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II. 1 Cadre général

De nombreuses investigations géophysiques et hydrogéologiques ont été effectuées sur le flanc Est de la ride de Juan de Fuca (au N-W de l’océan Pacifique, Figure I-9), une région hors axe présentant une activité hydrothermale intense (Davis et al., 1992 ; Wheat et Mottl, 1994 ; Thomson et al., 1995 ; Mottl et al., 1996 ; Wheat et al., 1997). Dans cette zone, le plancher océanique est enfoui sous des turbidites et des sédiments hémipélagiques du Pléistocène pouvant atteindre 700 m (Mottl et al., 1998) qui forment une plaine connue sous le nom de Bassin des Cascades (Davis et al., 1992). Ces sédiments sont composés de minéraux détritiques tels que du quartz, des feldspaths et des minéraux argileux (kaolinite, illite, chlorite et saponite) mais contiennent peu de composés organiques (<1%) (Underwood et Hoke, 2000 ; Buatier et al., 2001). Le plancher océanique présente localement un relief accidenté, marqué par la présence de rides hors axe et de larges monts sous-marins qui

Figure I-9 : Carte régionale du Bassin des Cascades et de la ride de Juan de Fuca. Le schéma associé montre la localisation des nombreux seamounts présents au N-E de la ride (points noirs), ainsi que la direction de

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constituent des barrières pour les turbidites provenant de la marge continentale proche.

II. 2 La zone de décharge Baby Bare

En 1989, une décharge active de fluides de basse température a été localisée au niveau d’un haut fond topographique appelé Baby Bare, situé sur une croûte de 3.5 millions d’années, à environ 101 km à l’Est de la ride de Juan de Fuca, vers 48°N (Figure I-9, Davis et al., 1989). Cet édifice volcanique se trouve sur une ride enfouie qui s’étend sur des dizaines de kilomètres dans une direction N-NE, pratiquement parallèle à l’axe de la ride d’expansion située à l’Ouest. Sur la base des profils de réflexion sismique et d’après l’âge des assemblages fossiles des sédiments déposés dans la région (Davis et al., 1997 ; Becker et al., 2000), la croûte océanique de Baby Bare serait vieille d’au moins 1.7 millions d’années, suggérant que les flux de chaleur associés à la mise en place du haut-fond devrait être actuellement dissipés. Les anomalies de flux de chaleur mesurées au niveau de ce haut-fond seraient donc la conséquence d’une circulation de fluides hydrothermaux, dans la croûte constituant le plancher océanique dans cette zone (Figure I-10).

Figure I-10 : Mesures des flux de chaleur, isothermes et profils sismiques au niveau des seamounts Baby Bare (zone de décharge) (a) et Grizzly Bare (zone de recharge) (b). (d’après Fisher et al., 2003a).

Les sources hydrothermales localisées au niveau de Baby Bare sont associées à une faille dirigée à peu près parallèlement à la ride sous-jacente et au centre d’expansion actif à l’Ouest, avec une direction N25°E (Becker et al., 2000). La décharge de fluides s’effectue

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recharge principale de ces fluides s’effectue au niveau de Grizzly Bare (Figure I-10). Il s’agit d’un large mont sous-marin s’élevant à environ 500 m au-dessus des sédiments du Bassin des Cascades, et situé à 52 km au sud de Baby Bare (Figure I-10 : Mesures des flux de chaleur, isothermes et profils sismiques au niveau des seamounts Baby Bare (zone de décharge) (a) et Grizzly Bare (zone de recharge) (b). (d’après Fisher et al., 2003a).). Ces données sont confortées par les propriétés physiques des sédiments qui excluent la possibilité que l’alimentation des fluides sortant de Baby Bare soit effectuée par une recharge à travers les sédiments (Wheat et al., 2000, 2002 ; Fisher et al. 2003b). Ainsi, le modèle général de circulation de l’eau de mer à l’échelle régionale est le suivant : l’eau de mer froide oxygénée pénètre dans le socle basaltique à Grizzly Bare, elle est transportée par advection vers le Nord-Est dans le socle basaltique parallèlement à la direction de la ride, puis ressort au niveau de Baby Bare.

Afin de déterminer la composition des fluides hydrothermaux formés lors de cette circulation, Wheat et Mottl (2000) ont comparé les profils des eaux interstitielles dans les zones où la remontée des fluides est > 2-10 cm/an (vitesses calculées à partir de l’équation (1.3)) aux concentrations mesurées directement dans les eaux des sources collectées par submersibles. A partir de la composition chimique des eaux de sources présentant une température de 25°C, Wheat et Mottl (2000) ont conclu que l’eau de mer profonde, lors de sa circulation dans la croûte, perd du Na, K, Li Rb, Mg, V, Cu, U, des terres rares, des phosphates et des ions hydroxyles, mais s’enrichit en Ca, Sr, Mn, Mo et B. La croûte océanique consomme également du sulfate et des nitrates, mais libère de l’ammonium dans le fluide déchargé. Cette composition du fluide hydrothermal au niveau des sources a ensuite été comparée aux variations systématiques des profils des eaux interstitielles. Ces profils, traduisant des remontées de fluides à des vitesses de plusieurs dizaines de centimètres par an, montrent que les concentrations en Mg diminuent alors que celles en chlorinité augmentent, en se rapprochant de l’interface sédiment/basalte. Les concentrations du fluide à la base de la colonne sédimentaire, déterminées à partir des eaux interstitielles, sont similaires à celles observées directement dans les eaux de sources, pour des vitesses de remontée de fluide > 1cm/an. Le flux advectif des fluides semble donc dominer les apports par réactions dans la colonne sédimentaire, lors de la remontée des fluides hydrothermaux au niveau de Baby Bare.

D’un point de vue minéralogique, le sommet et les flancs de Baby Bare sont recouverts par des sédiments hémipélagiques d’une épaisseur très faible (<0.7 m), avec de rares affleurements du basalte (environ 1% du sommet). Des encroûtements d’oxydes de

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2000). Fitzgerald et Gillis (2006) ont caractérisé les assemblages minéralogiques de ces croûtes d’oxydes composées de todorokite ± pyrolusite ± saponite ± nontronite. Leurs propriétés chimiques, minéralogiques et texturales, ainsi que le cadre tectonique de Baby Bare, indiquent que ces dépôts ont été formés par précipitation hydrothermale. Ils présentent des rapports Mn/Fe élevés, de faibles teneurs en métaux traces et Terres Rares, une forte anomalie en Ce et de fortes teneurs en Ba. Mn et Fe sont probablement fractionnés durant la circulation hydrothermale, suite au mélange progressif d’un fluide ascendant réduit avec des eaux interstitielles oxygénées près de l’interface sédiment-basalte, engendrant tout d’abord le dépôt du Fe sous forme de sulfures, dans la croûte océanique, suivi de celui du Mn sous forme d’oxydes Mn, à l’interface avec l’eau de mer (Hein et al., 1994). L’enrichissement des oxydes en métaux traces, malgré leurs faibles concentrations dans l’eau de mer, démontre un apport en Ni, Co et Zn soit dans le fluide hydrothermal lors de l’interaction eau/socle, soit lors de la diagenèse tardive dans la colonne sédimentaire.

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