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Des exemples précis montrant la diversité d'approche des droits quant aux référentiels et au

Chapitre 2 : La question de la mise en place d'un référentiel national unique

1) Des exemples précis montrant la diversité d'approche des droits quant aux référentiels et au

372. Au cours de l'étude, il est apparu que deux droits sont intéressants à étudier pour leur approche

à la barémisation : un droit précurseur en matière de barèmes, le droit espagnol, et un droit qui se situe entre Common Law et inspiration par le droit français et dont des études sont récentes, le droit québécois.

a. L'exemple espagnol : un droit précurseur pour l'adoption de barèmes

373. L'intérêt d'étudier le droit espagnol – L'un des droits dont il faudrait qu'il faudrait

probablement évoquer en premier concernant les barèmes permettant de déterminer l'évaluation des dommages corporels est sans doute le droit espagnol. En effet, il s'agit d'un droit proche du droit français en ce qu'il fait partie des pays de droit écrit. Et c'est un droit qui dans cette matière fait particulièrement appel aux barèmes. Dès lors, cela permet de souligner les disparités régionales521 à

propos de l'indemnisation des dommages corporels tantôt faisant appel aux barèmes, tantôt les évitant. Ainsi, c'est surtout en matière d'indemnisation des dommages corporels issus d'accidents de la circulation que l'idée est présente. Un bon historique de ces évolutions a été établi dans un article de Maîtres Florencia Mariscal et Gaston Gonzales, avocats522 qui est plutôt critique à l'égard de cette

méthode.

374. L'évolution du droit espagnol vers la barémisation523 – Dans les années 1970, avec l'augmentation du nombre d'accidents de la circulation, une compagnie d'assurance a d'abord fait pression sur le législateur pour disposer d'une méthode permettant d'obtenir des accords transactionnels. Dans les années 1980, plusieurs publications ont été réalisées, notamment des barèmes indicatifs pour l'évaluation spécifique des incapacités permanentes avec en parallèle la publication d'une ordonnance ministérielle524 précisant qu'il fallait fixer les catégories d'invalidité

pour fixer les indemnités. Avec une ordonnance du 5 mars 1991, il y a un affinement du barème toujours indicatif avec un classement en six tables et un système de points de zéro à cent. Depuis 1995, le barème espagnol est devenu obligatoire pour les accidents de la circulation. Il a ensuite été réformé, notamment en 2008, pour être adapté à la « nouvelle réalité sociale ». Il est obligatoire pour les juges et les compagnies d'assurance et constitue un repère pour les dommages corporels issus d'autres causes.

521 L. BLOCH, « Barèmes et tables de référence : chut... c'est interdit », RCA, n° 12, Décembre 2013, alerte 41

522F. MARISCAL et G. GONZALES, « Les systèmes d'indemnisation des dommages corporels. Etude du modèle espagnol dit « à barème » », Gaz. Pal., 10 nov. 2012, n°315, p. 25 s.

523Evolution présentée dans l'article cité ci-dessus

375. La critique de la barémisation espagnole – L'existence de ces barèmes espagnols est

toutefois critiquée. En effet, le droit espagnol évoluerait « vers une barémisation obligatoire en matière d'accidents de la circulation et l'utilisation de fait du barème dans tous les cas de préjudices indemnisables » ce qui aboutirait à une « dictature du barème »525. Les deux critiques majeures

présentées par Florencia Mariscal et Gaston Gonzales sont le manque d'adaptation à la réalité, en ce qu'il ne serait pas possible qu'un barème contiennent tous les préjudices qu'il est possible de subir, et le caractère contraignant de ces barèmes.

376. Le droit positif espagnol sur la question de la barémisation – Aujourd'hui, le droit espagnol

a toujours recours à un barème obligatoire pour l'indemnisation des préjudices issus d'accidents de la circulation forgé en 1995 et des barèmes officieux légitimés par la Cour suprême pour les dommages corporels issus d'autres évènements526. En ce qui concerne l'évaluation et non

l'indemnisation des dommages corporels, l'Espagne a également contribué à l'élaboration du Guide

barème européen d’évaluation des atteintes à l’intégrité physique et psychique527.

b. L'exemple québécois : un droit entre Common Law et droit continental

377. L'intérêt d'étudier le droit québécois – Il semble opportun de comparer le système français

en matière de référentiels ou d'indemnisation en général des dommages corporels avec le système québécois, ce dernier se situant à la frontière entre deux des grandes traditions juridiques qui existent dans le monde : la tradition civiliste ou romano-germanique dont s'inspire le droit français et la tradition anglo-saxonne ou de Common Law.

378. Une méfiance envers la barémisation au nom des principes de l'indemnisation par le droit québécois – Tant le droit québécois que le droit français semblent rejeter la barémisation en

raison du principe de réparation intégrale qui est au cœur du droit civil dans chacun de ces ordres juridiques et le droit à l'indemnisation y est également un acquis.528. Aussi, tant le droit français que

le droit québécois donnent une importance à la réparation du préjudice moral. Surtout, la caractéristique du droit québécois par rapport aux autres provinces du Canada et qui le rapproche de la tradition civiliste est que le Québec reconnait l'indemnisation du préjudice d'affection et il a pu exprimer expressément ce rattachement dans sa jurisprudence529. Mais des différences peuvent être

525F. MARISCAL et G. GONZALES, « Les systèmes d'indemnisation des dommages corporels. Etude du modèle espagnol dit « à barème » », Gaz. Pal. ,10 nov. 2012, n°315, p. 25 s.

526O. CHALUS-PENOCHET, « La réparation du dommage corporel en droit européen comparé », Faculté de Médecine Aix-Marseille, Juin 2015, p.13

527Guide barème européen d’évaluation des atteintes à l’intégrité physique et psychique, CEREDOC, 2003

528D. GARDNER, « Le préjudice extrapatrimonial : convergences et divergences des droits québécois et français », Gaz. Pal, 2016, n°32, p.58

529Augustus c/ Gosset : [1996] 3 R.C.S. 268, § 32 (Arrêt de la Cour suprême du Canada) : « A la lumière de la spécificité de la tradition juridique du Québec, à l’instar de la cour d’appel, j’estime que c’était au droit français, et non au droit anglais, qu’il fallait se référer pour décider de la reconnaissance du solatium doloris en droit civil

soulignées entre le droit français et celui des francophones canadiens comme a pu le faire le professeur Daniel Gardner, professeur à la faculté de droit de Laval530.

379. Les distinctions entre droit français et droit québécois à propos de l'indemnisation –

La première distinction est que le droit français, notamment dans la nomenclature Dintilhac, sépare

tous les préjudices extrapatrimoniaux pour l'indemnisation tandis que les Canadiens, inspiré du droit anglo-saxons, font une évaluation globale de tous les préjudices non pécuniaires. En effet, les juristes anglo-canadiens estiment que tous les éléments du préjudice extrapatrimonial sont imbriqués les uns dans les autres. Cela a nécessairement une influence sur la question de l'adoption ou non de référentiels ou de barèmes. En effet, en France, comme le législateur et le juge essaient de prendre en compte tous les préjudices extrapatrimoniaux possibles afin de tendre vers la réparation intégrale, il en existe des multiples qu'ils soient temporaires ou permanents, directs ou indirects. S'il existe des barèmes ou référentiels, il faut qu'il existe autant de fourchette ou de montant donné par préjudice que de préjudice extrapatrimonial envisagé. En revanche, lorsqu'il existe une évaluation globale des préjudices extrapatrimoniaux, comme au Québec, si un ou plusieurs référentiels existaient, ils ne seraient que globaux aussi et il ne pourrait exister par exemple qu'une fourchette globale avec un minimum et un maximum que pourrait attribuer le juge au titre de l'ensemble du préjudice extrapatrimonial.

380. Une autre distinction à faire est que le Québec, contrairement à la France et à la plupart des

pays européens, notamment ceux qui ne sont pas d'influence anglo-saxonne comme l'Angleterre ou l'Irlande, prévoit des plafonds d'indemnisation pour le préjudice extrapatrimonial. Ceux-ci sont prévus par la jurisprudence elle-même alors que dans les autres pays influencés par le droit anglo- saxon ils sont plutôt prévus par la loi. C'est ainsi qu'en 1981, la Cour suprême du Canada a considéré qu'il devait exister un plafond d'indemnisation de 100 000 dollars pour les préjudices extrapatrimoniaux531. Mais dès leur décision, les juges canadiens ont estimé que ce montant devrait

être modifié en fonction de l'inflation et de l'érosion monétaire. Ainsi, en 2016, ce plafond a été revalorisé à un montant de 370 000 dollars soit 250 000€. Mais le professeur Gardner estime que ce plafond n'a aucun rapport avec une évaluation maximale qui serait équivalent au montant maximum, au poins culminant d'une fourchette d'un référentiel ou d'un barème. Cela montre donc à nouveau que le Québec est réticent à l'adoption de telles normes.

québécois. » 530Ibidem

531Lindal c/ Lindal : [1981] 2 R.C.S. 629, p. 640-641 : « Pour tous les motifs susmentionnés, je réitère ici l’adoption d’un plafond approximatif de $100,000 au titre des pertes non pécuniaires dans les cas de préjudice corporel grave, ce qui assure une certaine uniformité et prévisibilité dans ce domaine complexe. »

381. Une dernière distinction quant aux barèmes de capitalisation existe. Enfin, ce qui est notable

en matière de barèmes est que si la France reconnais des barèmes de capitalisation permettant de convertir un capital en une rente en cas d'indemnisation d'un préjudice corporel, pour tenir compte des pertes futures, le Québec n'accepte pas cette pratique. Le Code civil québécois, à son article 1614, prévoit pour les « aspects prospectifs du préjudice », un taux d'actualisation de 2% pour les pertes résultant de la diminution de capacité de gains ou de la progression des revenus et un taux de 3,25% pour les autres pertes résultant de l'inflation.

2) Ebauche d'une situation en Europe sur les référentiels et barèmes en matière