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Le soutien des étrangers va au-delà du simple achat des œuvres. Certains vont se faire le devoir de faire connaître l’art non officiel en Occident.

Ainsi, le collectionneur et galeriste londonien, Eric Estorick, qui s’était rendu en U.R.S.S. pour prospecter le marché de l’art en 1963, fera une exposition avec des œuvres de Rabine en 1965. Par ce biais là, les artistes non officiels commencent à se faire connaître dans les médias occidentaux.14 Une autre exposition aura lieu à Londres quelques années plus tard, en janvier 1977 : « L’Art non officiel de l’Union Soviétique ». Organisée

9 RABINE O., op. cit., pp. 148-149. 10

« […] comme nous n’avions ni rang ni honneurs, le fait d’être invités en même temps que des peintres officiels était une consécration, en quelque sorte un hommage rendu à notre œuvre.

Les fonctionnaires du ministère de la Culture, obligés de nous côtoyer, en éprouvaient du dépit et, semble-t- il, un certain respect. », RABINE O., op. cit., p. 149.

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« Nos tableaux prenaient de la valeur à leurs yeux parce que les Occidentaux les appréciaient et nous traitaient en artistes professionnels. A tel point qu’en 1975, lorsque le ministère de la Culture avait autorisé une exposition de quinze peintres non conformistes, son choix fut guidé par la notoriété dont ils jouissaient en Occident et auprès des étrangers de Moscou. », RABINE O., op. cit., p. 149.

12 Le Gorkom est ici le comité des illustrateurs et graveurs (sorte de syndicat). 13

« A Moscou, la Section de peinture s’est transformée en une sorte de « Beriozka » [ « Petit bouleau » - magasin réservé aux étrangers où l’on vend uniquement pour des devises et dont l’accès est interdit aux Soviétiques.] et bien que les amateurs soviétiques aient le droit d’acheter des tableaux des membres du Gorkom, le gros de la clientèle est constitué par les étrangers, possesseur de devises. », RABINE O., op. cit., p. 351.

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« La BBC en langue russe avait rendu compte de mon exposition, de sorte que ce n’était un secret pour personne. Plus tard, on me fit parvenir des catalogues et des articles parus dans de nombreux journaux. J’étais particulièrement content à l’époque en lisant l’article du quotidien communiste « Daily Worker ». Il était très flatteur et exprimait l’espoir que cette exposition constituerait le début d’échanges culturels entre l’URSS et l’Occident. », RABINE O., op. cit., p. 114.

par l’Institut d’art contemporain, elle s’accompagne du livre d’Igor Golomchtok et d’Alexandre Glezer.15

Anatoli Zverev bénéficie d’une exposition en 1964 à Paris. Certains non officiels (Alexandre Kharitonov, Dimitri Krasnopevtsev, Vladimir Nemoukhine, Dimitri Plavinski, Oskar Rabine, Boris Svechnikov, Vladimir Weisberg, Anatoli Zverev) font partie de l’exposition « Huit peintres de Moscou » organisée à Grenoble en février-mars 1974 par Maurice Besset. Alexandre Glezer crée un Musée de l’Art Russe en exil à Montgeron en 1976 avec deux cent dix œuvres de soixante-dix neuf artistes non officiels.16

D’autres expositions ont lieu à Bochum (1974), Lugano (1970), Zurich (1970/1971), Milan (1977), Lodi (1979), Bellinzone (1979), Turin (1979), Centre Culturel de la Villedieu (1981)…

De nombreuses expositions sont organisées aux Etats-Unis. Le collectionneur N. Dodge organise une première exposition de cinquante travaux pour le congrès de l’Association Américaine pour la Promotion des Etudes Slaves (American Association for the Advancement of Slavic Studies ou AAASS) à Saint-Louis en 1976, puis une plus grande exposition a lieu pour le congrès de l’AAASS de Washington.17 Quelques mois plus tard, une version plus modeste de l’exposition est présentée à l’Université Cornell. Pendant les quinze années qui suivent, N. Dodge organisera une dizaine d’expositions similaires dans des universités. Toute une série d’expositions sont alors montées. Une exposition a lieu à la cathédrale nationale de Washington en 1984, en 1985 une exposition est organisée au Washington Project for the Arts et une autre pour un nouveau congrès de l’AAASS à Washington, une exposition d’art conceptuel a lieu pendant une journée au Centre Kennedy en 1986, une exposition de Komar et Melamid a lieu à la galerie de Ronald Feldman à New York en 1977, où sera aussi exposé Kabakov en 1988. La galerie Firebird (Alexandria, Virginie) organise aussi plusieurs expositions sous la direction de Denis Roach de 1984 à 1988. Un Musée de l’Art Russe Contemporain est crée à Jersey City par Arthur Goldberg et dirigé par Alexandre Glezer (il existe encore de nos jours). Ils y

15 GOLOMCHTOK I. et GLEZER A., Unofficial Art from the Soviet Union. 16 Archives photographiques, Fonds « Musée de Montgeron ».

17 Un catalogue de 120 pages, New Art from the Soviet Union: the Known and the Unknown, est publié à

organisent plusieurs expositions. Un Centre d’Art Russe Contemporain d’Amérique ouvre en 1981 et ferme deux ans plus tard.18

Toutes ces expositions permettent d’exposer ce qui ne peut l’être en U.R.S.S., de donner une plus large audience à ces artistes et de leur faire rencontrer des acheteurs.

Nature morte avec poisson et Pravda, 1968, Oskar Rabine. Cette toile – ou une dont le sujet est analogue – a été exposée à Londres, alors qu’elle avait fait scandale en U.R.S.S. lors de l’exposition de la Chaussée des Enthousiastes19. (18)

Les Occidentaux sont donc d’un grand soutien pour les artistes, ils légitiment leur démarche artistique en achetant leurs œuvres et les exposant et leur permettent aussi d’avoir des conditions de vie décentes en étant leurs principaux acheteurs. Mais la relation que les artistes entretiennent avec l’Occident n’est pas toujours simple.

18 DODGE Norton T., « Notes on collecting nonconformist Soviet art », op. cit., pp. 14-18.

19 « L’exposition à Londres de « l’Art non officiel de l’Union soviétique », organisée par l’Institut d’art

contemporain, devait être inaugurée le 18 janvier 1977[…].

Un merveilleux catalogue avec de nombreuses reproductions en couleurs et en noir et blanc, était prévu. Sacha Gleser me le fit parvenir plus tard à Moscou. C’est ainsi que je pus constater que mon tableau avec les harengs et les morceaux de « Pravda », qui m’avait causé tant d’ennuis à la Chaussée des Enthousiastes, y figurait de même que « Le chien crevé », eau-forte de Plavinski, rejeté par le Gorkom. » RABINE O., op. cit., p. 280

Chapitre 5 – Des difficultés dans le rapport à l’Occident

Les rapports entre les artistes et les Occidentaux peuvent se révéler complexes. Tout d’abord pour les Occidentaux, car bien qu’ils composent la majorité des acheteurs, il sont parfois confrontés à de grandes difficultés pour se procurer des toiles ou pour les faire sortir d’U.R.S.S. Mais aussi pour les artistes, car même si les étrangers achètent et exposent leurs œuvres, ils ne rencontrent pas nécessairement le succès et essuient les critiques de certains.

1.

La difficulté de faire connaître l’art non officiel hors de ses frontières