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1. GÉNÉRALITÉS

1.1. RAPPELS SUR LA SÉCHERESSE OCULAIRE

1.1.5. Diagnostic de la sécheresse oculaire

1.1.5.2. Examen clinique et examen de la surface oculaire

Le diagnostic de sécheresse oculaire étant difficile à établir uniquement avec les symptômes, un examen clinique est indispensable (104). Celui-ci comprend un examen du visage et des paupières, de la cornée, du limbe et de la conjonctive. L’état de la surface oculaire et du film lacrymal va ensuite être déterminé par plusieurs tests effectués en routine.

1.1.5.2.1. Examen clinique de l'unité fonctionnelle lacrymale

L’évaluation de la sécrétion lacrymale est effectuée en ayant recours au test de Schirmer, lequel est réalisé avec une bandelette qui se colore au contact des larmes et dont une extrémité est placée repliée dans la paupière inférieure du patient. Le liquide lacrymal va alors remonter le long de la bandelette par capillarité (Figure 9). La sécrétion sera donc estimée en fonction de la longueur colorée à la fin du test qui dure 5 min. En fonction du résultat, la sécrétion sera alors qualifiée de normale, modérée ou faible. Notons qu’il faut éviter le contact avec la cornée, qui déclencherait une sécrétion lacrymale réflexe faussant le résultat.

Adapté de http://www.mausmarrow.com

Figure 9. Test de Schirmer.

La stabilité du film lacrymal, ainsi que sa qualité, est appréciée par le temps de rupture du film lacrymal (Tear Break up time, TBUT) (105,106). Après instillation d’une quantité minime de fluorescéine, le délai d’apparition de la rupture du film lacrymal, soit l’intervalle de temps qui sépare le dernier clignement de la première « rupture » du film lacrymal détectée en utilisant la lampe à fente, est mesuré. Les valeurs normales sont supérieures à 15 secondes, la valeur en deçà de laquelle le temps de rupture est considéré comme pathologique est de 8 secondes, la règle étant d’effectuer une moyenne de 2 ou 3 mesures (107).

L’intégrité de la surface oculaire est étudiée via des tests utilisant le dépôt d’une goutte de colorant sur la surface qui permet alors de mettre en évidence les altérations et les irrégularités de la cornée et de la conjonctive (108).

Deux colorants peuvent être utilisés : la fluorescéine et le vert de lissamine.

La fluorescéine est un colorant fluorescent qui permet d'objectiver les pertes cellulaires épithéliales. Elle ne colore ni le mucus, ni les cellules elles-mêmes (109). Une imprégnation à la fluorescéine intervient lorsque les jonctions intercellulaires sont rompues. Ce marquage est détectable par examen à la lampe à fente et quantifié en utilisant une échelle de 0 à 4 : 0 correspond à une absence de marquage signant l’intégrité de la surface oculaire, 4 correspond à un marquage fort, signant une altération très importante de l’épithélium de la surface oculaire (Figure 10).

33 Schématiquement, les lésions sont conjonctivales lors de sécheresses oculaires modérées alors qu’elles atteignent la cornée dans les formes sévères.

Adapté de Ogawa et al., 2013 (110)

Figure 10. Test à la fluorescéine.

Le vert de lissamine colore uniquement les cellules mortes et permet d'apprécier la souffrance des cellules épithéliales de la surface (Figure 11).

In Creuzot-Garcher, 1999 (109)

Figure 11. Test au vert de lissamine chez un patient souffrant d'une sécheresse oculaire présentant une altération

importante de l'épithélium conjonctival.

Ces examens peuvent également être complétés par un examen des glandes de Meibomius

via une expression forcée du meibum (meibopression). Une pression sur la face antérieure des

paupières, près du bord libre, fait apparaître le meibum au niveau des méats meibomiens. Un meibum normal est transparent et huileux et sort facilement. Un meibum pathologique sort difficilement et prend un aspect visqueux (Figure 12).

Adapté de http://www.eyecarepartners.co.uk

Figure 12. Test de meibopression chez un individu sain et un individu présentant un dysfonctionnement meibomien.

1.1.5.2.2. Examen biologique de l'unité fonctionnelle lacrymale

L'examen biologique des larmes et des cellules conjonctivales complètent l'examen clinique du patient.

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1.1.5.2.2.1. Analyse des larmes

La mesure de l'osmolarité lacrymale est considérée comme un gold standard du diagnostic de la sécheresse oculaire puisqu'elle est moins sujette à variabilité que les autres signes classiques de la sécheresse oculaire (2,111–114). Les valeurs normales sont d'environ 300 mOsM, la valeur seuil établie pour évoquer une sécheresse oculaire est de 316 mOsM (115). C'est un marqueur relativement spécifique et sensible de la sécheresse mais qui doit être interprété en fonction de l'interrogatoire et de l'examen clinique. En effet, il existe des chevauchements entre les valeurs d'osmolarité lacrymale d'individus sains et de patients atteints de sécheresse oculaire (116). D'après des études récentes, plus qu'une valeur seuil, il semble que la valeur la plus élevée d'osmolarité obtenue après plusieurs dosages ainsi que la différence entre deux mesures soient un critère plus fiable, car meilleur témoin de l'instabilité lacrymale (117). La mesure de l’osmolarité s’effectue grâce à un appareil, le « Tear Lab™ », couramment utilisé en clinique. Il consiste en un stylo dont il faut placer l'embout au contact de la fine couche lacrymale se trouvant entre la paupière inférieure et l'œil (Figure 13). Ce test est bien toléré par le patient, il est indolore et le résultat est obtenu très rapidement.

Adapté de http://www.tearlab.com

Figure 13. Dosage de l'osmolarité lacrymale et appareil TearLab™.

Des examens biologiques peuvent également être effectués sur le liquide lacrymal et nécessitent alors son prélèvement (Figure 14). Celui-ci peut s'avérer extrêmement difficile, en particulier dans les cas de sécheresse oculaire. Dans certains cas sévères de sécheresse, il s'avère même impossible.

In Rapport de la SFO - Surface oculaire, 2015 (1)

Figure 14. Prélèvement de larmes à la pipette de transfert.

L'analyse des larmes s'avère pourtant très intéressante mais elle est soumise à controverse du fait de la sécrétion lacrymale reflexe qui peut être stimulée par le dispositif de recueil et ainsi fausser les résultats par dilution. Notons que certains de ces examens nécessitent d’avoir un laboratoire spécialisé dans le recueil des larmes et dans les techniques biologiques qui peuvent être appliquées à de petites quantités de produit biologique et que, en cela, l'exploration biologique du film lacrymal est parfois limitée.

35 La composition protéique des larmes peut être étudiée par électrophorèse qui va permettre de séparer les protéines du film lacrymal. Ces techniques se concentrent sur la détection des protéines majeures du film lacrymal : les lipocalines, l'albumine, les IgA sécrétoires, les immunoglobulines totales, la lactoferrine et le lysozyme. Dans des cas de sécheresse oculaire liée à la glande lacrymale, certains des pics de protéines détectés peuvent être diminués selon la sévérité de la maladie. Cette technique permet également de déceler des processus inflammatoires via l'augmentation des taux de protéines totales, d'albumine et d'immunoglobulines.

Le dosage spécifique des protéines lacrymales majeures, le lysozyme et la lactoferrine, peut également être réalisé et renseigne sur l'activité métabolique de la glande lacrymale car elles sont synthétisées par celle-ci. Une diminution de leur concentration est donc un indicateur d'un dysfonctionnement de cette glande (118). Les méthodes de dosages standards peuvent être utilisées notamment la technique Enzyme Linked ImmunoSorbent Assay (ELISA). Des kits commerciaux ont été développés pour simplifier ces dosages et les rendre accessibles aux cliniciens pour une analyse semi-quantitative.

1.1.5.2.2.2. Analyse des empreintes conjonctivales

L'étude des différents composants des larmes étant confrontée à certains écueils dont un très faible volume dans certains cas sévères et le risque d'une stimulation entraînant un larmoiement diluant les composants à doser, une technique a alors émergé, celle des empreintes conjonctivales. Cette technique permet le recueil de la couche cellulaire superficielle de l'épithélium conjonctival (119,120), de façon très peu invasive, rapide et quasiment indolore. Elle consiste en l'application d'un papier filtre sur la conjonctive bulbaire supérieure (Figure 15).

In Rapport de la SFO - Surface oculaire, 2015 (1)

Figure 15. Technique classique de prélèvement d'empreinte conjonctivale.

Elle peut ensuite être soumise à un examen cytologique permettant de visualiser: la densité cellulaire des cellules épithéliales et des cellules à mucus, les signes de souffrance cellulaire ainsi que la présence de cellules inflammatoires et parfois d'une métaplasie squameuse. Il peut également être fait une analyse immunocytochimique par cytométrie en flux sur les empreintes conjonctivales. Elle permet d'analyser des marqueurs biologiques d'inflammation, dont le principal est HLA-DR, actuellement considéré comme le meilleur marqueur d'inflammation au niveau de la surface oculaire, ce qui en fait un marqueur très important de la sécheresse oculaire (45,121–123). Cette technique apporte de nombreux renseignements, cependant elle reste peu réalisée en routine et est surtout utilisée en recherche pour étudier la physiopathologie de la sécheresse oculaire.

Notons que la recherche d'un SGS est effectuée en procédant à deux examens complémentaires : la recherche d'auto-anticorps circulants spécifiques de la maladie et la biopsie des glandes salivaires accessoires qui révèle une fibrose et une infiltration de cellules mononucléées.

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