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2.6 Les inclusions magmatiques des ijolites 10TL01, 10TL05 et 10TL06

2.6.2 Expériences de réhomogénéisation des inclusions

Les inclusions magmatiques primaires se forment lorsque le minéral hôte cristallise. Les défauts de croissance ou la croissance rapide du minéral piègent des gouttes de li-quide qui vont être isolées. Les inclusions magmatiques peuvent nous apporter beaucoup d’informations sur la composition du liquide au moment de la croissance du minéral. Ce-pendant, l’inclusion continue d’évoluer dans le minéral hôte en fonction des conditions (pression, température). Plusieurs évolutions post-piégeage peuvent être observées dans les inclusions magmatiques :

Figure 2.23 – Photographies par microscopie optique des différents types d’inclusion magmatique dans les xénolites cogénétiques 10TL01, 10TL05 et 10TL06

– Le minéral hôte peut continuer sa croissance : c’est ce que l’on appelle la croissance post-piégeage. Ce phénomène n’est souvent pas visible et donc difficile à quantifier. Des calculs basés sur l’équilibre entre le minéral et l’inclusion au moment du piégeage permettent d’estimer la surcroissance du minéral hôte (chapitre 4).

– La croissance post-piégeage et l’apparition de minéraux fils à l’intérieur de l’inclusion va changer la composition du liquide résiduel, mais aussi le volume de l’inclusion, ce qui augmente sa teneur en volatils si les minéraux sont anhydres. Cela peut provoquer une sursaturation en volatils dans le liquide et créer une bulle de retrait.

– Dans certains milieux magmatiques, notamment à l’Oldoinyo Lengai, les composi-tions peuvent donner lieu à un processus d’immiscibilité liquide - liquide dû à un changement de composition de l’inclusion après son piégeage.

Des expériences d’homogénéisation des inclusions magmatiques dans les néphélines des xénolites cogénétiques ont été réalisées. Le but de ces expériences est de remettre l’inclusion aux mêmes conditions que lors de son piégeage, de manière à retrouver le liquide présent dans la chambre active du volcan. En théorie l’inclusion est considérée comme un milieu fermé et la pression à l’intérieur de l’inclusion est égale à la pression de piégeage. La température est donc le seul paramètre à prendre en compte pour retrouver les conditions régnant dans la chambre magmatique. Pour cela, les expériences ont été réalisées au CRPG à l’aide d’une platine chauffante de type Vernadsky décrite sur la figure 2.24 (Sobolev et al.,1980).

Figure 2.24 – Photographie et schéma de la platine chauffante utilisée pour la réhomo-généisation des inclusions magmatiques.

Avant l’expérience, le minéral hôte est poli selon deux faces parallèles de manière à ce que l’inclusion étudiée soit à une profondeur médiane entre ces faces. Cela a plusieurs utilités : (1) augmenter la visibilité de l’inclusion pendant l’expérience. (2) diminuer la différence de température entre les surfaces polies du minéral ; et donc avoir une meilleure estimation de la température au niveau de l’inclusion. Ensuite, le minéral est positionné sur une rondelle de saphir au sein d’un four en platine. Pour contrôler la température, on place des grains d’or et d’argent sur le minéral et sur le saphir comme le montre l’illus-tration sur la figure 2.24. Les températures de fusion de ces quatre morceaux de métaux permettent de calibrer au mieux la température au niveau de l’inclusion magmatique. Les expériences ont été faites sur des phénocristaux de néphéline de l’échantillon 10TL01. Les inclusions sélectionnées pour ces expériences sont triphasées (contenant un liquide sili-caté, une bulle de retrait et un globule de carbonate). Les photographies prises pendant la tentative d’homogénéisation sont présentées sur la figure 2.25.

Figure 2.25 – Expériences de réhomogénéisation d’une inclusion dans une néphéline de 10TL01. Mnx : minéral fil cristallisé à partir du liquide piégé dans l’inclusion. Si glass : verre silicaté, CC : globule de carbonate, g : bulle de gaz.

Voici un résumé des observations faites lors des réhomogénéisations : À 450˚C l’inclu-sion se dévitrifie, aux alentours de 780 ˚C le globule de carbonate est liquide et entoure instantanément la bulle de retrait. À 826˚C le dernier minéral fils disparaît. Lors des dif-férentes expériences menées, la température maximale atteinte était de 1250 ˚C ; qui est la température de fusion de la néphéline. Même à cette température, l’homogénéisation de l’inclusion n’a jamais été réalisée. Cependant, l’inclusion n’a pas pu être piégée au-delà

de 1250 ˚C. Sharygin et al. (2012) ont travaillé sur des inclusions dans les néphélines de

l’éruption de 1917 de l’Oldoinyo Lengai et qui étaient également triphasées. Les auteurs ont remarqué la présence de fluoroapatite dans leurs échantillons. Les résultats de leurs expériences sont similaires aux nôtres, car elles n’ont jamais atteint la réhomogénisation des inclusions même à 1130˚C. La présence de fluoroapatite et l’immiscibilité des liquides carbonatitiques et silicatés montrent que l’immisicibilité s’est produite au-delà de 1130˚C. Cependant, une différence notable existe entre ces deux études d’homogénéisation. Lors

de l’étude faite par Sharygin et al. (2012) la bulle de retrait s’est dissoute complètement

dans le globule de carbonate à une température d’environ 900-940 ˚C or cela n’a jamais été observé dans nos expériences. Plusieurs hypothèses peuvent expliquer ces résultats et la présence d’inclusions avec plusieurs phases à haute température :

1 - Les inclusions ont été piégées à une température inférieure à 1250 ˚C. Or, d’après plusieurs études menées sur des échantillons provenant de l’Oldoinyo Lengai ou du Kéri-masi (volcan voisin de l’Oldoinyo Lengai) la température d’apparition de l’immiscibilité

entre liquide silicaté et carbonaté peut être estimée à > 1130 ˚C (Sharygin et al., 2012) ;

de température entre la cristallisation des néphélines et l’apparition de l’immiscibilité, ainsi que l’impossibilité d’atteindre la réhomogénisation permet de suggérer que le liquide présent dans la chambre était composé de plusieurs phases (carbonatée et silicatée) et que ces liquides sont piégés dans les néphélines. La présence d’inclusions magmatiques composées uniquement de liquide silicaté ou de liquide carbonatitique est un argument en faveur de cette hypothèse.

2 - Schiano(2003) a montré que la pression à l’intérieur des inclusions magmatiques peut diminuer au cours du refroidissement, à cause des propriétés physiques différentes entre le minéral et le liquide. Ce différentiel de pression ne peut pas être récupéré totalement par chauffage lors des expériences de réhomogénéisation et pourrait influencer la nonre-dissolution de la bulle de gaz et du globule de carbonate dans le liquide silicaté. Cette

dernière hypothèse expliquerait la différence entre les expériences menées par Sharygin

et al. (2012) et celles faites lors de mes travaux. Si les inclusions ont subi des histoires différentes entre l’éruption de 1917 et 2007, la perte de pression au sein des inclusions est différente et engendre une dissolution possible ou non de la bulle de gaz dans le globule de carbonate.

Signatures isotopiques des gaz rares

de la source et des gaz volcaniques

du volcan Oldoinyo Lengai

Table des matières du chapitre

3.1 Pourquoi les gaz rares ? . . . . 63