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3.2.2.4. Exploitation du réseau créé par l’auto-imagerie dans une fibre multimode

Chapitre I. Les effets non linéaires dans les fibres optiques multimodales

I. 3.2.2.4. Exploitation du réseau créé par l’auto-imagerie dans une fibre multimode

Krupa et al. ont montré l’existence du phénomène d’autonettoyage par effet Kerr. Ils ont interprété ce phénomène comme étant principalement dû à de complexes interactions entre modes couplés par mélange à quatre ondes dont les conditions d’accord de phase sont facilitées par l’effet d’auto-imagerie dans la fibre (Krupa, Tonello, Shalaby, Fabert, Barthélémy, et al. 2017). Cet effet qui a lieu spontanément dans les fibres à gradient conduit à une reproduction du profil transverse du champ à intervalle régulier au cours de la propagation. La période Λ de l’auto-imagerie est dépendante des paramètres géométriques de la fibre. Elle s’établie à partir de l’équation 𝐼. 3 et est donnée par l’équation 𝐼. 27.

Λ = 𝜋

│𝛽(ℎ+1)− 𝛽(ℎ)= 𝜋𝑟𝑐

√2Δ 𝐸𝑞 𝐼. 27

Dans le cas d’une fibre à gradient d’indice parabolique avec un cœur d’une cinquantaine de micromètres de diamètre, cette période est submillimétrique. Bien que

l’auto-imagerie dans les fibres multimodales soit globalement admise, il est difficile de montrer expérimentalement son existence. Ce problème a été contourné en utilisant des impulsions ultracourtes avec des puissances crêtes très élevées. Au cours de la propagation, l’encombrement spatial transverse du faisceau évolue périodiquement provoquant localement l’apparition de densités de puissance pouvant être très importantes. Une des conséquences est la génération paramétrique de nouvelles longueurs d’onde à la seconde harmonique due au fort confinement du champ optique, mais également l’émission de photoluminescence due à la présence de défauts dans la matrice de silice de la fibre. L’émission de fluorescence étant omnidirectionnelle, il est possible de l’observer à l’œil nu à travers la gaine de la fibre comme l’illustre la Figure I.26(a).

Figure I.26 : (a) Mise en évidence expérimentale de l’auto-imagerie dans une fibre à gradient d’indice par génération paramétrique dont le spectre est présenté en (b) (Krupa, Tonello, et al. 2019).

La variation périodique de l’intensité entraîne une variation périodique de l’indice de réfraction induite par l’effet Kerr. Cette modulation périodique de l’indice de réfraction n’est pas sans rappeler l’évolution de l’indice de réfraction dans les réseaux de Bragg à longue période. Ce type de réseau, souvent induit de manière définitive par rayonnement ultra-violet (Vengsarkar et al. 1996) ou en utilisant des impulsions femtosecondes (Kondo et al. 1999), provoque des échanges d’énergie entre des modes ou réalise des filtres spectraux en modifiant la période du réseau. Hellwig et al. (Hellwig et al. 2014) ont déjà montré qu’il est possible de transférer de l’énergie du mode fondamental vers le mode 𝐿𝑃02 en induisant une modification périodique de l’indice de réfraction à l’aide de l’effet Kerr.

Dans le cas des fibres fortement multimodales, la présence de nombreux modes provoque l’inscription d’un réseau complexe dû aux battements entre les modes. Pour que le mode fondamental soit couplé par le biais du réseau il est nécessaire qu’ils respectent la condition suivante (équation 𝐼. 28).

𝛽(1)− 𝛽(ℎ)= −2𝜋𝑝

Λ 𝐸𝑞 𝐼. 28

Dans cette équation, 𝛽(1) est la constante de propagation du mode fondamental et 𝛽(ℎ) la constante de propagation d’un mode appartenant au groupe ℎ. Enfin, 𝑝 est un entier qui peut être relié aux harmoniques du réseau. Comme je l’ai montré dans la partie précédente, les constantes de propagation des modes des fibres de type GRIN sont régulièrement espacés (équation 𝐼. 3). En injectant cette équation dans l’équation précédente, il apparaît que la condition du réseau de Bragg est respectée, permettant ainsi le couplage entre modes. Ce couplage non linéaire induit par l’espacement régulier des constantes de propagation est schématisé sur la Figure I.27 ci-après où les flèches représentent les constantes de propagation des groupes de modes.

Figure I.27 : Représentation schématique des couplages non linéaires entre modes de groupes différents facilités par l’espacement régulier de leur constante de propagation. La flèche bleue

représente la contribution de l’automodulation de phase sur le mode fondamental.

Cet espacement régulier se répercute également sur la condition d’accord de phase du mélange à quatre ondes comme le montrent les équations 𝐼. 29 et 𝐼. 30. L’efficacité des échanges d’énergie est directement liée à l’intégrale de recouvrement intermodale. Le fait que le mode fondamental soit le mode présentant le meilleur recouvrement avec les autres modes des fibres à gradient d’indice parabolique induit que l’énergie est principalement transférée vers ce mode plutôt que vers les autres.

Δ𝛽 = 𝛽(ℎ)− 𝛽(ℎ+1)+ 𝛽(ℎ+3)− 𝛽(ℎ+2) 𝐸𝑞 𝐼. 29 Δ𝛽 = 𝛽(ℎ)− (𝛽(ℎ)− (ℎ + 1)√2Δ 𝑟𝑐 ) + (𝛽(ℎ)− (ℎ + 3)√2Δ 𝑟𝑐 ) − (𝛽(ℎ)− (ℎ + 2) √2Δ 𝑟𝑐 ) = 0 𝐸𝑞 𝐼. 30

L’étude numérique montrée dans le Suplementary Material de la référence (Krupa, Tonello, Shalaby, Fabert, Barthélémy, et al. 2017) met en évidence, à forte puissance, le gain en puissance sur le mode fondamental au détriment des autres modes comme l’illustre la Figure I.28. Le fait que ce transfert ne soit pas réversible au cours de la propagation est

provoqué par un découplage du mode fondamental par l’automodulation de phase, plus importante sur le mode fondamental que sur les autres (flèche bleue sur la Figure I.27). Cette phase non linéaire acquise va rompre l’accord de phase nécessaire au mélange à quatre ondes et donc l’échange d’énergie.

Figure I.28 : Illustration numérique du gain en énergie du mode fondamental à basse intensité (courbes bleues) et à forte intensité (courbes rouges) sur la base des modes d’Hermite-Gauss. (a, b,

e, f) Évolution au cours de la propagation de la proportion d’énergie portée respectivement par les modes HG00, HG20, HG22 et HG40.

Décomposition modale en sortie de fibre en régime de propagation (c) linéaire et (d) non linéaire avec le profil intensimétrique de sortie (g) à basse puissance et (h) à forte puissance (Krupa, Tonello,

Shalaby, Fabert, Barthélémy, et al. 2017).

La création d’un réseau d’indice à longue période par le phénomène d’auto-imagerie dans les fibres à gradient d’indice permet donc d’augmenter l’efficacité de couplage entre les modes dans un régime de propagation non linéaire. Cela donne lieu à des dynamiques particulières comme l’auto-nettoyage par effet Kerr qui peut alors être apparenté au phénomène de condensation.

Conclusion

Les travaux qui seront présentés dans ce manuscrit portent sur la gestion d’effets non linéaires à travers une fibre optique multimodale à gradient d’indice parabolique. J’ai donc souhaité rappeler dans la première partie de ce chapitre certaines notions générales sur les fibres optiques et leurs modes de même que sur les aspects de dispersion intermodale et chromatique.

Dans une seconde partie, j’ai décrit les principaux effets induits par la susceptibilité non linéaire du troisième ordre tel que l’effet Kerr optique à l’origine de l’automodulation de phase et de la modulation de phase croisée. J’ai également abordé les effets non linéaires à réponse inélastique et générant de nouvelles fréquences. Enfin, j’ai discuté de l’influence qu’apporte la dynamique multimodale des fibres sur les interactions non linéaires.

La dernière partie de ce chapitre a porté sur les phénomènes de nettoyage de faisceaux par non-linéarités dans les fibres multimodales à gradient d’indice parabolique. Les applications pour de telles fibres sont nombreuses, comme le déport de puissance tout en préservant une bonne qualité spatiale de faisceau en sortie de fibre. La diffusion Raman stimulée a d’abord été considérée car simple à mettre en œuvre. Le principal inconvénient de cette technique est le décalage en fréquence du faisceau nettoyé. Les travaux que je présenterai dans les troisième et quatrième chapitres porteront essentiellement sur l’autonettoyage par effet Kerr. Celui-ci, récemment découvert, transfère une large partie de l’énergie propagée par les différents modes excités, vers le mode fondamental et sans conversion de fréquence. Je me suis appliqué à décrire les différentes théories proposées par la communauté scientifique ces dernières années. Nombre d’entre elles s’accordent à dire que le phénomène d’auto-imagerie, qui a lieu dans les fibres à gradient d’indice parabolique, joue un rôle important dans l’apparition du processus d’autonettoyage par effet Kerr. Le transfert de l’énergie sur le mode fondamental est imputé aux échanges intermodaux induits par la présence de non-linéarités lors de la propagation. Le fait que ce transfert d’énergie soit irréversible est la principale source de débat. Cela peut être dû aux instabilités du système dans le cas de l’attracteur universel, au phénomène de thermalisation du système optique par le biais de la condensation ou enfin par l’auto-modulation de phase du mode fondamental qui vient découpler le mode fondamental des autres modes échangeant de l’énergie par le biais du réseau à longue période photo-inscrit par l’association de l’auto-imagerie et de l’effet Kerr.

Chapitre II. Pré-compensation de front d’onde pour une propagation