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Expériences de gouvernance côtière dans le Pays de Brest et dans le Pays de Lorient

Partie 2. Un territoire, une politique publique : application de la GIZC en Bretagne

2.3. Spécificités et similitudes des territoires du Pays de Brest et du Pays de Lorient

2.3.3. Expériences de gouvernance côtière dans le Pays de Brest et dans le Pays de Lorient

Afin d’éclairer les démarches de GIZC actuelles, mises en œuvre dans nos deux territoires d’étude, il parait intéressant d’interroger leurs expériences passées de gouvernance et/ou de gestion des espaces côtiers. Au demeurant, certaines relations entre acteurs des processus actuels prennent en partie racine dans des

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faits antérieurs. Il en va de même pour le contexte politique actuel qui est influencé par les expérimentations passées.

2.3.3.1. Le Pays de Brest, un territoire familier de la gouvernance

côtière

Plusieurs projets de gestion littorale se sont succédé depuis une trentaine d’années sur le territoire du Pays de Brest. En 1974, sous l’impulsion de l’Etat, un projet de Schéma d’Aptitude et d’Utilisation de la Mer (SAUM) sur le périmètre de la rade de Brest a été conçu. Il visait à planifier les activités s’exerçant en mer ou sur le littoral. Ce document est approuvé en 1980, mais n’ayant pas de portée juridique (non opposable aux tiers), ses effets seront limités. Ensuite d’autres outils de gestion du littoral ont vu le jour sur le territoire comme le contrat de Baie (1990-2008) ou le Parc Marin de la Mer d’Iroise (PNMI). De nombreux dispositifs plus communs participent eux aussi à la gestion de la zone côtière brestoise comme trois SAGE (Bas-Léon, Aulne et Elorn) et trois zones Natura 2000 en mer (Abers, rade de Brest et presqu’île de Crozon) (Figure 24). Comme le montre la Figure 24, la quasi-totalité du littoral du Pays de Brest est couverte par une de scène de gestion environnementale, ce qui illustre les nombreux enjeux écologiques présents au sein de ce territoire. Chacune d’entre elles dispose de sa propre gouvernance, tout en étant impliquée dans la GIZC. Afin de mettre en évidence l’expérience du territoire brestois en matière de gouvernance côtière, nous allons nous concentrer sur deux d’entre elles qui paraissent emblématiques de par leur taille : le contrat de baie (1990-2008) et de la création du PNMI.

Figure 24 : Démarches de gestion engagées dans le Pays de Brest

a. Le contrat de baie (1990-2008)

A la fin des années 1980, plusieurs problèmes environnementaux devenus récurrents, concernant notamment la qualité de l’eau, conduisent à une prise de conscience politique. La Communauté Urbaine de Brest s’engage alors dans le contrat de baie, pour lequel elle est identifiée comme initiatrice et maitre d’ouvrage (Billé, 2004). Le périmètre de mise en œuvre de cette démarche volontariste comprend la rade de Brest, mais aussi l’ensemble de son bassin versant, soit plus de 2800 km², 137 communes et trois départements (Figure 25).

Figure 25 : Périmètre du contrat de baie

Ce contrat de baie s’organise dans un premier temps autour d’une phase scientifique préparatoire (1992 à 1997) afin d’élaborer un « état des lieux et des milieux de la rade de Brest et de son bassin versant » (Troadec et Le Goff, 1997). Parallèlement, trois objectifs sont visés : réaliser des expériences de dépollution, mettre en place le dispositif organisationnel afin de pérenniser la dynamique enclenchée, planifier les actions à mettre en œuvre. La gouvernance de ce contrat est organisée autour (Billé, 2004) :

- d’un comité de Baie, scène décisionnelle composée des représentants des collectivités territoriales, des services de l’Etat, des établissements publics ayant compétence dans le domaine de l’eau et d’usagers ; - d’un groupe technique composé d’ingénieurs et de techniciens, formant la scène d’appui et de préparation de la décision ;

- une cellule de coordination composée de six permanents organisant au quotidien la mise en œuvre du contrat ;

- de plusieurs comités de suivi (une douzaine) mobilisés pour concerter les acteurs sur des thématiques précises.

Suite à ce premier contrat, un autre lui succède (1998-2003) pour mettre en œuvre les actions identifiées grâce aux précédents travaux réalisés. De nombreux acteurs s’engagent à y participer (Ministère de l’Aménagement, du Territoire et de l’Environnement, l’État, la Communauté Urbaine de Brest, les communautés de communes, l’agence de l’eau, etc. ). Il repose sur quatre volets : la restauration des milieux, la protection, la gestion intégrée et la communication. La difficulté à mobiliser les acteurs sur le long terme n’a pas permis de conserver la dynamique de gouvernance enclenchée lors du précédent contrat. De plus,

malgré plusieurs avancées, le contrat de baie n’a pas eu les effets escomptés : « au total, le contrat de baie pris comme arène de concertation entre acteurs ainsi que comme outil de mise en cohérence, d’intégration entre des programmes et activités diverses, semble avoir été en mesure de faire progresser significativement certains dossiers d’importance secondaire, ou de faire progresser à la marge certains dossiers plus centraux. Cependant, il n’a dans l’ensemble pas permis aux initiatives qui le composaient de dépasser les points durs et blocages auxquels elles étaient confrontées individuellement. Il n’a pas créé de dynamique nouvelle et durable, et n’a pas « libéré les imaginations » au point que les comportements se transforment profondément. C’est pourtant là son essence, sa raison d’être et sa légitimité » (Billé, 2004). Cette première expérience de gestion côtière a pris appui sur une large concertation, et des tentatives d’intégration spatiale, administrative et temporelle ont été tentées (Billé, 2004). La concertation mise en œuvre, rassemblant plus de 180 acteurs, n’a pas donné lieu à des décisions concrètes sur les dossiers primordiaux. Cependant, ces deux contrats de baie successifs ont permis de familiariser les acteurs à la problématique de la qualité des eaux, favorisant une prise de conscience sur les liens entre activités amont et aval. Cette première expérience de gouvernance côtière ne s’est pas conclue par des décisions majeures, mais elle a toutefois participé à créer une culture de la gouvernance sur ce territoire.

b. Le Parc Naturel Marin d’Iroise (1990 – 2007)

Une seconde expérience est emblématique de la culture de la gouvernance du territoire brestois. La création du Parc Naturel Marin d’Iroise (PNMI), premier du genre en France, a impliqué une vingtaine d’années de discussions (Figure 24). En effet, l’aspect inédit du projet a contraint sa mise en œuvre puisqu’il fallait à la fois en préciser le périmètre, les objectifs et le cadre législatif (Chlous-Ducharme, 2010). Plusieurs propositions de projets se sont donc succédé avant la création officielle en 2007. Dans les années 1990, il était alors question de sanctuariser certains espaces (les îles de Molène, Ouessant et Sein) à travers la création d’un parc national marin. Un second projet lui a fait suite, car le périmètre envisagé initialement ne paraissait pas adapté aux enjeux et était récusé par certains acteurs, notamment les scientifiques. Pour conserver efficacement la qualité des écosystèmes marins, ils démontrèrent qu’une zone plus importante devait être prise en compte. Parallèlement, l’intérêt porté par certaines collectivités territoriales, par les pêcheurs professionnels et les structures touristiques a participé à un élargissement de la réflexion : à côté de la conservation des milieux, le maintien des activités économiques et sociales qui s’y déroulaient a été aussi mis en avant. Le périmètre du futur PNMI est alors élargi en conséquence et la notion de développement durable devient donc peu à peu centrale (Boncoeur et al., 2007). La mise en place d’une gouvernance spécifique aux parcs marins est alors inscrite dans le projet de loi statuant sur les parcs naturels marins. Différents dispositifs de concertation ont été créés au fil du temps pour construire et finaliser le projet et pour faire face aux nombreux conflits et oppositions qui ont été caractéristiques de la création du PNMI (consultations et enquêtes publiques, conseils et comités, réunions d’information). Certains auteurs qualifient ce projet de démarche de GIZC (Hily et Chlous-Ducharme, 2002 ; Van Tilbeurgh, 2006) de par son ampleur territoriale, le traitement simultané de différentes problématiques et conflits et la mise en œuvre d’une gouvernance multi-acteurs et multi-niveaux en réponse aux spécificités du projet.

Ces deux expériences de gestion côtière (contrat de baie et création du PNMI) ont a priori permis au territoire brestois et aux parties prenantes de se familiariser avec les spécificités d’une démarche de gestion intégrée, de s’organiser et d’acquérir des savoirs et savoir-faire de la discussion. Certains des acteurs du Pays de Brest tels que les opérateurs du Parc Naturel Régional d’Armorique, les scientifiques locaux, certains élus ou encore des acteurs de la société civile organisée comme le comité local des pêches ou des associations de défense de l’environnement ne sont donc pas novices en la matière.

2.3.3.2. Gestion des espaces littoraux à Lorient, une approche

fondée sur des actions

Le Pays de Lorient, tout comme le Pays de Brest, est engagé dans différentes démarches de gestion de l’environnement dont deux SAGE (du Blavet et du Scorff) et six sites Natura 2000 (trois d’entre eux ont pour opérateurs Lorient Agglomération) (Figure 26). De la même manière qu’à Brest, l’existence de ces différentes scènes de gestion participe à démontrer que de nombreux enjeux environnementaux nécessitent l’intervention de la puissance publique. Cependant, à la différence du Pays de Brest, le Pays de Lorient n’a pas eu recours à des instruments spécifiques tels qu’un parc marin ou un contrat de baie pour gérer sa zone côtière.

Néanmoins, l’agglomération lorientaise (dont le périmètre est plus restreint que celui du Pays de Brest) a élaboré successivement une charte pour l’environnement (2002- 2008) suivie d’un Agenda 21 et d’un plan climat (2012 -2021) afin d’encadrer l’évolution du territoire dans lesquels des actions littorales spécifiques sont identifiées. Entre 1998 et 2002, à travers la charte pour l’environnement, certaines actions de gestion concernant directement le littoral sont désignées. Depuis 1999, un observatoire photographique est réalisé afin d’évaluer les effets des opérations d’aménagement ou de restructuration qui ont été effectuées sur des segments côtiers (MEDDE, 2010). Il est couplé à un programme de surveillance de l’érosion côtière. Par ailleurs, plusieurs actions de restructuration des dunes ont été engagées dans ce cadre (Figure 26). A partir de 2012, cette charte a ensuite été remplacée par un Agenda 21 et un Plan Climat Territorial. Dans ces documents, certaines préoccupations liées au littoral sont réaffirmées, notamment en matière de gestion des risques côtiers (érosion, submersion). Pour y répondre, Lorient Agglomération s’est engagé dans un Programme d’Actions et de Prévention des Inondations (PAPI littoral) (Figure 26).

Figure 26 : Démarches de gestion engagées dans le Pays de Lorient

Parallèlement, la gestion des dragages dans la rade de Lorient est un dossier sur lequel la collectivité a un historique. Le dragage est en effet essentiel au maintien et au développement des ports situés dans la rade de Lorient (port militaire, port de pêche, port de commerce et ports de plaisance), car l’envasement progressif limite l’accès des navires à fort tirant d’eau118. Alors que les sédiments prélevés étaient rejetés en mer devant l’île de Groix (clapage), seize associations environnementales coordonnent leurs actions à partir de 2010 pour mettre un terme à cette pratique119. Ainsi, en 2011 suite à ces contestations, les dragages prévus ont été ajournés120. Les conflits prenant de l’ampleur, l’Etat s’empare du dossier et engage la rédaction d’un plan de dragage pour le Morbihan121 sans valeur réglementaire, mais qui repose sur des préconisations122. Depuis 2015, Lorient Agglomération s’est engagé dans l’élaboration d’une stratégie communautaire sur le dragage et le traitement des sédiments marins. Plusieurs solutions sont à l’étude : diversification des sites

118 Le tirant d’eau correspond à la hauteur de la partie immergée d’un navire 119 Les sédiments rejetés en mer sont pollués (métaux lourds…).

120 Le Marin daté du 21 avril 2014.

121 http://www.morbihan.gouv.fr/content/download/3645/23599/file/SRD__08_2010_cle79e86e.pdf 122 Le Marin daté du 11 mai 2011.

d’immersion, identification d’un site de déshydratation des sédiments, rechargement des dunes soumises à l’érosion avec les sédiments prélevés.

La gestion du littoral par Lorient Agglomération diffère donc de celle du Pays de Brest. Organisées autour d’entrées plus sectorielles et concernant des périmètres faiblement étendus, les gouvernances qu’elles impliquent ne paraissent pas aussi expérimentales que celles engagées à Brest dans le cadre du contrat de baie ou de la création du PNMI. Nous verrons désormais si les démarches de la GIZC mises en œuvre entre 2005 et 2010 présentent elles aussi des dissemblances ou si au contraire elles sont comparables.

2.3.4. Les démarches de GIZC engagées entre 2005 et 2010 à

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