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L’explication classique de l’effet de cadrage lorsque les sujets doivent choisir entre des alternatives risqu´ees est associ´ee ` a la Prospect Theory de Kahneman et

Dans le document Incertitude en économie de l'environnement (Page 30-33)

Tversky. Selon cette th´eorie, l’utilit´e d’une alternative a trois attributs majeurs :

– ce qui compte n’est pas la “valeur absolue” de la cons´equence, mais sa valeur

relative, mesur´ee par rapport `a un point de r´ef´erence, qui sert `a identifier

ce qui est per¸cu comme gains et ce qui est per¸cu comme pertes (le point de

r´ef´erence ´etant “neutre”),

– la fonction d’utilit´e est concave dans le domaine des gains et convexe dans

le domaine des pertes,

– la pente de la fonction d’utilit´e est plus forte dans le domaine des pertes que

dans le domaine des gains.

L’effet de cadrage est alors expliqu´e ainsi : la description des alternatives

mo-difie le point de r´ef´erence de telle mani`ere que la classification en termes de gains

et de pertes est affect´ee, ce qui conduit `a une diff´erence dans l’attitude vis-`a-vis du

risque. Les sujets se comportent comme des adversaires du risque pour les gains,

tandis qu’ils ont du goˆut pour le risque dans le domaine des pertes.

Deux critiques peuvent ˆetre formul´ees `a l’´egard de cette th´eorie. En premier

lieu, la notion de point de r´ef´erence n’est pas totalement claire d’un point de vue

th´eorique : il semble raisonnable de penser qu’il d´epend des caract´eristiques du

probl`eme mais aussi des pr´ef´erences de chacun. Supposer que le point de r´ef´erence

est exog`ene et le mˆeme pour tout le monde semble alors extrˆemement r´educteur.

Mais s’il d´epend des pr´ef´erences, alors il conviendrait d’endog´en´eiser, du moins

par-tiellement, la d´etermination de ce point de r´ef´erence. En second lieu, la Prospect

Theory tente de “rationaliser” un ph´enom`ene qui repose apparemment sur

l’inca-pacit´e des sujets `a percevoir comme identique deux choix logiquement ´equivalents

mais d´ecrits diff´eremment. Une mod´elisation explicite de ces deux ph´enom`enes

semble possible, vers laquelle nous nous tournons maintenant.

4.1.2 Une mod´elisation en termes de pr´ef´erences incompl`etes

Une mod´elisation alternative d´evelopp´ee par Giraud (2005) permet

d’expli-quer l’apparition d’effets de cadrage comme cons´equence d’une hypoth`ese plus

fondamentale, `a savoir la possible incompl´etude des pr´ef´erences. Plus pr´ecis´ement,

consid´erons une relation de pr´ef´erences “invariante” en ce sens qu’elle repr´esente un

classement des alternatives invariant `a leur description. Cette relation de pr´ef´erences

est incompl`ete d`es lors qu’il existe un effet de cadrage, puisque dans ce cas, deux

alternatives seront class´ees diff´eremment selon la description qui en est faite. Dans

ce dernier cas, puisqu’il n’y a pas unanimit´e des pr´ef´erences sur le classement

des alternatives en question, il n’est pas possible de donner un ordre complet sur

celles-ci.

Giraud (2005) axiomatise la repr´esentation suivante des pr´ef´erences. En

repre-nant les notations introduites dans la section 2.1.2, S est l’espace des ´etats du

monde etdune d´ecision, qui sp´ecifie une cons´equenced(s) dans chaque ´etat.

Sup-posons qu’une distribution de probabilit´es soit donn´ee surS. Un d´ecideur pr´ef`erera

la d´ecision d `a la d´ecisiond

0

si et seulement si

a(d) min

u∈U

P

s∈S

p(s)u(d(s)) + (1−a(d)) max

u∈U

P

s∈S

p(s)u(d(s))

a(d

0

) min

u∈U

P

s∈S

p(s)u(d

0

(s)) + (1−a(d

0

)) max

u∈U

P

s∈S

p(s)u(d

0

(s))

Cette formule ressemble `a celles propos´ees dans la section 2.2, mais son

in-terpr´etation en est radicalement diff´erente. Notons tout d’abord que les minimum

et maximum sont pris sur des ensembles de fonction d’utilit´e U et non sur des

ensembles de croyances. En l’absence d’effet de cadrage, l’ensemble U se r´eduit `a

un singleton, et le mod`ele se r´eduit alors au mod`ele d’esp´erance d’utilit´e. Lorsque

l’ensemble U n’est pas un singleton, un d´ecideur ´evalue une d´ecision en prenant

la somme pond´er´ee entre son esp´erance d’utilit´e minimale, o`u le minimum est pris

par rapport `a toutes les fonctions d’utilit´e von Neumann Morgenstern u et son

esp´erance d’utilit´e maximale.

Afin de mieux comprendre ce crit`ere de d´ecision, faisons l’hypoth`ese quea(d) =

1 et donc que le crit`ere de d´ecision se r´eduise `a min

u∈U

P

s∈S

p(s)u(d(s)). Ainsi,

la d´ecision d est ´evalu´ee `a l’aide d’une esp´erance d’utilit´e classique, mais la

fonc-tion vNM retenue d´epend de la d´ecision. Ceci correspond `a une endog´en´eisation

du point de r´ef´erence, qui d´epend maintenant `a la fois des pr´ef´erences et de la

description des alternatives. Lorsque plus g´en´eralement 0 < a(d) < 1, la logique

est similaire, la fonction d’utilit´e retenue ´etant une combinaison (d´ependant de la

d´ecision) entre une utilit´e “optimiste” et une utilit´e “pessimiste”.

U peut s’interpr´eter comme repr´esentant l’ensemble des ´etats d’esprit du d´ecideur.

L’´etat d’esprit dans lequel il se trouve au moment du choix d´epend de la d´ecision

consid´er´ee et de ses pr´ef´erences. L’effet de cadrage s’explique de mani`ere simple :

la description des alternatives a une cons´equence psychologique sur l’´etat d’esprit

du d´ecideur. On voit ainsi se dessiner une th´eorie plus g´en´erale de la mani`ere

dont l’information donn´ee au d´ecideur affecte ses choix. Ceci est bien connu des

d´epartements de marketing et des agences de publicit´e, mais une th´eorie abstraite

qui permette un traitement unifi´e de ce ph´enom`ene en est encore `a ses

balbutie-ments.

4.1.3 Pr´ef´erences incompl`etes : une approche exp´erimentale

L’un des probl`emes pos´es `a la th´eorie ´economique de la d´ecision par les pr´ef´erences

incompl`etes est la difficult´e qu’il y a `a les identifier. Selon la m´ethodologie usuelle

des pr´ef´erences r´ev´el´ees, les pr´ef´erences ne sont observables qu’au travers des choix

r´ealis´es par les agents. Puisque seuls les choix observ´es comptent, les pr´ef´erences

“r´ev´el´ees” par ces choix seront par d´efinition compl`etes : un non-choix a priori

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