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II.3 Nécessité de la présence d'oxygène lors du recuit de thermomigration

II.3.2 Explication du phénomène de gravure thermique et suppression

Suite à nos observations, nous avons entrepris une recherche bibliographique sur le sujet de la pollution de type SiOx lors de recuits à haute température. Nous avons ainsi abouti aux travaux de Smith et Ghidini [16] qui explicitent le phénomène mis en évidence lors de nos essais. En effet, la réaction entre le silicium et l'oxygène peut donner deux produits de réaction suivant les conditions expérimentales. Au dessus d'une certaine pression partielle limite d'oxygène dépendante de la température, la réaction conduit à la formation du dioxyde de silicium SiO2 : ) ( 2 ) ( 2 ) (s O g SiO s Si + → (77)

où les suffixes (s) et (g) désignent respectivement la phase solide et gazeuse. Ce composé, bien connu en microélectronique, est un composé solide qui adhère à la surface du silicium. Ce régime de réaction est appelé oxydation "passive", dans le sens où la couche ainsi formée protège le silicium du milieu extérieur, on parle alors de couche de passivation.

Par contre, si on se place à une pression d'oxygène inférieure à la pression partielle limite déjà évoquée, il y a formation de monoxyde de silicium SiO, voir relation (78), qui est un composé non adhérent à la surface du silicium, volatil et de couleur jaunâtre. On est alors

Energie (keV) Analyse quantitative

Zone d'analyse

en régime dit d'oxydation "active", que l'on peut assimiler à une gravure "thermique" du silicium. ) ( ) ( 2 ) ( 2 2Sis +O g → SiOg (78)

La pression partielle limite Pc(T) a été obtenue en considérant la cinétique de croissance de clusters de SiO2 et la thermodynamique de la réaction de gravure menant à la production de SiO [16]. Elle s'exprime sous la forme suivante :

      − = kT E P T Pc( ) 0exp a (79)

où P0 est un terme pré-exponentiel, Ea l'énergie d'activation du phénomène, T la température absolue et k la constante de Boltzmann. Il a été montré que les paramètres P0 et Ea dépendent de l'orientation cristalline du substrat, P0 = 4.4 1012 Torr et Ea = 3.93 eV pour le plan (111), P0 = 2 1012 Torr et Ea = 3.83 eV pour le plan (100). Les courbes de la figure 77 représentent la pression Pc en fonction de la température en °C et ce, pour les deux orientations considérées. Les valeurs de paramètres Ea et P0 ont été déterminées pour une température comprise entre 890 °C et 1150 °C [16]. Nous avons extrapolé la relation jusqu'à la température de fusion du silicium (1414 °C).

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 900 1000 1100 1200 1300 1400 Température (°C) Pc ( T o rr ) plan (111) plan (100)

Figure 77 : Pression limite entre l'oxydation passive et active en fonction de la température L'écart entre les deux orientations est inférieure à 10 % entre 1000 °C et 1414 °C. Pour les températures de notre étude expérimentale, la pression limite évolue entre 0.05 Torr à 1150 °C et 2.8 Torr à 1350 °C. Les essais effectués pour notre étude de la pollution ont été faits à une température de l'ordre de 1300 °C. La pression limite est alors de l'ordre de 1 Torr.

Le modèle ci-dessus décrit de manière remarquable les phénomènes que nous avons observés. Pour le vérifier définitivement, il suffit d'introduire dans la chambre de recuit une quantité d'oxygène supérieure à la pression limite Pc pour se débarrasser de la pollution due à

Domaine du SiO2

Domaine du SiO

la formation de SiO. Dans un premier temps, en l'absence de débitmètres massiques permettant de contrôler précisément les débits de gaz, nous avons voulu vérifier qualitativement le modèle ci-dessus en enlevant le joint d'étanchéité et en entrouvrant la porte du four, de façon à faire rentrer de l'air (et donc de l'oxygène) dans la chambre. Il est clair que, dans ce cas, la pression partielle d'oxygène est supérieure à la pression limite à la température de recuit (de l'ordre de 1 Torr).

Lors du recuit, il n'y a pas eu formation du composé jaunâtre ; à la place, nous avons observé une coloration violette de la plaquette de silicium en incidence normale, coloration qui correspond à la croissance d'une couche de SiO2 d'épaisseur 1000 Å environ. De plus, une analyse EDX a bien confirmé la présence d'oxygène à forte concentration à la surface du silicium. Enfin, l'état de surface obtenu après recuit est identique (à la couleur près) à celui avant recuit ; l'aspect "poli miroir" est conservé. Il n'y a pas eu gravure de silicium pour la formation de SiO.

L'installation de débitmètres massiques sur l'équipement a permis de contrôler le rapport oxygène / azote de façon à se rapprocher de la pression partielle limite d'oxygène de non-pollution. Nous avons ainsi pu mettre en évidence de manière contrôlée la transition oxydation active / oxydation passive pour une température de recuit donnée. Dans notre essai, la pression limite est comprise entre 0.8 Torr (formation de SiO) et 1.5 Torr (croissance de SiO2). En reliant chacune des pressions à la température donnée par la courbe de la figure 77, il est alors possible de donner un encadrement de la température du procédé (ici comprise entre 1280 °C et 1315 °C).

Le modèle de Smith et Ghidini est donc très bien vérifié, au moins de manière qualitative. La détermination d'un procédé "sûr" (i.e. sans pollution SiO) se fera donc en prenant la pression limite à la température de procédé supposé et en y appliquant une certaine marge de sécurité pour tenir compte de l'incertitude sur la pression (50 % par exemple). Nous verrons plus tard (voir partie II.4) qu'il est indispensable de se placer au plus près de la pression limite pour limiter l'influence de l'oxygène sur le procédé en lui-même (morphologie du chemin dopé, épaisseur des couches aluminées). Cette contrainte exige donc que l'atmosphère de recuit soit bien maîtrisée, par une très bonne étanchéité de la chambre et un contrôle des débits de gaz par débitmètres massiques. L'utilisation d'un four de type RTP à faible volume permet de remplir ces conditions sans difficulté particulière (voir chapitre III).

Revenons maintenant sur l'état de surface obtenu lors de nos essais. Les photographies de la figure 78 montrent la différence d'aspect de surface après recuit entre les conditions d'oxydation "passive" et "active".

Les deux faces de la plaquette ont gardé un aspect poli miroir dans le cas de l'oxydation passive. En ce qui concerne l'oxydation active, les photographies montrent un aspect très perturbé de la plaquette avec une non-uniformité spatiale de gravure. La surface de silicium à proximité des lignes d'aluminium a été gravée entièrement alors qu'au centre du motif, on ne distingue que quelques creux de gravure, dont le détail est montré sur la photographie MEB.

Cette non-uniformité nous donne des informations sur la manière dont se fait la gravure thermique du silicium. Pendant le recuit, la ligne d'aluminium constitue vraisemblablement un point chaud, la température est plus importante à sa proximité qu'au centre du motif carré. A une pression partielle d'oxygène donnée (ce qui est le cas ici), le

phénomène de gravure thermique est plus important pour une température plus élevée. Ceci explique donc que la totalité de la surface à proximité du point chaud (la ligne) soit gravée alors que seuls quelques points de gravure apparaissent dans les zones moins chaudes. Le mécanisme de gravure semble donc le suivant : celle-ci est initiée en certains points de la surface correspondant vraisemblablement à des défauts ponctuels de surface, sites énérgétiquement favorables pour l'attaque du silicium par l'oxygène. Ensuite, la gravure s'étend à partir de ces points jusqu'à ce qu'ils se rejoignent et que la gravure affecte toute la surface disponible. Le phénomène de gravure thermique a parfois lieu sans qu'une pollution SiO notable ne soit détectée dans la chambre. Dans ce cas, cela signifie que l'on est juste en-dessous de la pression limite. La pollution est donc très faible et n'est pas détectée. Le seul critère de pollution n'est pas suffisant pour dire si le recuit est sûr. En effet, la répétition de ce type de recuit conduirait à l'accumulation de SiO et donc à son influence néfaste. Une telle situation doit donc être évitée. Le critère de non-gravure thermique permet alors d'éviter ce cas de figure, car il nous assure que nous sommes bien au-dessus de la pression limite.

Formation de SiO2 Gravure thermique

Figure 78 : Comparaison des états de surface entre oxydation SiO2 et gravure thermique avec formation de SiO

Le modèle exposé par Smith et Ghidini traite de la formation de SiO à partir de silicium solide seul. Or, nous avons vu que le SiO peut aussi se former à partir du silicium liquide présent dans l'alliage à son émergence à la face de sortie. Dans ce cas, nous le verrons en détail un peu plus tard (partie II.5.1), l'oxygène réagit avec l'aluminium de manière préférentielle pour former une couche d'alumine imperméable. L'oxygène ne peut donc plus venir au contact du liquide pour former du SiO. Nous pourrions supposer que le produit de la réaction donne du SiO2 mais il est probable que ce ne serait pas pour les mêmes pressions et

Face d'entrée

Motif aluminium initial

Photo MEB Emergence du motif Face de sortie Silicium Silicium Face d'entrée 100 µm

aucun élément n'est disponible dans la littérature à ce sujet. La formation d'alumine permet donc, pour le moment, de faire l'économie d'un modèle de réaction pour le liquide.

De plus, la présence d'une couche d'alumine permet d'éviter l'évaporation de l'aluminium au début du recuit. L'analyse EDX a, en effet, montré la présence d'aluminium, dans le dépôt de SiO, cet aluminium ne peut venir que d'une évaporation à partir de l'alliage liquide au début ou à la fin du recuit. Nous reviendrons sur ce point de façon détaillée dans la partie II.5.3.

En conclusion de cette partie, l'introduction volontaire d'oxygène permet la suppression du composé volatil SiO et la conservation de l'intégrité de la surface de la plaquette. Le recuit de thermomigration se fera donc nécessairement en atmosphère oxydante. Ces résultats vont conditionner de manière très importante la suite de nos travaux. En effet, la présence d'oxygène induit la croissance d'une couche d'alumine permettant d'éviter l'évaporation de l'aluminium en début et en fin de procédé. Cet aspect positif est à nuancer car il faudra trouver un moyen pour enlever ces couches de façon à pouvoir graver la couche solidifiée riche en aluminium sur la face de sortie. De même, nous verrons dans les parties suivantes que l'utilisation d'oxygène a une influence importante sur la morphologie du chemin dopé dans le plan de la plaquette ainsi que sur la génération de billes à la face d'entrée.

Enfin, nous pouvons revenir sur la difficulté que nous avons eu à identifier les causes de la pollution observée. Les recuits mis en jeu dans les technologies dites classiques (typiquement pour les circuits intégrés à haute densité) se font à des températures inférieures à 1200 °C. Pour cette température, la pression partielle limite d'oxygène est de l'ordre de 0.16 Torr. Les recuits se font généralement dans des fours horizontaux ou verticaux dont l'atmosphère n'est pas aussi bien contrôlée que dans un four RTP. Même si on utilise un seul gaz neutre comme l'azote ou l'argon, les impuretés d'oxygène provenant soit du gaz, soit de l'atmosphère extérieure, sont alors en quantité suffisante pour que la pression limite soit atteinte. Le phénomène de formation de SiO n'est donc pas observé. Nous avons mis en évidence ce problème car nous travaillons à de très hautes températures où la pression limite est élevée (maximum 7 Torr à 1410 °C) et dans un équipement RTP à faible volume peu sujet à la contamination extérieure.

De manière étrange, le phénomène est très peu répertorié dans la littérature sur la thermomigration, même quand les recuits se font à très haute température et à pression atmosphérique [1, 2]. Une seule publication, celle de ATT [4], évoque le problème et sa solution de manière très succincte (deux lignes), sans discuter de ses conséquences sur le procédé.