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Exploration phénotypique des hypertriglycéridémies sévères

2. DYSLIPIDEMIES MONOGENIQUES DES LIPOPROTEINES CONTENANT DE L'APOB

2.1. Hypertriglycéridémie sévère

2.1.4. Exploration phénotypique des hypertriglycéridémies sévères

La LPL et sa régulation ont une place centrale dans le métabolisme des LRTG et

donc dans la physiopathologie des HTG sévères. Par conséquent, l’évaluation de la

fonctionnalité de la LPL reste primordiale dans l’exploration phénotypique des HTG afin

de décrypter les mécanismes complexes impliqués. L'évaluation ex vivo de la lipolyse des

TG dépendante de l'activité LPL est difficile à quantifier. Un dosage direct de l'activité

catalytique de l'enzyme est nécessaire, avec neutralisation simultanée de l’activité des

autres lipases plasmatiques. La détermination de l'activité de l'enzyme est préférable à

la détermination de la concentration de la protéine, étant donné la présence de formes

inactives (325). En outre, l'expression du gène LPL est peu informative en raison de

régulations post-transcriptionnelles majeures (326).

L'essentiel de la LPL est lié à l'endothélium vasculaire, une injection d’héparine

(10-50 UI/kg) est donc nécessaire pour libérer la LPL des HSPG de la paroi vasculaire et

ainsi pouvoir mesurer son activité sur des prélèvements de sang périphérique. Le pic

d’activité est mesuré 10 à 15 minutes après l’injection d’héparine (75,327–329).

Certaines études utilisent également l’activité pré-héparinique, cependant, celle-ci est

20 à 100 fois plus faible que l’activité post-héparinique, posant le problème de la

sensibilité des techniques (330). L’injection d’héparine entraîne un relargage de la LPL,

mais aussi de la lipase hépatique. Ainsi, il est nécessaire d’utiliser des techniques

permettant de mesurer sélectivement ces deux lipases (75,331).

Malgré des décennies d’utilisation et d’amélioration technique, la détermination

de l’activité LPL est délicate et reste peu repandue dans les laboratoires. Les méthodes

utilisant des émulsions de TG commerciaux comme substrat ont été mises en difficulté

par : 1/ une concentration en acides gras libres pouvant être élevée à l'état basal chez

les patients présentant une HTG sévère ; 2/par un manque de spécificité due à la

présence de mono et diglycérides (327,332). Publiée par Nilsson-Ehle et al. en 1972,

l'utilisation d'un substrat trioléine avec incorporation de traceurs radioactifs (

3

H),

émulsionné par ultrasons dans des conditions strictement contrôlées, fut une

amélioration majeure (333). Cependant, ces essais étaient chronophages et

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nécessitaient d’être réalisés en triple pour diminuer l'erreur intra-essai avec une

variabilité majeure selon le lot d’émulsion (325,334). La plupart des méthodes actuelles

utilisent des substrats radiomarqués (

3

H ou

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C) et ne peuvent pas être automatisées.

Certains chromophores (335,336) ou substrats fluorescents (337) ont été utilisés,

cependant la préparation de ces substrats est délicate, les dérivés instables et ces

techniques peuvent manquer de sensibilité. Basu et al. ont utilisé un substrat fluorescent

commercialisé (EnzChek®), estérifié par BODIPY-C12 sur la position 1 du glycérol,

stable et solubilisé avec un détergent spécifique (Zwittergent®). Malheureusement,

cette méthode n'a pas été testée pour l’activité post-héparinique plasmatique chez

l’homme (325). Plus récemment, notre équipe a publié une méthode utilisant comme

substrat un pool de VLDL humaines permettant de s’affranchir de l’utilisation

d’émulsion avec traceurs radioactifs (149). Cette méthode présente des performances

analytiques satisfaisantes notamment en termes de reproductibilité (fidélité

intermédiaire CV ≈ 7%) et de spécificité (aucun variant délétère bi-allélique n’a été

trouvé chez les patients présentant une activité supérieure au seuil de 10 µmol/L/min).

S’appuyant sur l’association de la LPL aux lipoprotéines dans la circulation (338–

340), Pruneta et al. ont décrit une nouvelle technique d’évaluation de l’activité LPL ne

nécessitant pas d’injection d’héparine, déterminant directement l’hydrolyse des TG des

VLDL par la LPL liée aux VLDL (VLDL-bound LPL-dependent VLDL-TG hydrolysis, LVTH)

(331,341). Cette étude a montré que l’activité LVTH présentait une relation inverse avec

la concentration plasmatique en TG ainsi qu’une corrélation positive avec l’activité

lipolytique post-héparinique et avec le catabolisme des VLDL marquées par un isotope

stable. Malgré les avantages présentés par cette technique, aucune étude récente n’a

réutilisé cette méthode, probablement pour des difficultés de reproductibilité de la

technique (données non publiées), liées aux conditions draconiennes de réalisation de la

FPLC et des difficultés techniques liées à la concentration des échantillons.

La détermination de la concentration LPL utilise des techniques ELISA

(enzyme-linked immunosorbent assay). Les premières techniques publiées étaient des ELISA

sandwich « maison » (342–344). Les premiers antigènes utilisés pour le développement

des anticorps furent des protéines natives, provenant de plasma post-héparinique, du

lait, de tissu cardiaque ou adipeux de différentes espèces. La production d’anticorps

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était très laborieuse, notamment pour obtenir une quantité suffisante d’antigène. De

plus, comme les épitopes reconnus par ces anticorps n’étaient pas caractérisés, la

spécificité des techniques n’était pas toujours optimale (338,342,345). Dans les années

1990, plusieurs équipes ont travaillé à l’amélioration des performances analytiques de

ces techniques, soit par amélioration des anticorps utilisés comme Kawamura et al.

(346), soit par simplification des procédures techniques et amélioration de la fiabilité

(347). A ce jour, plusieurs kits commerciaux ELISA sont disponibles pour la

détermination de la concentration de LPL (CUSABIO, Houston, TX, USA ; ALPCO, Salem,

NH, USA ; CellBiolabs, San Diego, CA, USA).

La détermination de la concentration sérique en LPL a été étudiée chez les

patients FCS dès l’apparition d’ELISA suffisamment sensible pour détecter des

concentrations pré-hépariniques (348,349). Auwerx et al ont étudié 23 patients FCS

présentant une nette diminution de l’activité LPL : chez seulement 11 d’entre eux la

concentration pré-héparinique était indosable ou très faible, permettant de

diagnostiquer un déficit en LPL sans injection d’héparine (348). Ainsi, une concentration

de LPL masse dans les valeurs de référence ne permet pas d’exclure un déficit en LPL

consécutif à un variant faux-sens. L’étude de Kern et al. montre une faible différence de

concentration entre les patients FCS et les sujets témoins (3,8 – 8,3 ng/mL versus 8-25

ng/mL) (349). Ces limites expliquent probablement que la détermination de la

concentration pré-héparinique en LPL ne soit pas utilisée en diagnostic de routine ou

dans les études récentes de description de cohorte (301), bien qu’elle puisse offrir une

première orientation dans les cas de contre-indication à l’héparine, notamment lors de

diagnostic pédiatrique ou chez la femme enceinte.

2.1.4.2. Détection d’auto-anticorps

Actuellement, la détection d’auto-anticorps anti-LPL fait appel à des techniques

« maison ». La plus utilisée est le Western blot, réalisé à l’aide de LPL purifiée à partir de

plasma post-héparinique ou de LPL bovine (312,315,350). Il est également possible de

détecter les immunogloguline G anti-LPL par technique ELISA, cependant une

confirmation par Western blot est nécessaire en cas de positivité (313).

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Les auto-anticorps anti GPIHBP1 et ApoC-II ont été décrits chacun par une seule

équipe (316–318). A l’heure actuelle, le développement de ces techniques n’a pas été

reproduit par d’autres équipes en raison de la difficulté de mise au point de ces

techniques et de la rareté des cas.

2.1.4.3. Dosages des protéines régulatrices

Seul le dosage des apolipoprotéines C est facilement disponible pour l’exploration

phénotypique des HTG puisqu’il existe des kits de dosage par immunoturbidimétrie

adaptables sur analyseur multiparamétrique de biochimie (351,352). L’ApoC-II est

indosable dans la majorité des cas de déficits familiaux en ApoC-II. Cependant, il existe

un certain nombre de cas atypiques de déficit en ApoC-II présentant une concentration

d’ApoC-II circulant nettement réduite, mais détectable (75,169). D’autre part, certaines

études ont décrit une diminution du ratio ApoC-II/ApoC-III associée à une augmentation

des TG-VLDL et ont proposé qu’elle contribuait à une diminution de l’activité de la LPL

(353,354).

Concernant les autres protéines régulatrices, des kits ELISA ont été développés

pour la majorité de ces protéines (LMF1, GPIHBP1, ANGPTL3 et 4, ApoA-V), mais leur

intérêt en diagnostic clinique reste à évaluer (355–358).