La 15d-PGJ2 produite par les CGE est issue de la PGD2 synthétisée par la
prostaglandine D synthase de type lipocaline (L-PGDS) et non par la prostaglandine D synthase hématopoïétique (H-PGDS). L’expression de la L-PGDS a été décrite dans les cellules gliales du système nerveux central (SNC), notamment dans les oligodendrocytes (Beuckmann et al., 2000) et les astrocytes en culture (Giacomelli et al., 1996). En revanche, la forme hématopoïétique de la PGDS est retrouvée dans les ganglions rachidiens, dans les cellules satellites et les cellules de Schwann. Cette forme est également retrouvée dans le tube digestif, exprimée par les entérocytes. L’expression de la L-PGDS est quant à elle, limitée à une sous-classe de neurones (Vesin et al., 1995a; Vesin et al., 1995b). Ces différences d’expression des PGDS dans les CGE et les ganglions rachidiens, peuvent être expliquées par leur origine embryonnaire (Krispin et al., 2010). De façon cohérente avec cette hypothèse, les neurones entériques, dont l’origine embryonnaire est la même que celle des CGE, expriment également la L-PGDS (données non publiées).
Les données de la littérature montre que la L-PGDS est produite et sécrétée dans le liquide céphalo-rachidien par les astrocytes du SNC (Giacomelli et al., 1996). En plus de sa fonction de transporteur de petites molécules lipophiles (Urade et al., 1995), il a été démontré que la L-PGDS conserve une activité enzymatique en dehors de la cellule (Urade & Hayaishi, 2000a). Des résultats préliminaires, obtenus au laboratoire, nous ont permis de montrer que les CGE sécrètent aussi la L-PGDS (Figure 45). Cependant, son activité enzymatique dans le milieu de culture de CGE n’est pas connue. Il serait donc intéressant de réaliser un test d’activité enzymatique de la L-PGDS sécrétée afin de savoir si elle conserve son activité
enzymatique en dehors de la cellule et ainsi savoir si, in vivo, elle serait capable de produire de la PGD2 et/ou son dérivé, la 15d-PGJ2 à proximité de ses cibles. Néanmoins, il existe deux
étapes limitantes dans la production de la 15d-PGJ2. La première concerne le substrat de
l’enzyme : la prostaglandine H2 (PGH2). En effet, ce substrat, issu de la catalyse de l’acide
arachidonique (AA) par les cyclooxygénases (COX) est très instable et doit être rapidement transformé spontanément en d’autres prostaglandines (PGs), notamment en prostaglandine E2
(PGE2) (Yu et al, 2011). Les enzymes des PGs sont donc couplées aux COX afin de faciliter
la conversion de la PGH2 en dérivés des PGs (Murakami et al, 2011). Il est donc peu probable
que la PGH2 puisse être sécrétée sous une forme stable par les CGE. Ces études suggèrent que
l’utilisation de la PGH2 dans une conversion enzymatique extracellulaire reste discutable. La
seconde étape limitante est la conversion de la PGD2 en 15d-PGJ2. Cette étape requiert la
déshydratation de la PGD2 en prostaglandine J2 (PGJ2) suivie d’une seconde déshydratation
de la PGJ2 en 15d-PGJ2. Ces transformations sont modifiées par la présence de sérum et
notamment d’albumine dans le milieu (Scher & Pillinger, 2005).
La 15d-PGJ2 active des voies de signalisation dans les CEI et les neurones. Cependant,
nous n’avons pas déterminé comment la 15d-PGJ2 peut entrer dans la cellule cible. Le
mécanisme de diffusion des PGs a été vérifié sur des œufs de Xénopes (Schuster, 2002). En dépit d'une faible efficacité de diffusion, il a été supposé que les PGs diffusent au travers de la membrane plasmique grâce à leur charge ionique. Le transporteur des PG (PGT) est une protéine exprimée à la surface de la plupart des cellules (Schuster, 2002). C'est une pompe échangeuse d'anions, qui est présumée fonctionner en échangeant une molécule de PG sous sa forme anionique contre une molécule de lactate (Banu et al., 2003). Le transporteur de l’anion organique multi-spécifique (MOAT) est également un transporteur de PGs répertorié (Schuster, 2002). Ces deux transporteurs pourraient participer au passage de la 15d-PGJ2 dans
la cellule cible (Figure 45). Cependant, des récepteurs aux PGs couplés aux protéines G ont été identifiés. La 15d-PGJ2 est capable de se fixer aux récepteurs 1 et 2 de la PGD2 (DP1 et
DP2) et activer des voies de signalisation dans la cellule cible (Scher & Pillinger, 2005) (Figure 45). L’utilisation d’agonistes et d’antagonistes connus de ces deux transporteurs permettrait d’établir leurs rôles dans les CEI.
Des études préliminaires réalisées au laboratoire ont permis d’identifier d’autres médiateurs lipidiques d’origine gliale : l’acide 15(S)-hydroxyeicosatétraènoïque (15-HETE) et l’acide 13(S)-hydroxyoctadécadiènoïque (13-HODE). Ces dérivés hydroxylés sont issus de
la catalyse des acides gras polyinsaturés (AGPI) par les lipoxygénases (LOX) et sont également des ligands endogènes de PPAR" (Bull et al., 2003; Altmann et al., 2007). Nous avons mis en évidence la présence de la 15-LOX dans les CGE (Figure 45). Des études ont démontré, in vitro et in vivo, que ces ligands ont des effets antiprolifératifs sur des cellules tumorales coliques. En revanche, leur effet sur la différenciation des cellules épithéliales n’a pas été décrit (Chen et al., 2003; Nixon et al., 2004).
Les résultats rapportés dans l’article 1, montrent que la 15d-PGJ2 reproduit en partie
l’effet anti-prolifératif des CGE sur les CEI. Il est probable que cet effet des CGE sur les CEI résulte de la combinaison de plusieurs médiateurs gliaux associant la 15d-PGJ2 mais aussi la
15-HETE et la 13-HODE, voire d’autres médiateurs restant à identifier.
La 15d-PGJ2 est synthétisée dans les CGE par la L-PGDS. Cependant, la synthèse de la 15d-PGJ2 au niveau
extracellulaire n’est pas à exclure dans la mesure où la L-PGDS est aussi secrétée (1). Le transport de la 15d- PGJ2 dans le milieu extracellulaire ou au travers des cellules peut être assuré par des transporteurs spécifiques
tels que le transporteur des prostaglandines PGT ou le transporteur MOAT (3-4). La 15d-PGJ2 peut également
se fixer sur les récepteurs DP1 et DP2 (5-6). La 15d-PGJ2 est lipophile et peut diffuser au travers des
membranes cellulaires (7). Les CGE ont aussi la capacité de secréter d’autres médiateurs lipidiques comme les dérivés hydroxylés tels que la 13-HODE ou la 15-HETE (8).