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3. EXPOSÉ ET PÉDAGOGIES ACTIVES

3.1 Exposé

Selon Béchard (2001), vouloir lier la théorie et la pratique, puis stimuler l’intérêt des étudiants pour qu’ils s’engagent dans les activités pédagogiques sont les principales raisons évoquées par les enseignants ayant recours à l’exposé. Les principaux avantages de l’exposé touchent, pour l’essentiel, la matière à transmettre (Lumpkin, Achen et Dodd, 2015a; Svinicki et McKeachie, 2014). Pour ces auteurs, l’exposé permet de synthétiser la matière et d’insister sur les concepts clés, les principes ou les idées les plus importantes. Svinicki et McKeachie (2014) indiquent qu’il permet aussi de renseigner les étudiants sur les plus récentes avancées de la recherche, parfois absentes des ouvrages de référence utilisés en classe, ou encore de rendre plus

accessibles des contenus d’une plus grande complexité. Ensuite, l’exposé permet d’adapter la matière de manière qu’elle corresponde mieux aux caractéristiques particulières des apprenants ou au contexte particulier de la classe. Pour Langevin (2014), c’est « un moment propice pour conscientiser les étudiants sur les enjeux que comporte le domaine et sur les questions qu’il faut se poser quand on l’aborde » (p. 61). Des études ont aussi souligné que le charisme et l’enthou- siasme de l’enseignant influencent de manière positive la motivation des étudiants (Revell et Wainwright, 2009; Wright, 2005). Par exemple, les talents d’orateur d’un enseignant, son humour ou sa réputation sont des facteurs qui contribuent à rendre ses exposés captivants (Viau, 2014).

Plusieurs reconnaissent toutefois que l’exposé a des limites inhérentes à sa forme, notamment lorsqu’il est question de développer des compétences (Lison et Jutras, 2014; Prégent, Bernard et Kozanitis, 2009). Une limite importante soulevée dans la littérature est qu’il confine habituellement les étudiants dans un rôle d’auditeurs passifs (Langevin, 2014; Lumpkin et al., 2015a) étant donné que le traitement de l’information est principalement réalisé par l’enseignant. En s’inspirant à la fois de modèles théoriques et de recherches empiriques réalisées en enseignement supérieur, plusieurs auteurs recommandent de rendre actifs les étudiants et de favoriser les interactions pour pallier les limites de l’exposé (Daele et Sylvestre, 2013; Duguet et Morlaix, 2018; Kenny, 2012; Langevin, 2014; Prégent et al., 2009; Revell et Wainwright, 2009; Saville et al., 2011; St-Pierre, Bédard et Lefebvre, 2012, 2014; Svinicki et McKeachie, 2014).

Poumay (2014) propose quant à elle six leviers pour améliorer l’apprentissage des étudiants : a) améliorer l’alignement pédagogique entre objectifs, méthodes et évaluations; b) rendre l’étudiant plus actif, de façon à rendre ses apprentissages plus profonds, plus durablement

ancrés et plus transférables; c) augmenter la valeur des activités aux yeux de l’étudiant, notamment en les rapprochant de son futur vécu professionnel; d) augmenter le sentiment de maitrise ou de compétence de l’étudiant; e) donner à l’étudiant davantage de contrôle sur les tâches qu’on lui propose, d’autonomie dans le pilotage de ses apprentissages; f) introduire l’usage des TIC.

À titre d’exemple, des recherches ont montré que les interactions et l’utilisation d’un dispositif technologique dans les cours magistraux augmentaient la participation en classe des étudiants et favorisaient les apprentissages (Crouch et Mazur, 2001; Karamanos, Couturier, Boutin, Mysiorek, Matéos et Berger, 2018; Mayer et al., 2009; Saville et al., 2011; Schwartz et al., 2011; Stowell et Nelson, 2007). Parmi ces chercheurs, Mayer et al. (2009) ont mené une étude quasi expérimentale auprès de 385 étudiants inscrits dans un collège américain en psychologie éducative afin de vérifier si une méthode par questionnement avec utilisation d’un dispositif technologique (télévoteur) permettait d’accroitre les interactions étudiant-formateur et de susciter un engagement cognitif plus grand chez les étudiants dans un cours magistral destiné à un grand auditoire.

Mayer et al. (2009) ont ainsi comparé les résultats obtenus aux examens de mi-semestre et finaux du groupe d’étudiants de 2005 inscrit au cours d’introduction à la psychologie (groupe témoin) avec les résultats du groupe de 2006 inscrit au même cours (groupe avec télévoteur), puis les résultats du groupe de 2007 (groupe sans télévoteur). Dans le cadre de cette étude, les variables relatives au contexte ont été contrôlées, notamment en ce qui concerne l’enseignant, les critères d’admissibilité des étudiants, le contenu de cours, les devoirs, les lectures, ainsi que les questions posées aux groupes de 2006et 2007. Les analyses comparatives ont montré que les étudiants du

groupe ayant utilisé le télévoteur ont obtenu des résultats significativement plus élevés aux examens. Il apparait que les résultats de ce groupe étaient un tiers de point plus élevé que les résultats du groupe identique où des questions ont été posées en classe, mais sans utilisation du télévoteur et du groupe témoin où aucune question n’a été posée. Pour les chercheurs, ces résultats peuvent s’expliquer par le fait que l’utilisation du dispositif technologique était plus efficace que la logistique du questionnement qui a été réalisé à l’aide de papier. Dans le groupe ayant utilisé le télévoteur, l’enseignant pouvait facilement interrompre l’exposé pour poser des questions et les réponses étaient enregistrées automatiquement. L’attention des étudiants était ainsi maintenue tout au long de l’exposé. Dans le groupe sans télévoteur, la distribution de feuilles réponses a été nécesssaire, de même que la collecte des réponses a été réalisée manuellement. Cette logistique a nécessité considérablement de temps, perturbant d’une certaine manière l’exposé.

Dans l’ensemble, ces résultats indiquent qu’une méthode d’enseignement basée sur le questionnement et supportée par la technologie permet de favoriser l’engagement cognitif des étudiants et, par conséquent, d’améliorer leurs résultats aux examens. Gaussel et Reverdy (2013) expliquent que le questionnement donne de meilleurs résultats qu’un apprentissage par cœur considérant que l’effort conscient de récupérations de l’information dans la mémoire a un effet mnémonique. Il serait plus efficace que les lectures successives et les répétitions orales.

Une autre limite de l’exposé soulevée dans la littérature est que pendant l’exposé, l’ensei- gnant peut difficilement déceler si les étudiants comprennent réellement la matière qui est enseignée ni s’ils en retiennent l’essentiel (Langevin, 2014). À cet égard, des chercheurs se sont intéressés au traitement de l’information en classe. Par exemple, Biggs (2012) a mené un certain

nombre d’études et d’observations qui l’ont conduit à postuler qu’une relation existe entre le degré d’engagement que nécessite une activité d’apprentissage et la manière d’apprendre des étudiants. Le chercheur a observé que certains étudiants traitent l’information telle qu’elle est présentée, ils notent presque mot à mot les informations qui leur sont transmises et tentent de les mémoriser par cœur. Cette façon de faire est décrite dans la littérature comme « un traitement en surface » (Svinicki et McKeachie, 2014). D’autres étudiants, contrairement aux premiers, établissent des liens logiques entre les informations transmises, les relient à leurs expériences personnelles, à leurs lectures et à leurs questionnements, et tentent de comprendre davantage le propos. Cette approche est décrite comme « un traitement en profondeur ». Aujourd’hui, la population étudiante est très diversifiée. Alors que certains étudiants performent et adoptent une approche en profondeur, d’autres font face à des difficultés importantes. Selon Biggs (2012), le choix des pédagogies par l’enseignant permet alors d’influencer la manière que les étudiants se mettent en action et, par le fait même, permet de réduire l’écart entre ces derniers.

À cet égard, des chercheurs ont proposé une nouvelle forme d’exposé en invitant les étudiants à réaliser des activités qui les font s’engager plus activement que la simple lecture, l’écoute et la prise de notes. Les méthodes peer instruction (Crouch et Mazur, 2001), interteaching

(Saville et al., 2011) et « l’étude préalable de cas contrastants »6 (Schwartz et al., 2011) ont en

commun d’amener les étudiants à utiliser des stratégies d’apprentissage plus efficaces. Schwartz et al. (2011) ont observé au cours d’une série de recherches expérimentales que les apprenants qui avaient fait l’expérience de problèmes à résoudre et des questions en lien avec la matière réalisaient des apprentissages significatifs pendant un exposé. Les résultats de leurs recherches, réalisées auprès de 320 étudiants, ont montré que l’étude préalable de cas contrastants permet à l’étudiant de développer une structure de connaissances avant un exposé. L’étudiant tire ainsi profit de l’exposé considérant que les nouvelles informations se greffent plus facilement à la structure de connaissances déjà en place.

Bien que l’exposé soit encore largement répandu en enseignement supérieur comme le seul mode d’enseignement, il est possible de constater depuis quelques décennies une émergence d’innovations pédagogiques, donnant lieu à des écrits plus nombreux et plus diversifiés. Nous avons donc exploré cette littérature et présentons à la section suivante les caractéristiques d’une pédagogie dite active.

6 L’étude préalable de cas contrastants consiste à faire étudier préalablement à la séance de cours des cas qui se distinguent, avant de présenter en classe un exposé au cours duquel les principes sous-jacents aux cas sont expliqués. Les cas sont élaborés de manière à mettre en évidence les ressemblances et les différences significatives entre des situations problèmes d’une même famille de situations. La méthode privilégie une approche inductive puisque les étudiants proposent des hypothèses pour expliquer les différences.