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Extraction des coefficients de diffusion et discussion sur les mécanismes associés

Chapitre 4 – Diffusion des éléments légers : hélium dans UO 2 ainsi que deutérium dans ZrC et

1. Impact des défauts dans le combustible nucléaire sur la migration d’hélium implanté

1.3 Extraction des coefficients de diffusion et discussion sur les mécanismes associés

Pour déterminer l’équation de transport adéquate, il convient d’identifier les paramètres majeurs et établir un schéma explicitant les mécanismes de diffusion. Ce schéma mettra en avant les défauts liés à l’implantation ou à l’irradiation qui jouent ici un rôle majeur. De plus, même si aucune bulle n’a été observée lors de nos études, on ne peut pas exclure leur existence à une taille nanométrique voire sub-nanométrique, donc difficilement observable. L’hypothèse d’un piégeage de l’hélium dans les bulles n’est donc pas à écarter même pour de faibles fluences d’implantation. En tenant compte de tous ces éléments, il est possible d’établir un mécanisme global de migration de l’hélium qui peut se schématiser par la Figure 37 inspiré des travaux de Ronchi et al. [RONCHI-2004].

Figure 37- Schéma des mécanismes possibles de migration de l’hélium lors des recuits d’échantillons de

combustible nucléaire. L’état initial correspond à une proportion d’hélium sous forme atomique et une autre piégée dans l’échantillon

L’hélium introduit par implantation est majoritairement sous forme atomique. Lorsque les échantillons sont recuits, la migration de l’hélium s’effectue en relation avec les défauts initialement présents. Lorsque l’hélium atteint des surfaces libres (joints de grains, surface, porosité ouverte), il est alors désorbé de l’échantillon. A cause des défauts (implantation et/ou irradiation) et de la température, un mécanisme de piégeage va entrer en compétition avec la diffusion. Une fraction de l’hélium va se retrouver piégée sous forme de bulles ou de « clusters » avec des défauts. Cependant, suivant la valeur de la température, une partie de l’hélium présent dans les bulles peut se remettre en solution pour se retrouver sous forme atomique et ainsi de nouveau diffuser dans l’échantillon. La température de remise en solution a été estimée autour de 1000 / 1100°C [RONCHI-2004] si bien que les expériences présentées précédemment ne concernent pas ou peu la partie où l’hélium piégé revient sous forme atomique pour ensuite migrer. La modification des profils de concentration après les recuits va donc directement concerner la diffusion de l’hélium assistée par les défauts créés par l’irradiation/implantation qui sont activés thermiquement. Finalement, nous mettons en évidence que le coefficient de diffusion apparent est majoritairement un « Dtrap ». Il est maintenant possible d’établir l’équation de transport correspondante et de la résoudre.

1.3.1 Modèle mathématique à une gaussienne avec D constant

Intéressons-nous au cas simple des échantillons qui conservent, après recuit, des profils de concentrations d’hélium symétriques. Ces profils sont toujours centrés sur la même profondeur ; ce qui implique qu’il n’y a pas de transport. La diminution des aires est relativement faible (< 22 %) pour les échantillons GIGONDAS. Le mécanisme majoritaire de migration est donc la diffusion via le « Dtrap » (que nous allons appeler « D » par la suite). Nous ferons les deux hypothèses suivantes : tout d’abord, la diffusion se fait majoritairement à une dimension (en fonction de la profondeur) ; ensuite, le coefficient de diffusion est indépendant du temps. L’équation générale de Fick peut alors se simplifier pour donner l’Équation 40.

∂C

∂t = D

#

C

∂x

#

Équation 40- équation de diffusion à 1D indépendante du temps

On peut montrer que l’Équation 40 possède, pour solution analytique, l’équation d’une gaussienne centrée en xc et de concentration initiale C0 (Équation 41).

CCx, ž D = C

¶4πDt . exp ˜−

Cx − x

Y

D

#

4Dt

Équation 41- équation d’une gaussienne satisfaisant la résolution de l’équation de Fick à 1D

De plus, on rappelle le formalisme mathématique d’une gaussienne caractérisée par son écart-type (σ) et son centre (xc) par l’Équation 42.

CCxD = C

σ √2π. exp ˜−

Cx − x

Y

D

#

#

Équation 42- équation usuelle d’une gaussienne

L’écart-type est donc proportionnel au produit du coefficient de diffusion « D » par le temps « t ». La différence des variances entre la distribution finale (après recuit τ) et la distribution initiale (correspondant au tel qu’implanté) permet donc d’obtenir le coefficient de diffusion tel que décrit par l’Équation 43.

D =σ

1#

− σ

W#

Équation 43- coefficient de diffusion extrait de la loi de Fick

Cette méthode a été appliquée pour déterminer les coefficients de diffusion à partir des distributions gaussiennes suite aux recuits des échantillons GIGONDAS (ayant incorporé environ 0,3 dpa) et des échantillons UO2 pré-irradiés avec de l’iode de 8 MeV (environ 20 dpa). Le Tableau 9 résume les valeurs de ces coefficients de diffusion pour les différentes températures indiquées. Les valeurs pour les GIGONDAS sont extraites de [PIPON-2009b] et celles des échantillons UO2 pré-irradiés avec les ions iode ont été calculées à partir des données disponibles dans [MARTIN-2012] et de la Figure 35.

Tableau 9-Valeurs des coefficients de diffusion de l’hélium-3 implantés dans des échantillons UO2 (concentration initiale maximale de 0,3 % at.) pré-irradiés avec des ions iode ou dans des échantillons GIGONDAS (concentration initiale maximale de 0,1 % at.)

GIGONDAS

850°C

GIGONDAS

1000°C

UO

2

pré-irrad.

800°C

UO

2

pré-irrad.

900°C

D (cm

2

s

-1

) 9,5×10

-14

1,2×10

-12

6,7×10

-14

2,8×10

-13

Roudil et al. [ROUDIL-2004] ont procédé également ainsi sur de l’UO2 implanté en hélium-3 à une concentration atomique maximale de 0,06 % et ont trouvé les valeurs de coefficients de diffusion indiqués dans le Tableau 10.

Tableau 10-Valeurs de coefficients de diffusion d’hélium-3 implanté dans UO2 (concentration initiale maximale de 0,06 % at.) pour différentes températures [ROUDIL-2004]

850°C 900°C 1000°C

D (cm

2

s

-1

) 2,4×10

-14

4,8×10

-14

2,3×10

-13

1.3.2 Modèle mathématique avec D non constant – extrait de la

littérature

Intéressons-nous aux échantillons implantés en hélium-3 qui présentent, après recuits, des distributions asymétriques. L’une des premières à proposer un modèle à coefficient de diffusion variable est Séverine Guilbert [GUILBERT-2004]. Puisque la diffusion de l’hélium est influencée par les défauts et qu’elle est nulle dans le « bulk » de l’échantillon, il est raisonnable de penser que le coefficient de diffusion augmente donc jusqu’à une certaine valeur maximale suivant le gradient de concentration de défauts en présence. Il est également possible de faire un raisonnement analogue avec le terme de relâchement k. Les coefficients D et k ne sont ainsi plus constants et la loi de Fick à résoudre devient l’Équation 44.

∂CCx, tD

∂t =∂x ¼DCxD ∂CCx, tD∂x ½ − kCxD. CCx, tD

Équation 44- Equation de Fick avec coefficient de diffusion « D » et terme de relâchement « k » dépendant de la

profondeur « x »

Guilbert et al. [GUILBERT-2004] ont choisi une évolution du coefficient de diffusion D(x) en fonction de la profondeur comme représenté sur la Figure 38.

Figure 38- Coefficient de diffusion variable avec la profondeur par rapport au profil de concentration de

l’hélium implanté dans UO2. Tiré de [GUILBERT-2004]

Ils ont ainsi extrait un coefficient de diffusion maximum à 1100°C d’une valeur de 6×10-13 cm2 s-1. Comme l’indiquent les auteurs, l’ajustement par le couple de paramètres {D(x) ; k(x)} conduit à de multiples solutions dont la variation se traduit par un facteur 2 sur la valeur de chaque paramètre.

1.3.3 Synthèse des résultats / conclusion

Comme la diffusion est activée par la température, alors les coefficients de diffusion D suivent la loi d’Arrhenius décrite par l’Équation 11(chapitre 2).

Ronchi a déterminé son équation de diffusion atomique après des mesures de désorption en température. Il a considéré que la désorption d’hélium résultait d’une compétition entre piégeage et diffusion atomique assistée par les défauts d’irradiation sur une grande distance.

Figure 39- Diagramme d’Arrhenius des coefficients de diffusion de l’hélium dans différents type de

combustible : UO2 irradié puis implanté [MARTIN-2012], GIGONDAS [PIPON-2009b], UO2 implanté [GUILBERT-2004]; [ROUDIL-2004] et dans du combustible (U0.9Pu0.1)O2 [RONCHI-2004]

A partir de la Figure 39, on peut voir que les pentes de chaque droite sont similaires et correspondent à une énergie d’activation d’environ 2 eV. La migration se fait donc, dans chaque expérience, par un mécanisme similaire qui ne sera pas discuté ici.

La différence entre les droites d’Arrhenius réside donc en la valeur du coefficient D0 (facteur pré-exponentiel) qui gouverne les valeurs des coefficients de diffusion D. Cela s’explique par l’Équation 12 (chapitre 2) qui montre que le facteur pré-exponentiel D0 est directement lié au nombre de sites disponibles pour un saut atomique et donc à l’endommagement du matériau. Si on regarde de près les valeurs des coefficients de diffusion, on s’aperçoit que ceux extraits de Roudil et al. présentent les valeurs les plus faibles correspondant au matériau le moins endommagé (UO2 implanté à la plus faible concentration). Ceux extraits de nos études sont plus grands et correspondent à un endommagement de 0,3 dpa. Le coefficient de diffusion calculé par Guilbert et al., qui pourrait aussi bien s’aligner sur la droite de Roudil et al. que sur celle de mon étude en prenant en compte l’incertitude liée à la résolution de l’Équation 44, est néanmoins cohérent puisque le nombre de dpa est inférieur à 0,3 dpa. Les coefficients de diffusion extraits de [RONCHI-2004] dans (U0.9Pu0.1)O2 sont les plus élevés et correspondant en toute logique à l’endommagement le plus important. Cependant, les coefficients de diffusion de Martin et al. sont à peine supérieurs à ceux de notre étude alors que le nombre de dpa est évalué à 20 au maximum. Cela met en lumière une faiblesse du raisonnement. En effet, SRIM ne gère pas la recombinaison des défauts lié à la température. Le nombre de défauts créés par les cascades de collisions dès l’implantation est donc certainement surévalué et ce nombre doit diminuer d’autant plus fortement avec la température du recuit. Il est donc compliqué de situer l’endommagement dans l’étude de Martin et al.

Au final, globalement, cette étude a permis de prévoir, de manière qualitative, la diffusion de l’hélium dans un combustible nucléaire plus ou moins endommagé. Si on estime que l’endommagement de la matrice et la concentration de l’hélium sont représentatifs de conditions de stockage, alors il est possible de prédire la diffusion de l’hélium sur des échelles de temps très grandes.

2. Comportement du deutérium implanté dans des matrices