CHAPITRE 4 : Discussion
6. Impact du modèle géodynamique et des circulations fluides sur les systèmes pétroliers sud
6.3 Existance des roches-mères dans les Chaînons Béarnais
Les occurrences de roches-mères sont nombreuses dans les sous-bassins aquitains, tels
que le sous-bassin d’Adour à l’Ouest et du Comminges à l’Est ou encore le sous-bassin de
Parentis au Nord.
Les roches-mères du bassin aquitain contiennent principalement du kérogène de type II,
c’est à dire riche en matière organique d’origine marine et se trouvent dans des formations
variées. Elles sont présentes dans la « Formation des calcaires de Lons » du Kimméridgien,
dans les « Calcaires à algues et annélides » du Barrémien ou encore dans les argiles de l’Albien
(Espitalié J., Drouet S., 1992) pour le sous-bassin de l’Adour (Figure 57) et dans les marnes
Liasiques, la « Formation des Dolomies de Carcans » de l’Hettangien et dans la « Formation
des calcaires de Lons » du Kimméridgien également pour le sous-bassin du Comminges et dans
la « Formation des Calcaires à Lituolidés » du Kimméridgien inférieur équivalent (latéral) de
la « Formation des calcaires de Lons » pour le sous-bassin de Parentis (Figure 57) (Biteau et
Canérot, 2007 ; Bourrouilh et al., 1995). Les roches-mères les plus anciennes datées du
Rhétien-Hettangien, « Formation des dolomies de Carcans », correspondent à la phase de rifting
Triasique impliquant une croûte amincie et associée à du volcanisme (ophites) dans la zone
Nord Pyrénéenne. Une roche-mère majeure se trouve au Kimméridgien, « Formation des
Calcaires de Lons », correspond à un intervalle transgressif (de roche-mère) mondialement
Figure 57 : Le bassin aquitain : Principaux domaines structuraux, occurrences d’hydrocarbures et principaux champs pétroliers, d’après Biteau et al. (2006).
L’ensemble des formations décrites ci-dessus, contenant les roches-mères
principalement d’origine marine, sont communes aux Chaînons Béarnais et au bassin aquitain.
Ainsi, les roches-mères peuvent être potentiellement présentes dans les Chaînons Béarnais.
Cependant, ces formations présentent des variations latérales de faciès principalement entre le
Nord – Nord/Ouest (bassin aquitain) et le Sud (Chaînons Béarnais) témoignant
d’environnements de dépôts différents (Figure 9). En effet, les roches-mères d’origine marine
générées dans le bassin aquitain dans des environnements de bassin, ne le seront pas dans des
environnements de plateforme au Sud dans les Chaînons Béarnais. La « Formation des
Dolomies de Carcans » datée du Rhétien à l’Hettangien inférieur est caractérisée dans les
Chaînons Béarnais et dans le bassin aquitain par un faciès calcaire plus ou moins argileux et
dolomitique où l’on peut trouver des nodules d’anhydrites et de fines intercalations d’argiles
noires et de dolomie. Localement, cette formation peut comporter des oolithes ou fantômes
d’oolithes (Canérot, 1991 ; Biteau et al., 2006) attestant d’un dépôt généralisé de plateforme
interne (Figure 1). Cette formation peut présenter des accumulations de matières organiques
avec un carbone organique totale (COT) entre 29,98 et 46,95 % (Serrano et al., 2006) dans le
bassin aquitain. Cette formation est donc une bonne candidate pour la génération d’une
roche-mère, y compris dans les Chaînons Béarnais. La « Formation des Calcaires de Lons » et/ou
«Formation des Calcaires à Lituolidés » datée du Kimméridgien est composée d’intervalles
organiques argileux représentant la principale roche-mère de la zone (Sous-bassins Adour,
Parentis, Cominges) avec COT entre 2 et 7% (Biteau et al., 2006), tandis que dans les Chaînons
Béarnais la « Formation des Calcaires de Lons » consiste en des calcaires noirs à grains fins
comportant des pyrites alternant avec des marnes noires à Nanogyra (cf, Etat de l’art,
Lithostratigraphie). Le faciès décrit pour le bassin aquitain correspond à un environnement
marin plus ouvert tandis que le faciès décrit pour les Chaînons Béarnais caractérise un
environnement de transition entre un environnement marin ouvert et un environnement de
plateforme interne étant donc moins favorable à la génération d’une roche-mère. La formation
des « Calcaires à algues et annélides » datée du Valanginien-Barremien est caractérisée par des
calcaires à Annélides gréseux avec des occurrences de Nérinées et foraminifères
(indifférenciés) intercalées avec des marnes noires dans la partie supérieure, pour finir par un
faciès toujours calcaire mais plus argileux (Valanginien à Barrémien dans un environnement
fluvial à tidal) (Biteau et al., 2006 ; Canérot et al., 1990, 1992) dans les Chaînons Béarnais.
Dans le bassin aquitain, au centre, cette formation correspond à un faciès marneux à calcaires
argileux correspondant à un environnement plus ouvert (Biteau et al., 2006) et son COT est de
1-2%. Pour cette formation, la différence d’environnement de dépôt et le faible COT n’a
probablement pas permis la génération d’une roche-mère dans les Chaînons Béarnais.
La comparaison des faciès des formations contenant des roches-mères dans le bassin
aquitain avec ceux des Chaînons Béarnais permet de mettre en évidence une formation
commune, les « Dolomies de Carcans » présentant un environnement de dépôt qui permettrait
la génération d’une roche-mère dans les Chaînons Béarnais. Cela induit, que l’absence d’indices
d’hydrocarbures dans les Chaînons Béarnais mis en évidence par cette étude, pourrait
simplement être due au fait que peu ou pas de roches-mères ont pu être générées car les
conditions pour leurs genèses n’étaient pas réunies.
Néanmoins, dans le cas ou une roche-mère serait présente dans les Chaînons Béarnais
le timing de formation des gisements rentre en compte. Comme décrit précédement, la plupart
des roches-mères des réservoirs pétroliers sud aquitains ont maturé au Tertiaire ou de l’Albien
à l’actuel. Or, lors du Tertiaire les Chaînons Béarnais étaient en systèmes compressif
(compression Pyrénéenne) ne permettant pas la conservation d’un système pétrolier en place
(fracturation notamment) et la maturation de la roche-mère. Qu’il y ait eu présence ou non de
roches-mères dans les Chaînons Béarnais, l’hyper-extension aurait difficilement permis la
production d’hydrocarbures. En effet, si l’on considère que le seul moment favorable à la
maturation d’une roche-mère a été durant l’Albien (anté-compression) les températures
atteintes pendant cet instant très court auraient très certainement rendu les roches-mères
hyper-matures et fait craquer les hydrocarbures produits (Magoon et Dow, 1991). Les
correspondances entre les occurrences de roches-mères, les événements géodynamiques de
l’histoire des Pyrénées et les résultats géochimiques de cette étude montrent une histoire où
l’amincissement crustal et l’exhumation du manteau jouent un rôle important. En effet les
températures élevées (210 à 350°C) révélées par cette étude sont en accord avec cette
hypothèse.
Des températures élevées peuvent effacer les passages des migrations d’hydrocarbures
enregistrées par exemple dans les inclusions fluides. Dans le cas des roches-mères du
Rhétien-Hettangien (Formation des « Dolomie de Carcans »), les hydrocarbures issus de sa maturation
auraient pu migrer avant la seconde phase de rifting au Kimméridgien. Les roches-mères de
l’Aptien-Cénomanien (hyper-extension) ont subi des températures élevées (Figure 58) et pour
les roches-mères correspondant au Crétacé supérieur (pré-compression), auraient subi le même
sort que les précédentes par le maintien de températures élevées discuté plus haut (Figure 58).
Dans le cas où ces roches-mères auraient produites des hydrocarbures, ces derniers auraient
probablement migré (expulsé de leur piège) lors du début de la phase de compression
Pyrénéenne.
Figure 58 : Occurrences de roches-mères dans les séries mésozoïques en lien avec l’évolution des T°C d’homogénéisation des ciments et de la cristallisation de ces derniers dans les Chaînons Béarnais au cours du temps.