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L’expression des forces de pouvoir 55 

Partie 1 Le territoire 22 

2  Relancer le débat pour un concept opératoire de territoire 41 

2.2  De l’ontologie des mots du territoire au regard croisé sur le concept de territoire 48 

2.2.8  L’expression des forces de pouvoir 55 

Un territoire pertinent « répond à une question, répond à une politique, fait l'objet de démarches, fait

l'objet de conflits » (Lacour) par rapport à des enjeux ou des sujets (Bonnefoy). Bernard Guesnier fait

référence au pouvoir mais en terme de compétition entre les territoires. Benoit Antheaume le place au niveau du socle conceptuel du territoire « le croisement de l'espace et du pouvoir ». Le pouvoir est également très présent chez Philippe Boulanger qui est associé à la frontière qui délimite les territoires qu’il faut défendre et qui définit un espace « d’homogénéité nationale » ou qui génère des problèmes d’ordre géopolitique, ou encore chez Michel Lussault pour qui le territoire est l’espace d’effectuation du pouvoir qui, quand il est politique, constitue « un espace de vie, l'espace de vie d'un groupe social,

mais un espace de vie continu et limité, affecté d'une idéologie territoriale qui est une idéologie officielle portée par un pouvoir politique ».

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C’est peut être ici une des rares fois où l’on va pouvoir noter une réelle convergence autre que la version classique du territoire « zone » d’exercice de pouvoir.

Avec sa tectonique des territoires, Claude Lacour tient une place emblématique dans la théorisation de la dynamique des territoires. Bruno Jean nous dit que ce dernier est un produit de la Société. Nous posons, sans que cela soit contradictoire avec ce qui précède, que le territoire est en premier lieu individuel avant d'être collectif (Social). Mais, parmi tous les auteurs rencontrés, nous sentons également se dégager deux tendances que l'on ne mariera peut être que difficilement, à savoir celle qui asseoirait le territoire sur des représentations multiples de lieux, de milieux, d'acteurs, d'activités ; et la seconde qui ramènerait tout cela à un espace borné et support. Comment concilier des approches qui voudraient que le territoire soit ou ne soit pas un découpage, soit ou ne soit pas institutionnel ? En outre, des qualificatifs tels que : révélé (Colletis), vide ou occupé (Jean) nous posent quelques problèmes. En effet, quelle est la part de révélation pour ceux qui considèrent le territoire comme un découpage de l'espace qui correspond davantage à un arrangement qu’à une représentation partagée ? Comment concevoir un territoire vide s'il est construit et donc s'il intègre, a minima, son concepteur ? Après terre et espace, un troisième mot revient systématiquement : acteur. Notre cadre de travail ne visait pas nécessairement à explorer les fondements épistémologiques de ce concept. Toutefois, l’usage du mot nous interpelle également, notamment quand Serge Gagnon déclare qu’ « un territoire n'est pas qu'un spectateur c'est un acteur », ce qui nous amène à réfléchir (cf. chapitre 3.2) au rôle du territoire dans l’intermédiation (l’inter-territorialité) à travers la notion d’Actant qui nous semble ouvrir davantage de perspectives sémantiques. Mais à ce stade, nous pouvons poser un premier axe qui nous permettra de poursuivre la réflexion : qu’est-ce qui fait territoire ? Cette question, encore insuffisamment posée ou qui divise, mérite que l’on s’y attarde. C’est ce que nous verrons d’abord au cours du chapitre suivant mais également lors des deuxième et troisième parties à travers l’observation des territoires et l’instrumentation de cette fonction.

Le deuxième axe de réflexion tourne autour de la manière de concilier une acception selon laquelle le territoire est un support (un ancrage) de l'action, et une autre qui ferait du territoire un acteur susceptible d'agir. Nous voyons apparaître dans cette problématique qui n’a pas encore trouvé de réponse consensuelle, le risque de reproduire des discours bien rodés sans nécessairement apporter de la nouveauté.

Par cette enquête, nous nourrissions le faux espoir d’une définition du territoire unitaire qui réduirait les amalgames et contre-sens rencontrés. Les divergences conceptuelles sont certaines et mettent en péril l’opérationnalité de la notion. Le questionnement que nous posons autour des contradictions, n’est certainement pas nouveau. Nous le posons comme un des arguments qui incitent les uns ou les autres, à adopter une des trois postures qui trouvent leur légitimité dans les pratiques multiples de recherche appliquées et théoriques :

 le renoncement : la géographie s’est accommodée depuis près d’une vingtaine d’année à ce concept mal défini ou polysémique et après l’heure de gloire du territoire, a ouvert celle de la territorialité et de la territorialisation. Malgré sa forte popularité, la science trouverait peut être à y gagner comme le suggérait Antoine Bailly si ce n’est à l’abandonner, tout au moins à l’ignorer et à revenir aux fondamentaux de la géographie : l’espace et d’autres termes comme la région.

 l’adoption d’une acception très restrictive que l’on mobiliserait dans le cadre des politiques de décentralisation et d’aménagement qui se satisfont d’une opportunité renforcée par une légitimité pratique des maillages, des découpages et des zonages.

 le refus du renoncement et le souhait d’une plus grande caractérisation du concept dont a besoin l’interdisciplinarité (l’intersection des disciplines), qui s’est largement développée ces dernières années et qui voit, par exemple, dans une période récente, la sociologie et dans une période plus ancienne l’économie, s’en emparer alors qu’il s’agit d’un concept fort de la géographie.

Frédéric Giraut (2008, 2009), Alexandre Moine (2008), Romain Lajarge (2009) ou encore Olivier Soubeyran (2009) se sont lancés sur la troisième voie : « Attention, ralentir, travaux » cette expression argumentée d’Olivier Soubeyran résume bien les ambitions. Pour le premier, l’opérationnalité du concept de territoire passe tout d’abord et en premier lieu, par la différenciation de la zone et du territoire. Avec Alexandre Moine, la systémique et la complexité sont les clés qui ouvrent les portes et les fenêtres d’une boîte noire : le concept de territoire. Notre réflexion s’inscrit également dans le cadre de la troisième perspective et cela, même si, pendant cette phase de maturation du concept, dans laquelle nous pensons être, nous concevons volontiers la nécessité de faire cohabiter différentes acceptions. Notre engagement sur cette voie vient supporter l’idée d’un territoire représentation c'est- à-dire un « processus par lequel sont produits des formes, concrètes ou idéelles, dotées d’une existence propre, mais qui se réfèrent toujours à un autre objet ou à un autre phénomène relevant d’un autre ordre de réalité » (Debarbieux 2005)29. Cela repose sur l’hypothèse que la représentation peut recouvrir tous les mots de l’ontologie du concept de territoire et refaire le lien entre ces mots. Ce faisant, nous rejoignons un parti pris très répandu qui, comme nous l’avons vu, est celui d'un territoire construit. C’est par la territorialisation que nous reviendrons sur la définition du territoire au cours du chapitre suivant et donc sans y renoncer. Pour autant, nous sommes convaincus de l’intérêt de poursuivre la réflexion autour du concept de territoire. Nous nous rangeons donc derrière une idée simple qui devient un principe fondateur de notre conceptualisation à savoir que l’individu acteur est à l’origine d’une représentation personnelle du territoire dont les contours trouvent, nous semble-t-il, un espace de différenciation sémantique nette avec l’espace, la terre, etc. Cette acception trouve une

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Le terme représentation a été utilisé à plusieurs reprises dans les pages qui précèdent sans avoir fait l’objet d’une définition préalable car il nous semble également que ce terme est porteur de plusieurs sens. A partir de cette page, quand nous emploierons le terme dans notre propos, c’est à cette définition qu’il conviendra de se référer.

deuxième dimension à travers le collectif, le social. Nous reviendrons sous forme de proposition sur cette acception du territoire dans le chapitre qui suit au sein même de cette première partie. Nous retrouverons également l’acteur, en troisième partie, dans la problématique qui traite de la gouvernance par et pour l’observation.