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Un exemple d’étude structurale d’une protéine tétramérique : la thymidylate

Introduction

Sommaire

5.1 Résolution d’une structure de protéine par cristallographie101 5.1.1 Du gène au cristal . . . 101 5.1.2 Diffraction . . . 103 5.1.3 Reconstruction et affinement . . . 105 5.2 La thymidylate synthase X : une cible antibactérienne

potentielle . . . 105 5.2.1 ADN et synthèse des pyrimidines . . . 105 5.2.2 Un mécanisme controversé . . . 107 5.2.3 Vers une meilleure compréhension du mécanisme . . . 108

5.1 Résolution d’une structure de protéine par

cristal-lographie

À l’heure actuelle, deux méthodes expérimentales sont principalement utilisées pour détermi-ner la structure tridimensionnelle des protéines : la résonance magnétique nucléaire (RMN) et la cristallographie aux rayons X. La cristallographie aux rayons X est une technique de diffraction dans laquelle l’image représente le réseau des atomes dans un cristal, permettant de déterminer la géométrie du réseau et des entités qui le composent. Ce sont les électrons, entourant chaque atome, qui interagissent avec les photons X dans cette technique et non les noyaux atomiques.

La première structure de protéine résolue fut celle la myoglobine, déterminée en 1957 par Max Perutz et John Cowdery Kendrew, ce qui, entre autres, leur valut le prix Nobel de Chimie en 1962. Depuis, plus de 18 000 structures de protéines ont été résolues ainsi et déposées dans la Protein Data Bank.

5.1.1 Du gène au cristal

Lorsqu’on dispose de la partie d’un gène codant pour une protéine (cadre ouvert de lecture ou ORF Open Reading Frame) que l’on souhaite étudier, de nombreuses étapes expérimentales sont nécessaires avant d’obtenir un cristal (figure 5.1). Il faut en effet réussir à produire la protéine en

Paralogue Paralogue Clonage Marquage13C et 15N Tests de repliement Purification Corps d'inclusion Production à grande échelle

Marquage 15N

Expression et tests de solubilité

Essais de cristallisation Marquage SeMet RayonsX Structure, PDB Spectrométrie de masse et RMN HSQC >150 aa Paralogue Soluble Insoluble <150 aa

Analyse, étude fonctionnelle

Fig. 5.1 – Du gène à la structure protéique : procédure expérimentale dans le projet de génomique structurale de la levure. Après une étape de clonage, les protéines sont exprimées dans E.coli. Ensuite, le procédé dépend de la solubilité de la protéine mais les étapes principales restent la production à grande échelle puis la purification ainsi qu’une étape de spectrométrie de masse permettant de savoir si on dispose de la bonne protéine et une expérience de RMN (HSQC) pour savoir si celle-ci est repliée. Enfin, en fonction de la technique de résolution utilisée, on réalise un marquage, ou pour la cristallographie, on lance des essais de cristallisation. Il est à noter qu’à chaque étape, on peut utiliser un paralogue de la protéine d’intérêt si ce paralogue se prête mieux au procédé.

quantité importante tout en ayant une solution pure. À chaque étape, il y a de nombreux risques d’échec. Par exemple, dans le projet pilote de génomique structurale de la levure, sur 288 cibles (gènes) sélectionnées, 259 ont pu être clonées, 215 exprimées, 131 solubilisées, 83 purifiées, 25 seulement cristallisées et 15 structures ont pu être résolues en deux ans. On peut voir dans cet exemple qu’avoir une solution de protéine pure est une condition nécessaire, mais pas suffisante. En effet, la cristallisation est une étape limitante de ce procédé. Comme il n’existe pas de moyen théorique de déterminer les conditions de cristallisation d’une protéine, de nombreux essais sont nécessaires : c’est une procédure longue et incertaine. De plus, une fois le cristal obtenu, sa qualité doit être telle qu’il doit diffracter et fournir une quantité d’informations suffisante pour pouvoir résoudre la structure à une résolution acceptable (inférieure à 3 Å).

Le cristal obtenu (figure 5.2) est ensuite cryogénisé (congelé rapidement) dans de l’azote liquide. Cette congélation, en plus de réduire l’agitation thermique à l’intérieur du cristal, permet

Fig. 5.2 – Photographie de cristaux de thymidylate synthase en lumière polarisée. une meilleure résistance aux rayons X, de façon à pouvoir prendre une mesure sur un cristal non détérioré.

5.1.2 Diffraction

Le cristal est soumis à des rayons X, obtenus au laboratoire par un générateur à anode tournante, ou par un synchrotron. On obtient des images de diffraction (figure 5.3) constituées de tâches que l’on va combiner et utiliser pour construire une carte de densité électronique de la molécule qui a été cristallisée. Celle-ci est ensuite reconstruite à l’intérieur de la densité.

5.1.2.1 Mesure de l’intensité diffractée et problème des phases

Pour connaître le réseau cristallin et la structure de la protéine, on doit déterminer le si-gnal caractérisé par une amplitude et une phase (voir paragraphe 6.3). À partir des images de diffraction, on dispose de l’intensité du signal. Cette intensité est proportionnelle au carré de l’amplitude du signal. On ne dispose cependant pas de la phase du signal qui est nécessaire à la résolution.

En cristallographie chimique, la phase ϕ peut être obtenue ab initio par des méthodes itéra-tives, mais en raison de nombreux paramètres dont, en particulier, la complexité des molécules,

Fig. 5.3 – Image de diffraction d’un cristal de thymidylate synthase

cela n’est pas possible en biocristallographie. Ce problème est connu sous le nom de problème des phases.

5.1.2.2 Méthodes de détermination des phases

Pour résoudre ce problème, différentes méthodes ont été mises au point en biocristallographie. Les plus utilisées sont :

– le remplacement moléculaire (MR) ;

– le remplacement isomorphe multiple ou simple (MIR ou SIR) ; – la dispersion anomale (MAD ou SAD).

Le remplacement moléculaire consiste à utiliser la structure d’une protéine homologue à celle étudiée, d’en calculer la diffraction théorique et d’utiliser les phases obtenues. En injectant ces phases dans le calcul, par méthode itérative, on peut parvenir à obtenir les phases correspondant à la protéine que l’on étudie. De nombreux programmes permettent de réaliser cette manipula-tion [119, 147, 162, 218]. C’est cette méthode que j’ai utilisée pour résoudre la structure de la thymidylate synthase X.

Pour le remplacement isomorphe multiple, on place des atomes lourds (Mercure, Platine, Uranium...) dans la protéine (par trempage par exemple) et l’image de diffraction du cristal correspondant permettra d’obtenir les phases. En effet, les atomes lourds ayant beaucoup plus d’électrons, leur signal sera plus important et contrasté, et on pourra en déterminer les phases [217]. On reviendra ensuite aux phases du signal correspondant à la protéine par des méthodes itératives.

Lorsque l’énergie du photon X est très proche du seuil d’absorption d’un atome, il y a ré-sonance. Il y a donc des changements dans la phase et l’amplitude du faisceau diffusé, c’est la dispersion anomale. On utilise des atomes naturellement présents dans la protéine (Soufre) ou que l’on peut introduire dans les méthionines (Sélénium) car leur seuil d’absorption correspond

aux longueurs d’ondes obtenues sur les lignes synchrotron. Il suffit de mesurer le signal de diffrac-tion à trois longueurs d’onde différentes bien choisies, plus ou moins proche du seuil d’absorpdiffrac-tion de l’atome, et les différences d’intensité vont permettre de déterminer les phases recherchées.

5.1.3 Reconstruction et affinement

Une fois le signal de diffraction analysé, on dispose d’une enveloppe qui correspond à la densité électronique de la protéine. Il s’agit alors d’effectuer ce qu’on appelle la reconstruction, à savoir replacer les atomes de la protéine dans la densité correspondante. On vérifie ensuite que la structure obtenue est en accord avec les propriétés physico-chimiques de la molécule en réalisant un affinement, c’est-à-dire une minimisation d’énergie en accord avec les valeurs expérimentales. Ces deux étapes sont réalisées de nombreuses fois l’une après l’autre de façon à pouvoir reconstruire le plus complètement possible la molécule.

L’accord de la structure obtenue avec les données expérimentales est mesuré par un paramètre statistique appelé Rf ree [27] (voir paragraphe 6.2.6).

5.2 La thymidylate synthase X : une cible