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Le chapitre précédent a permis d’identifier des espaces prioritaires pour l’anticipation des changements climatiques. Les besoins en termes de composition des habitats pouvant très largement varier d’une espèce à l’autre (Burel et autres, 2004; Bennett et autres, 1994; Haddad et Tewksbury, 2005), il a ici été choisi de concentrer les efforts de gestion sur quelques espèces de l’herpétofaune. Pour ce faire, la méthode utilisée s’inspire de l’étude de Cross et autres (2012) : « The Adaptation

for conservation Target [ACT] framework : A tool for incorporating climate change into natural resource management ». Il s’agit d’un outil d’aide à la décision, participant à l’élaboration de

stratégies d’actions de gestion pour les espèces ou les écosystèmes sur un territoire ou un site donné. L’outil privilégie la connaissance locale et l’avis des experts plutôt que l’élaboration de scénarii climatiques complexes souvent liés à de fortes incertitudes. Les entretiens réalisés représentent donc un élément clé dans l’élaboration de ce chapitre.

7.1 La connaissance approfondie de l’herpétofaune locale

Dans les chapitres précédents, des espèces de l’herpétofaune sensibles aux changements climatiques et inféodées aux transitions écologiques ont été identifiées. Dans cette étape il s’agit de détecter avec l’aide des experts leurs caractéristiques biologiques et écologiques potentiellement impactées par les changements climatiques. Après quoi, un objectif principal de gestion peut logiquement être défini (tableau 7.1).

Tableau 7. 1 Détermination des objectifs de gestion (inspiré de : Cross et autres, 2012; informations tirées de : Cheylan, 2014)

Paysage Espèce Sous-trame

Caractéristique vulnérable des espèces

aux changements climatiques Objectif de gestion Viticole et agro- pastoral de garrigue Lézard ocellé et Seps strié Cultures pérennes

Milieux ouverts Qualité de l’habitat

Minimiser la fragmentation des habitats (pertes et morcellements) Agro-pastoral de garrigue Alyte accoucheur Pélobate cultripède Triton marbré Milieux semi-ouverts Développement larvaire des têtards à cycle de reproduction long

Permettre le maintien du développement larvaire

7.2 Les menaces qui pèsent sur l’herpétofaune locale

Comme il l’a précédemment été cité, les changements d’occupation du sol et les pressions anthropiques ont un impact actuel bien plus négatif que les changements climatiques (Dale, 1997; Sanderson et autres, 2002; Sala et autres, 2000).

La question est de savoir comment les facteurs externes comme la fragmentation et la perte de qualité du milieu affectent la capacité des espèces à répondre aux changements climatiques. Pour y répondre, les informations récoltées auprès des experts permettent de répertorier les réactions des espèces sensibles aux changements climatiques. Ensuite, la synergie des prévisions et des facteurs externes permet de comprendre comment les changements du climat peuvent indirectement influencer les espèces.

7.2.1 Les effets directs des changements climatiques sur l’herpétofaune

Les changements climatiques sont illustrés selon trois prévisions issues de la revue de littérature : • Forte augmentation des températures d’avril à août et plus faiblement à l’automne et en

hiver;

• Diminution des précipitations de janvier à fin août;

• Hausse des fréquences des canicules (fortes chaleurs supérieures à 35 °C de juin à aout).

Selon les caractéristiques des espèces d’amphibiens à cycle long (annexe 15), ces trois prévisions climatiques seraient toutes néfastes au maintien du développement larvaire.

La situation est très différente pour les reptiles. En dehors d’évènements extrêmes et rares, ils ne seraient pas affectés par les tendances climatiques prévues en Hérault. En effet, malgré l’augmentation des températures rendant le nord de la France plus adapté aux reptiles, ces derniers auraient une répartition qui tendrait à se déplacer vers le sud de la France (annexe 4). Ce constat est contraire à ce qui a pu être perçu pour les autres espèces animales. Ainsi, les risques majeurs pour le Lézard ocellé et le Seps strié ne seraient pas les changements climatiques, mais la perte et le morcellement des habitats. Ces derniers provoquent dès aujourd’hui l’extinction des populations isolées du nord de la France. (Cheylan, 2014; Geniez et Cheylan, 2012; Cheylan et autres, 2011)

7.2.2 Les effets indirects des changements climatiques sur l’herpétofaune

Il s’agit ici de mettre en lumière le mécanisme, constitué des interactions entre les changements climatiques et les facteurs externes influençant les espèces et leurs caractéristiques.

À l’aide d’un schéma conceptuel, les points où l’intervention doit être menée en priorité pour le maintien des amphibiens à cycle long sont mis en évidence.

Plusieurs facteurs pouvant impacter le maintien du développement des têtards à cycle long apparaissent en orange foncée sur la figure 7.1 :

• Assèchement des zones de reproduction et de développement des têtards; • Augmentation de la concentration des polluants;

• Détérioration physique des mares; • Dégradation des végétaux aquatiques;

• Espèces nuisibles (poissons, tortues, écrevisses) – prédatrices ou compétitrices ou vectrices de maladies;

• Création de mares artificielles.

En revanche, pour les reptiles inféodés au paysage viticole et agro-pastoral de garrigues, les points d’intervention sont plutôt (figure 7.2) :

• Fragmentation des habitats dans le paysage viticole et agro-pastoral; • Diminution de la ressource alimentaire (entomofaune);

• Pression de prédation des sangliers;

• Incendies et fortes pluies (évènements extrêmes) pour le Seps strié.

Les deux problèmes éloquents qui ressortent de l’analyse sont : l’altération des lieux de reproduction des amphibiens de même que la perte et le morcellement des habitats des reptiles. En conclusion, c’est surtout la connaissance des facteurs externes amplifiant l’impact des changements climatiques qui est la clé pour la mise en place d’actions concrètes de gestion. En effet, ce sont sur ces facteurs que les gestionnaires ont le pouvoir d’agir. C’est-à-dire le pouvoir d’agir précisément en termes d’objectifs de gestion et de localisation. Les points d’interventions ici identifiés vont ainsi permettre de matérialiser des actions.

Figure 7.1 Modèle conceptuel représentant la synergie des changements climatiques et des facteurs externes exercée sur le maintien du développement larvaire des amphibiens à cycle long (données tirées de : Geniez et Cheylan, 2012; Cheylan, 2014 et méthode inspirée de : Cross et autres, 2012)

Figure 7.2 Modèle conceptuel représentant la synergie des changements climatiques et des facteurs externes exercée sur le maintien des espèces de reptiles liées au paysage viticole et agro-pastoral de garrigues (données tirées de : Geniez et Cheylan, 2012; Cheylan, 2014 et méthode inspirée de : Cross et autres, 2012)