• Aucun résultat trouvé

Expérience in vivo : Comportement du capteur lors d’une cardiostimulation

3. Réalisation d’un capteur souple et validation de son fonctionnement in

3.5. Expérience in vivo : Comportement du capteur lors d’une cardiostimulation

3.5.1. Description de l’expérience

L’objectif des expériences in vivo est d’aller au-delà d’une démonstration de concept pour se placer dans des conditions réelles, avec intégration du dispositif dans un système vivant.

Il s’agit, dans un premier temps, de s’assurer que la fréquence cardiaque est toujours mesurable malgré d’éventuelles perturbations provenant de facteurs propres à l’individu vivant tels que les mouvements de respiration.

Puis nous nous sommes proposés dans un deuxième temps de détecter une variation de déformation de l’artère après l’injection d’un produit pharmacologique provoquant une vasoconstriction, produit qui permet de simuler une réaction physiologique naturelle suite à une défaillance du système cardiovasculaire.

L’espèce animale choisie pour réaliser les essais in vivo est le rat souche Sprague Dawley (Charles River, France). Afin de minimiser le nombre d’individus, nous avons choisi d’effectuer l’expérience avec un seul type de capteur. Le diamètre de l’artère du rat étant très petit (~1mm), la surface en contact avec le capteur est très réduite (~0.25cm²) par rapport aux tests in vitro (~0.75cm²), ce qui entraine une production de charges beaucoup plus faible. Pour enregistrer une tension la plus élevée possible et obtenir une sensibilité optimale lors de la variation de déformation, nous avons sélectionné le capteur le plus performant – constitué de P(VDF-TrFE)/17wt%DEP recuit à 80°C – pour réaliser l’expérience.

Dans ces expériences, le rat est anesthésié de façon classique par une injection intra-péritonéale (abdomen trans-cutanée) de penthobarbital à la dose de 70 mg/kg de poids vif. Après quelques minutes, l'animal s'endort et la chirurgie peut débuter. La peau du cou est dégagée puis deux cathéters sont posés. L'un dans la veine jugulaire pour réaliser l'injection de molécules pharmacologiques (adrénaline), l'autre dans l'artère carotide pour la connexion pour contrôle à un capteur commercial de pression sanguine (Harvard Instruments). Notre capteur à tester est ensuite

109 enroulé autour de l’artère à l’instar des expériences in vitro décrites précédemment puis connecté à un oscilloscope (Fig. 3.8).

Figure 3.8 : Photographie de l’expérience in vivo

L’adrénaline est une molécule qui entraine une augmentation de la vitesse des contractions du cœur ce qui se traduit par une augmentation de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle. Elle a également un effet vasoconstricteur. Afin de détecter le rétrécissement de l’artère, la tension générée par notre capteur est enregistrée avant et après injection d’adrénaline.

Notons que la fréquence cardiaque n’a pu qu’être estimée, par rapport aux données classiques et bien connues de la littérature en physiologie [144] car nous ne disposions pas lors de l’opération d'un appareil de mesure adéquat. En conditions normales, un rat a une fréquence cardiaque de l’ordre de 200 batt/min, qui monte à 400 batt/min après injection d’adrénaline. Les différents paramètres physiologiques estimés de l’animal sont regroupés dans le tableau 3.5.

110

Tableau 3.5 : Paramètres physiologiques estimés du rat selon les injections d’adrénaline Pression interne

mesurée (mmHg) Fréquence cardiaque estimée (batt/min) Fréquence correspondante (Hz) Avant injection

d’adrénaline 90 ~200 3.3

Après injection

d’adrénaline 200 ~400 6.7

Les résultats de cette expérience in vivo sont présentés dans la section suivante.

3.5.2. Détection d’une vasoconstriction

La figure 3.9 montre les courbes tension-temps enregistrées par l’oscilloscope avant et après injection d’adrénaline, ainsi que leurs FFT associées. Ces résultats ont été obtenus plusieurs fois par des mesures répétées avec une très bonne reproductibilité. En effet, l'action physiologique de l'adrénaline est réversible et ne dure que peu de temps (< 2min).

Figure 3.9 : Signal généré in vivo par le capteur P(VDF-TrFE)/17wt%DEP – 80°C et sa FFT correspondante a) avant injection d’adrénaline, et b) après injection d’adrénaline.

111 L’autorégulation de l’individu à son propre rythme cardiaque provoque des fluctuations caractéristiques que l’on retrouve sur les courbes. Nous sommes en présence de ce qu’on appelle un « système intégré », c’est-à-dire un animal vivant avec des paramètres physiologiques en alerte permanente. Néanmoins, l’amplitude est tout à fait mesurable et sa valeur crête à crête est de respectivement 9mV et 4mV avant et après injection. Le rétrécissement du diamètre de l’artère dû à l’effet vasoconstricteur de l’adrénaline réduit la surface de contact avec le capteur et provoque de façon attendue une diminution de la tension générée.

Le décalage en fréquence en passant de 4Hz à 6.7Hz est parfaitement mesurable après l’injection d’adrénaline. La précision des fréquences cardiaques observées est remarquable. La fréquence de départ, correspondant à une pulsation de 240batt/min, est légèrement plus élevée que celle estimée, ce qui pourrait être lié aux difficultés respiratoires de l’animal observées durant l’expérience. Mais l’observation de la fréquence de 6.7Hz correspondant précisément aux 400batt/min attendus constitue un résultat très prometteur.

Les conditions imposées par les mesures in vivo telles que l’humidité ou la nature du support sur lequel repose le capteur enroulé autour de l’artère (tissus biologiques mous contre une table rigide pour les mesures in vitro) entraine une dissipation d’énergie du dispositif plus importante. Cela se traduit par un facteur de qualité calculé égal à 4, soit quatre fois plus faible que lors des tests in vitro. Néanmoins, la pureté spectrale de la FFT permet d’identifier parfaitement le signal sur le spectre en fréquence ainsi que de mesurer l’amplitude crête à crête sur les courbes temporelles.

La détection de la déformation d’un tissu biologique et la mesure précise de la fréquence cardiaque sur un système vivant montre le haut potentiel du dispositif pour des applications biomédicales. De plus, l’expérience est réalisée sur des dimensions plus réduites que celles nécessaires à l’application initialement visée (diamètre de l’artère de 1mm, surface de contact avec le capteur de 0.25cm²). Ceci rend cette expérience parfaitement reproductible à plus grande échelle et élargit le spectre des tissus sur lesquels le capteur pourrait être fixé. Par exemple, les aortes abdominales (diamètre de 18 mm), ascendante et descendante (diamètre de 2 à 3 cm) sont propices à l’anévrisme. L’intégration d’un capteur sur le greffon synthétique implanté pour se substituer à la portion défaillante de l’artère permettrait de suivre à la fois les paramètres hémodynamiques du patient et l’usure de la prothèse.

Nous avons démontré les nombreux avantages de l’introduction du phtalate de diéthyle dans le P(VDF-TrFE) pour cette application. D’abord, par sa propriété de plastifiant, puis par sa capacité à augmenter les coefficients piézoélectriques du polymère et enfin par l’obtention d’une meilleure sensibilité aux déformations d’une artère. Cependant, la migration classique du plastifiant, évoquée dans le chapitre bibliographique, pourrait impliquer une certaine perte des propriétés apportées de

112 manière plus importante que ce que l’on avait considéré au départ. Certes, après six mois de stockage à atmosphère ambiante, nous avons observé une conservation des propriétés mécaniques des différents films plastifiés, et nous n’avons pas été alarmés quant à la possibilité d’un durcissement significatif du polymère au cours du temps (cf. section 2.4.4.2). Mais pourtant la littérature nous apprend, comme nous l’avons vu au Chapitre 1, que lorsque des films de PVC plastifiés sont placés dans des conditions plus favorables au processus de migration, celle-ci peut aller jusqu’à 77% de perte de masse en plastifiant [90]. Il est évident que si une migration aussi importante du DEP dans le P(VDF-TrFE) a lieu dans des conditions en milieu liquide équivalentes à celles in situ, cela induirait une perte de l’assouplissement du polymère et des propriétés qui en découlent.

Pour évaluer le phénomène et anticiper sur les perspectives de l’étude en terme de packaging (avec nécessité éventuelle d’un film protecteur faisant barrière à la migration), nous avons étudié la migration du DEP dans des films de P(VDF-TrFE) recuits à 80°C et 138°C en milieu biologique. Les résultats présentés dans la section suivante constituent des données complémentaires importantes pour évaluer quel type de capteur sera le plus adapté à l’application visée et la suite des travaux à entreprendre.