à une fréquence lumineuse donnée).

La possibilité de séparer les avant-plans des fluctuations du Fond diffus vient de ce qu’ils n’ont pas, contrairement à ce dernier, un spectre lumineux dérivé de corps noir, et que l’on observe le ciel à plusieurs longueurs d’onde, indexées par ν ∈ {1, . . . , Nf req} (voir l’annexe en fin de chapitre). La

figure 3.4 illustre par exemple les cartes mesurées à cinq longueurs d’onde différentes par WMAP. On considère le modèle contaminé et bruité suivant :

Yν,p=X(ξp) + Sν(ξp) + σν,pUν,p ,1 ≤ ν ≤ Nf req , 1 ≤ p ≤ Npix (3.14)

où pour tout ν les variables X et Sνsont supposées indépendantes, et où les variables de bruit Uν,psont

indépendantes entre elles et des précédentes. On cherche à retrouver X(ξp), par une statistique bXpdes

observations des Yν,p. Il s’agit donc d’un problème de séparation de source dans le cas particulier où

on ne cherche à isoler qu’une seule source.

Principe d’estimation

Nous cherchons un estimateur bXpcomme combinaison linéaire des Nf reqvaleurs mesurées :

b

Xp(Y, wp) := wTpYp (3.15)

pour un certain vecteur de poids [wp,ν]1≤ν≤Nf req.

Notons que dans le cas où toutes les variables en lettres capitales ci-dessus sont gaussiennes, l’espé- rance conditionnelle E hX(ξp) Yp

i

est de cette forme avecw∗ p T = RXpYpR−1Y p où RYp := E YpY T p et

RXpYp := E X(ξp)YTp. Ce vecteur de poids vérifie en outre

w∗ p=argmin w E  b Xp(Y, w) − X(ξp) 2 . (3.16)

Généralement, en vue de l’utilisation ultérieure de la carte, on impose la décorrélation entre X(ξp) et

l’erreur bXp− X(ξp). Plutôt que de chercher à résoudre (3.16), on cherche donc à estimer les poids de

Combinaison Linéaire Interne.

Définition 3.6. On appelle poids de Combinaison Linéaire Interne les poids (inconnus)

wILCp := argmin

w: EX(ξp)bXp(Y,w)−X(ξp)=0

EXbp(Y, w) − X(ξp) 2

où bXpest défini par l’équation(3.15).

Donnons d’autres expressions de wILC

p . wILCp = argmin w: EX(ξp)  b Xp(Y,w)−X(ξp)  =0 E bXp2(Y, w) − E X2(ξp) (3.17) = argmin w: wT1=1 E bXp2(Y, w) (3.18) = argmin w: wT1=1 wTpRYpwp , (3.19)

F. 3.5 –A gauche : Douze zones sur lesquelles l’estimateur (3.22)–(3.21)–(3.23) est calculé de façon indé- pendante. A droite : carte estimée bXILC. Sur chaque zone, cette carte est un barycentre des cinq cartes de la

figure 3.4. [images : WMAP]

où 1 est un vecteur de taille Nf reqrempli de 1. Le passage de (3.17) à (3.18) se voit en insérant (3.14)

dans (3.15).

L’équation (3.19), d’optimisation quadratique en w sous contrainte linéaire, est résolue grâce aux multiplicateurs de Lagrange, conduisant à

wILC

p =



1TR−1Yp1−1R−1Yp1 . (3.20) Si bRY est un estimateur de RYp , un estimateur possible de wILCp est donc

b

wILCp :=1TbRY−1p 1−1bRY−1p 1 . (3.21) Définition 3.7. On appelle carte ILC l’ensemble bXp,1 ≤ p ≤ Npixoù

b

Xp:= bXp(Y, bwILCp ) (3.22)

selon les définitions(3.15) et (3.21).

Le problème à ce stade est donc de trouver un bon estimateur bRYp . Si dans (3.14) les avant-plans et le bruit sont, comme le CMB, stationnaires, alors RYp ≡ RY,1 ≤ p ≤ Npix. Dans ce cas, la covariance empirique b RY:= N−1pix XNpix p=1YpY T p (3.23)

en fournit un estimateur, et les poids bwILC qui en résultent sont ceux qui minimisent l’équivalent du

terme de droite de (3.19) (constant en p) où RY a été remplacé par bRY . La procédure revient donc à

trouver non plus la carte de variance minimale (3.18) mais celle de variance empirique minimale. En réalité, ni le bruit ni encore moins les avant-plans ne sont stationnaires, comme cela est visible sur la figure 3.4 et a été discuté précédemment. Cependant, ils peuvent être considérés comme localement stationnairessur certaines régions. Les estimateurs précédents sont alors calculés indépendamment pour chaque région, puis “recollés”. La définition de zones lissées et se chevauchant permet d’éviter les effets de bords. C’est exactement la technique employée par l’équipe WMAP pour extraire le CMB de leurs données. Leurs 12 zones utilisées, ainsi que le résultat, sont présentés figure 3.5.

Discussion

Le choix des zones est important et un compromis doit être trouvé quant à leur taille : une taille plus grande améliore l’estimation de RYpar bRY, mais elle détériore l’approximation de stationnarité locale

du bruit et des avant-plans.

Cette approche heuristique a reçu cette année des premiers éléments théoriques d’analyse : l’article de Vio et Andreani [143] ainsi que celui présenté au Chapitre 8 calculent notamment le développement à l’ordre 1 en (RY− bRY) du biais de l’estimateur (3.22)–(3.21)–(3.23) dans l’asymptotique où bRY → RY,

ce qui renseigne quant au choix des zones à faire.

Une remarque importante est que tout ce qui précède est transposable au cas où le modèle (3.14) est exprimé non pas dans le domaine direct, mais dans n’importe quelle autre base. L’implémentation dans le domaine direct présente en effet de sérieux inconvénients, qui justifient l’avertissement des auteurs de la carte 3.5 quant à l’utilisation de cette dernière : elle est visuellement agréable car le CMBest estimé sur tout le ciel, mais elle reste contaminée à un niveau important par les avant-plans et par le bruit. En effet, un barycentre des cartes observées est calculé non seulement uniformément en p sur chaque zone, mais également uniformément à travers les fréquences spatiales ℓ.

Or les propriétés respectives des avant-plans et du bruit varient beaucoup avec la fréquence angulaire ℓ. Intuitivement, les grandes échelles (ℓ petit) sont peu bruitées mais très contaminées, donc très corré- lées à travers les longueurs d’onde (Sν(ξp) et Sν′(ξp) proviennent des mêmes avant-plans, vus dans

des longueurs d’onde différentes). A l’inverse, les petites échelles (ℓ grand), peu contaminées mais très bruitées, sont très peu corrélées à travers les longueurs d’onde (car le bruit est presque blanc). La pertinence d’utiliser des ondelettes, dans ce contexte, a été formulée dès 1998 par Tegmark [138], sans que cela ait été repris depuis sous cette forme précise : “la séparation [des composantes] dans le domaine pixels ne tient pas compte de la différence de douceur [spectrale] entre le CMB et les avant-plans : la corrélation entre pixels voisins est plus forte pour ces derniers que pour le CMB [...] il pourrait donc être préférable de faire la séparation dans le domaine de Fourier. [Mais] les coefficients de séparation doivent aussi dépendre de la position, car le niveau de bruit dépend de la position. Suggérons donc une soustraction des avant-plans par l’utilisation de bases relativement bien localisées tant dans le domaine direct que dans celui de Fourier, par exemple des sortes d’ondelettes.” Une première recherche allant dans ce sens fut proposée en 2003 par Tegmark et al. [139] qui définissent des zones spatiales et des “zones” d’échelles et améliorent la carte 3.5 à partir des mêmes données.

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