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Les expérimentations en laboratoire sont répétables étant donné que la plupart des facteurs influençant le devenir des pesticides sont contrôlés. Elles permettent donc d’expliciter certains

mécanismes. Dans ce travail, l’expérience a permis d’obtenir des données sur le devenir, dans

le poisson d’étang, de molécules peu étudiées. Cependant, les résultats obtenus dépendent des

conditions expérimentales appliquées.

Les espèces étudiées ont reçu le même traitement alimentaire, dans des conditions

quasi-similaires, alors qu’elles ont une physiologie et des besoins différents. Le choix de l’alimentation

formulée (aliment pour bar avec ajout de blé) n’a pas tenu compte des besoins nutritionnels

réels des poissons. Donner le même aliment aux carpes et aux perches permet d’éviter un biais

relatif aux éventuelles interactions entre aliment et pesticides. L’absorption des pesticides n’a

peut-être pas été optimale dans ces conditions de régime alimentaire. Cela aurait pu conduire,

par exemple, à une sous-estimation des BMF des molécules lipophiles chez la perche (moins

de possibilité d’émulsion dans l’intestin favorable à l’absorption des composés lipophiles testés).

Outre les effets causés par la nature de l’aliment, les conditions expérimentales n’étaient pas

idéales pour l’évaluation d’un transfert par voie trophique. En particulier, la présence de résidus

dans l’eau, pendant les phases d’exposition et d’épuration, est un biais important. Deux pistes

d’amélioration sont mises en avant :

- Augmentation de la compaction de l’aliment (extrusion),

- Renouvellement régulier de l’eau du dispositif (quotidien, après prise alimentaire).

F. 2. 3. EXPERIMENTATION IN-SITU

F. 2. 3. 1. L’ETANG EST-IL ADAPTE AUX ETUDES IN-SITU ?

Contrairement aux expériences en laboratoire, les expérimentations in-situ permettent d’obtenir

une vision globale de l’état de contamination d’un milieu et de son biota. En effet, l’exposition

des poissons aux pesticides lors de notre étude tient compte des fluctuations naturelles de

nombreuses caractéristiques du milieu (physico-chimie, apports de pesticides, mode de gestion

des étangs…) qui peuvent jouer un rôle sur la physiologie de l’individu ou encore sur la

biodisponibilité et de la toxicité des contaminants. Aussi, il est parfois difficile d’interpréter les

données (biomarqueurs, résidus) ou de déterminer les facteurs environnementaux influençant

les niveaux de contamination. Les causes principales des difficultés d’interprétation résident

pour une part dans l’historique et la mobilité des espèces, qui sont exposées lors de leur

passage dans de nombreux habitats différents (Geffard et al., 2010).

Afin de palier ces limites, nous avons proposé comme milieu d’étude l’étang de barrage

vidangeable. Contrairement à d’autres écosystèmes, tels que les rivières où les populations

piscicoles peuvent circuler sur un long linéaire, les étangs restreignent la mobilité des poissons

dans un volume d’eau mesurable. Ensuite, l’espace dédié aux poissons est suffisant pour ne

pas influer sur leur comportement natatoire ou alimentaire. Nous avons limité l’impact de

l’historique des populations en introduisant dans l’étang des individus déjà présents sur le lieu

avant les campagnes de prélèvement à l’alevinage (T0) et au moment de la vidange (TF). De

plus, les populations, choisies pour l’étude, ont été marquées par ablation d’une nageoire

pelvienne afin d’échantillonner les mêmes populations lors des deux campagnes

d’échantillonnage. Cet historique devient alors maîtrisable en étang alors qu’il reste non définit

dans les rivières (populations naturelles mélangées aux poissons ajoutés par alevinage ou

empoissonnement)

Cependant, il n’a pas été possible, lors de cette étude, d’introduire les mêmes populations sur

l’ensemble des sites étudiés, d’où une part de variabilité de la contamination entre les sites due

à des paramètres relatifs à l’historique des poissons tels que l’âge ou encore l’état nutritionnel.

Enfin, les saisons de pêche et périodes de grossissement sont différentes entre les sites,

conduisant à la capture de poissons à des stades physiologiques différents, ce qui complexifie

la comparaison entre sites. Ainsi, nous avons pu montrer que ce paramètre était un facteur

agissant sur les profils de contamination des poissons. Ce choix a également l’avantage de

fournir une image calée sur la réalité des pratiques de production piscicole en étang lorrain.

L’étang est également adapté au travail à l’échelle du bassin versant ainsi qu’à la qualification

et/ou quantification des facteurs mis en jeu dans la dissipation des pesticides. En effet, les

poissons vivant dans un espace délimité, les facteurs environnementaux, tels que la

météorologie, le fonctionnement hydraulique ou encore les usages de pesticides sur le bassin

versant, sont caractérisables. En particulier, l’évaluation de certains de ces facteurs s’est faite

en partie par des enquêtes auprès des différents acteurs concernés. Cependant, ces enquêtes

ne comportent pas de dédommagement ni d’obligations. Elles dépendent fortement du contexte

relationnel entre les pisciculteurs, les agriculteurs et les chercheurs, nécessitant une

sensibilisation au projet durable des différents acteurs.

Notre étude a aussi mis en avant plusieurs limites aux méthodes utilisées en étang. Les

prélèvements peuvent également être améliorés. Des prélèvements plus fréquents (voire

automatisés en fonction du débit d’apport de l’eau de surface), en entrée et en sortie d’étang,

auraient permis une meilleure connaissance des fluctuations de contamination dans cette

matrice (Collavini et al., 2010). De même, le prélèvement de sédiments en continu par des

systèmes de trappes cylindriques aurait été plus riche en informations (Banas, 2001). En effet,

les sédiments ont été prélevés en surface, à sec après la vidange, soit après le départ d’une

partie de la matière en cours de sédimentation, voire récemment sédimentée. Les trappes à

sédiment cylindriques, adaptées aux milieux peu profonds, captent les particules sédimentant

lors de l’échelle de temps considérée. Ce dispositif aurait pu améliorer et compléter de manière

adéquate l’échantillonnage effectué. Les prélèvements de l’eau et des sédiments améliorent la

compréhension des apports issus du bassin versant mais il serait également possible de

s’intéresser aux apports atmosphériques. En effet, dans cette étude, certaines molécules ont

été quantifiées dans le site C-0. Ce bassin versant forestier attire les dépôts humides

(Andréassian, 2002) pouvant contenir des contaminants. Les molécules volatiles telles que le

métaldéhyde, le carbendazime ou les PCB légers (CB28, CB52), sont retrouvées dans l’eau ou

les sédiments de l’étang et témoignent d’un apport atmosphérique (Dubus et al., 2000 ; Asman

et al., 2005 ; Scheyer, 2005 ; Sauret et al., 2009). Aussi, des préleveurs de dépôts

atmosphériques seraient utiles pour évaluer la part du transport aérien dans la contamination

des étangs. Ainsi, l’échantillonnage effectué met en avant un problème en termes d’intégration

des fluctuations des apports de contaminants, préconisant d’autres systèmes de prélèvement,

en particulier pour les matrices eau et sédiments.

L’étang est un milieu adapté aux études in-situ. Comme dans tout milieu d’expérimentation

in-situ, la compréhension des mécanismes reste difficile. Cependant, dans le cas de l’étang

vidangeable, des améliorations sont envisageables.

F. 2. 3. 2. VERS UN DISPOSITIF IN-SITU INSTRUMENTE ?

Les étangs vidangeables ont un niveau d’intégration écosystémique inférieur aux rivières. Cela

tient compte en particulier de la sédentarité « forcée » des espèces et de l’action du pisciculteur

qui détermine la part piscicole du réseau trophique présent. Cependant, ils permettent les

expérimentations in-situ et tiennent compte des fluctuations naturelles d’une multitude de

facteurs, ce qui les place tout de même à un niveau d’intégration écosystémique supérieur à

d’autres milieux d’expérimentations tels que les mésocosmes. Ces facteurs complexifient

l’interprétation des résultats et la caractérisation des mécanismes mis en jeu (figure F.1).

Figure F.1 : Niveau d'intégration écosystémique et facilité d’inteprétation des