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Ce sous-chapitre explique comment la transformation des structures foncières a engendré l’essor économique et spatial de l’activité agro-industrielle de la zone côtière. On peut alors s’interroger sur le passage d’une réforme agraire proposant une redistribution des terres à une politique libérale individualisant les propriétés et sur le fait que ces choix politiques ont dynamisé les productions agricoles.

Nous aborderont successivement la restructuration foncière résultant de la réforme agraire établie par le gouvernement militaire de J. Velasco Alvarado et le choix d’une politique libérale du gouvernement d’A. Fujimori dans les années 1990. Cette description historique rend compte de la situation foncière actuelle et la nouvelle donne de l’agriculture d’exportation.

1. La restructuration foncière après la réforme agraire des années 1970

Avant la réforme agraire, la terre était très inégalement répartie au Pérou. Piel (1984b : 283) illustre cette concentration des terres avec les chiffres de l'extension des haciendas dans les années 1930 suivant leur culture : la surface moyenne d'une hacienda de coton était de 457 ha, elle était de 695 ha pour une hacienda de riz et de 3 500 ha pour les haciendas sucrières. Dans les années 1960, les paysans représentés par les petites exploitations familiales et les communautés indigènes détenaient en moyenne 3,78 ha contre 1 338 ha pour chaque propriétaire d'hacienda.

Face à ce contraste foncier et social, le gouvernement militaire de J. Velasco Alvarado a fait voter en 1969 une nouvelle loi de réforme agraire. Elle avait comme objectif de changer cette distribution inégale pour que le plus grand nombre accède à la terre. Les grands domaines sont alors redistribuées entre les travailleurs, et une taille maximale des domaines a été imposée. La

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gestion de ces derniers n'était alors plus entre les mains de quelques riches propriétaires mais partagée entre les ouvriers agricoles. Cette législation avait pour principe de redistribuer les terres des grands domaines agricoles, alors haciendas, en les transformant suivant des modèles de propriétés associatives et d'autogestion d'unités agraires (Agreda et Mendieta, 2007). Les sociétés agricoles d'intérêt social (SAIS), les entreprises rurales de propriété sociales (ERPS) et les coopératives agraires de production (CAP) ont alors été créées.

% Terres

irriguées

Terres

non irriguées Pâturages Total

Propriétaires – entreprises 65,2 CAP 65,8 20,3 23,4 51,8 SAIS 6,4 24,1 38,4 11,9 ERPS 1 ,2 1,3 3,4 1,5 Propriétaires – autres 34,8 Communauté paysanne 7,6 4,7 11,4 7,7 Associations de paysans 7,4 29,4 21,2 14,5 Tenure individuelle 11,6 20,2 1,8 12,6 Autresa 0 0 0,4 0

a : sont comptabilisées aussi les centrales de coopératives et les coopératives agraires de services

Tableau 1-5 : Réappropriation des terres agricoles irriguées ou non suite à la réforme agraire (%), 1979

(Source : Caballero et Alvarez, 1980)

Ce tableau présente la répartition des terres cultivées redistribuées lors de la réforme agraire. Pour les terres irriguées, 65,8% ont été attribuées aux coopératives agraires de production, et 11,6 % aux propriétaires individuels. Les terres non irriguées ont été redistribuées entre les associations de paysans (29,4%), les sociétés agricoles d’intérêt social (24,1%), les CAP et les propriétaires individuels. Les pâturages ont été attribués à 38,4% aux SAIS, 23,4% aux CAP et 21,2 aux associations de paysans. Les ERPS et les communautés paysannes sont les groupes ayant reçu le moins de surface suite à la réforme agraire.

Cependant le problème de la concentration des terres n’a pas été résolu : la majorité des terres des domaines agricoles était transformée en coopératives de production (Eguren, 2003 : 9). Près de 400 CAP ont été créées avec plus de 80 000 associés (Portocarrero Maisch, 1987). Le tableau 1-5 montre l’importance des quantités de terres attribuées aux entreprises – CAP, SAIS, ERPS – avec plus de 65% du total des terres contre environ 35% pour les autres propriétaires – communautés paysannes, associations d’agriculteurs, tenure individuelle et autres – (Caballero et Alvarez, 1980 : 26).

Eguren (2003 : 13) précise que dès la création des CAP, les nouveaux propriétaires ont eu des problèmes pour maintenir une gestion entrepreneuriale du domaine, tant d'un point de vue administratif qu'économique et social. Malgré une tentative de régulation par l'Etat, les coopératives ont fait faillite et, dans les années 80, toutes les coopératives – excepté les coopératives sucrières qui disposaient d’un régime spécial – on été attribuées aux associés appelés « parceleros ». Dans un premier temps, les nouveaux propriétaires bénéficiaient d'un encadrement par des institutions de l'Etat, mais la situation s’est détériorée rapidement à la fin

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du gouvernement d'A. Garcia (Dollfus et Bourliaud, 1997 : 92). Finalement, dans les années 1980, la plupart des structures de gestion collectives ont été démantelées, ce qui a provoqué la parcellisation des entreprises et des coopératives entre leurs associés, et a laissé place à la tenure individuelle (Chaléard et Mesclier, 2006a).

Dollfus et Bourliaud (1997 : 92) précisent toutefois qu'il ne faut pas « réduire la situation de

l'agriculture de la côte aux avatars de l'hacienda et de la coopérative ». En marge des grandes

exploitations se sont maintenues des communautés indigènes souvent sur les terres plus médiocres ou moins bien dotées en eau. Elles ont hérités de 11,4% des terres de pâturage et seulement 7,6 % du total des terres cultivées (tableau 1-5). De façon très schématique, on peut dire que les communautés paysannes du Pérou ont connu trois grandes phases : leur reconnaissance dans les années 1920-1930, leur protection dans les années post réforme agraire et leur démantèlement progressif dans les années 1990. Dans le détail, les réalités sont plus complexes. Par exemple certaines communautés paysannes ont pu être créées à partir du démantèlement de coopératives dans les années 80, d'autres se sont constituées sur la base de groupes paysans, d’associations diverses de producteurs ou encore par scission de communautés déjà existantes (Mesclier, 2007).

La réforme agraire de 1969 a généré des changements radicaux pour la propriété agraire qui ne se sont pas limités à la redistribution des terres mais qui ont touché des aspects importants du concept même de droit de propriété de la terre et des droits agraires en général (Del Castillo, 2004 : 114). Del Castillo (2004) précise que la loi de 1969 organise une législation spéciale pour les communautés indigènes qui sont à présent appelées « communautés paysannes » ou « communautés natives ». Historiquement, les communautés indigènes ont été reconnues légalement dans la constitution de 1920. Celle de 1933 consolide ce traitement en considérant alors leurs terres comme inaliénables, imprescriptibles et insaisissables (Del Castillo, 2004). La constitution de 1979 incorpore un régime protectionniste des communautés (Agreda et Mendieta, 2007) et engage ainsi une époque de reconnaissance. En 1987, la loi générale des communautés paysannes22 et la loi de délimitation et titularisation du territoire communal23 définissent les droits, les devoirs, l'organisation interne et le territoire communal puis de solutionner la faible quantité de titres et d'inscriptions des communautés aux registres publics. Ces périodes favorables aux communautés engendrent une augmentation considérable de leur nombre mais les chiffres sont source de polémiques et sont en perpétuelle évolution notamment suite aux origines variées des nouvelles communautés (Mesclier, 2007). Alors qu'en 1972, les communautés étaient au nombre de 1 344 et s'étendaient sur plus de 6 millions d'ha (26% des

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Ley General de Comunidades Campesinas: ley 24656. http://www.cepes.org.pe/legisla/ley24656.htm

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surfaces agricoles), leur nombre atteignait 5 680 en 1994, recouvrant plus de 14 millions d'hectares soit 39,7% des terres agricoles (Del Castillo, 2004 : 112). En 1994, le recensement national agraire permet d'avoir un aperçu de la distribution des terres (Cf. tableau 1-6).

Unités agraires Surface Nombre % %

Personnes naturelles 1 706 935 96,72 39,9

Sociétés de fait 43 705 2,48 1,6

Sociétés anonymes 1 009 0,06 0,6

Sociétés à responsabilité limitée 629 0,04 0,4

Coopératives agraires 205 0,01 1

Groupes paysans 285 0,02 0,3

Sociétés agricoles d'intérêts sociaux (SAIS) 11 0,00 0,6

Communautés paysannes 5 680 0,32 39,8

Communautés natives 1 192 0,07 14,7

Entreprises rurales de propriété sociale (ERPS) 30 0,00 0,3 Groupes d'agriculteurs sans terre 36 0,00 0,04

Autres 4 949 0,28 0,8

Total 1 764 666 100 100

Tableau 1-6: Répartitions foncières des unités agraires au Pérou en 1994

(Source : Del Castillo, 1994)

En termes de nombre d’unités, on constate une prééminence considérable des unités agraires propriétés de personnes physiques, c'est-à-dire appartenant à des petits agriculteurs individuels. En termes de surfaces, les terres de ces petits propriétaires et les terres des communautés sont équivalentes soit chacun 39% de la surface totale. On en déduit la petitesse de la surface des terres à tenure individuelle (Selon le 3e recensement national agraire de 1994, la structure de la propriété agraire au Pérou est dominée par la petite agriculture. 84,4% des unités agraires recensées appartiennent à des minifundistes dont la superficie des parcelles varie entre 1 et 2,99 ha, de petits agriculteurs dont la superficie des parcelles varie entre 3 et 10 hectares. Ces 84,4% contrôle 10,5% du total des superficies agraires). Les terres administrées suivant une gestion collective recouvrent plus de 50% du territoire.

En 1994, les communautés paysannes, natives et les « personnes naturelles » possèdent plus de 94,4 % des surfaces agricoles (soit respectivement 39,8%, 14,7% et 39,9% pour chacune). La répartition foncière observée avant la réforme agraire s'est transformée. Le démantèlement des coopératives a engendré la redistribution des terres au plus grand nombre tout en parcellisant les surfaces. Les communautés paysannes quant à elles recouvrent une grande part des surfaces agricoles. Les chiffres soulignent une prédominance des droits de propriété collective (Mesclier, 2007 : 4) recouvrant presque 60% des surfaces agricoles.

Après cette période de légalisations favorables aux communautés, la politique libérale impulsée dans les années 1990 prend peu à peu effet et vient modifier considérablement ce schéma organisationnel. Le gouvernement libéral d'A. Fujimori encourage la privatisation des terres. Toutes les lois favorisent à présent l'investissement privé. Agreda et Mendieta (2007 : 12) expliquent que les communautés sont alors exclues, qu'elles restent en dehors de la démarche

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exportatrice et de l'intérêt des investisseurs en général. Les différentes lois votées entre 199524 et 199725 favorisent l'individualisation des titres de propriété afin de stimuler le marché des terres et principalement celui de la côte. Eguren (2004 : 47) explique que les communautés paysannes possèdent alors les plus grandes propriétés agraires. Elles sont constituées principalement par des terrains de pâturages naturels, considérés comme étant de faible valeur économique, en comparaison avec les terres irriguées. L'auteur précise ensuite que les terres des communautés de la Côte, non cultivées par manque de ressources hydriques et économiques, ont un fort potentiel économique si l'eau y est amenée permettant ainsi son développement agricole. Elles deviennent ainsi très attractives pour les investisseurs. La loi de 1997 (Annexe 1), introduit alors la notion d’ « abandon des terres »26 par les communautés afin de les attribuer à l'Etat. Un décret suprême de 1997 ajoute que « les terres désertiques avec aptitude agraire sont du

domaine de l'Etat, excepté celles qui ont un titre de propriété privé ou communal »27. Les transferts de terre non exploitées par les communautés ou par leurs membres vont pouvoir s’effectuer vers d’autres producteurs (Mesclier, 2007). La loi favorise les transferts de terres suivant plusieurs modalités : soit par l’accord des membres de la communauté, soit par l’attribution par le PETT28 (Projet spécial de titularisation des terres) représentant du Ministère de l’Agriculture. L’article 7 stipule qu’un occupant non membre de la communauté qui occupe un terrain depuis plus de 2 ans, peut faire une demande de titularisation auprès de la communauté. Si, lors du vote à l’assemblée des membres de la communauté, plus de 30% des présents sont favorables aux transferts, les terres sont vendues au nouvel occupant. L’article 10 stipule que si un individu, toujours extérieur à la communauté, a pris possession des lieux, les a mis en culture et les exploite économiquement, publiquement et pacifiquement depuis plus de deux ans, il peut faire une « déclaration d’abandon des terres » qu’il occupe désormais. Le Ministère de l’Agriculture, à travers le PETT, vérifie ensuite l’abandon des terres en présence du représentant de la communauté et des occupants des terres limitrophes. Le terrain devient propriété de l’Etat (article 12) et l’historique foncier est levé. Les terres sont alors transférées à

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Ley 26505 (1995), ley de tierras ou ley de la inversión privada en el desarrollo de las actividades económicas en las tierras

del territorio nacional y de las comunidades campesinas y nativas. Cette loi approuvée en juillet 1995, est la plus importante en

matière de terres agricoles. Elle a pour principal objectif de promouvoir l'investissement privé dans le développement d'activités économiques sur les terres du territoire national et sur les terres des communautés – art 1. Les communautés paysannes de la côte et celles de la sierra et de la selva ont des régimes différents.

25 Ley 26845 (1997), ley de Titularización de las Tierras de las Comunidades Campesinas de la Costa. Son objectif principal est

de faciliter l'accès à la propriété privée des terres, jusqu'alors considérées comme communales, à ses communautaires, mais aussi à des personnes extérieure à la communauté. Pour distinguer les communautés de la côte des autres, la limite est fixée à une altitude de 2000 m au dessus du niveau de la mer. Toutes les surfaces désertiques de la Côte sont à présent considérées comme propriété de l'Etat.

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Article 12 loi 26845 (1997): Constatado el abandono, el PETT dicta la resolución en un plazo que no excederá de noventa

(90) días desde que se realizó la inspección ocular, ordenando la incorporación del predio al dominio del Estado y disponiendo su inscripción registral a nombre de éste – Constatant l'abandon [des terres communales], le PETT dicte la résolution, au plus

tard 90 jours après l'inspection oculaire, ordonnant l'incorporation du terrain au domaine de l'Etat et stipulant son inscription au registres publiques au nom de l'Etat (traduction propre).

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Article 9 du décret suprême 011-97-AG (règlement de la loi 26505): Las tierras eriazas con aptitud agropecuaria son de

dominio del Estado, salvo aquellas sobre las que exista título de propiedad privada o comunal.

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PETT: Proyecto de Titularización de Tierras. Le PETT est une institution spécialisée du Ministère de l'Agriculture, créée en 1992 et financé par la BID.

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l’individu ayant déclaré les terres abandonnées au moyen d’une vente directe de l’Etat. La vente s’effectue ainsi en dehors du marché foncier puisqu’il n’y a qu’un seul acheteur possible et sans accord réel de la communauté, ancienne propriétaire (Mesclier, 2007).

Le territoire des communautés est divisé selon deux modes de gestion : les terres communales à gestion collective et les « parcelles familiales » à gestion individuel où chaque membre jouit de l’usufruit de sa parcelle. Ces dernières sont occupées et valorisées dans leur quasi totalité par les possesseurs des droits. Les terres communales quant à elles sont utilisées pour des activités extensives et/ou suivant le régime de rotation incluant parfois une ou plusieurs années de repos de la terre. C'est souvent cette partie de la communauté qui est récupérée par l'Etat, d’une part parce que les terres communales sont considérées comme en friche, et donc libres, sans propriétaires et appartenant à l’Etat et d’autre part, parce que la limite de leur territoire est fréquemment objet de litiges (Mesclier, 2007).

Face à la menace extérieure, les communautaires ont deux possibilités : une protection collective et une protection individuelle (Agreda et Mendieta, 2007 : 16). Suite à l'appropriation des terres désertiques par l'Etat, les membres eux-mêmes souhaitent une titularisation individuelle de leur terre (ibid., 2007 : 16). Certaines communautés sont alors divisées. Chaque membre obtient une portion de terre avec un titre individuel de propriété. La création et la mise en place du projet spécial de titularisation des terres - PETT (financé par la Banque Interaméricaine du Développement – BID) engendrent une individualisation des titres. En effet, la campagne de titularisation du PETT est favorable à l'agriculture d'exportation (Mesclier, 2007 : 15). L'accès des terres aux investisseurs nationaux ou étrangers ne peut se faire que si les terres communales sont parcellisées afin d’être transférables et accessibles sur le marché foncier.

Alors que la réforme agraire met en place des idéaux tel que : « la terre doit accomplir une

fonction sociale » ou encore « la terre appartient à celui qui la travaille », la période néolibérale

axe sa démarche sur les principes d'efficacité et de compétitivité (Eguren, 2004 : 42). Eguren (1998 : 1) explique finalement que la distribution des terres, suite à la réforme agraire, et les changements postérieurs ont diminué les grandes polarisations en termes de propriété. Cependant cette polarisation s'est ensuite reproduite dans la répartition et la distribution des investissements et des avancées technologiques, et elle se prolonge, sous d'autres formes.

2. La politique libérale des années 1990

L'arrivée au pouvoir d'Alberto Fujimori en 1990 a modifié considérablement la politique nationale, et notamment le secteur agricole. Son gouvernement a mis en place un plan de stabilisation « avec une extrême vigueur » et a conduit avec détermination un programme d'ajustement structurel fondé sur la doctrine néolibérale recommandée par le Fond Monétaire International (Dollfus et Bourliaud, 1997). Aldana et al. (2006) précisent que les institutions

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internationales poussent les pays du Sud à la libéralisation et les incitent à produire les denrées pour lesquelles ils ont le plus d'aptitudes. Les auteurs expliquent qu'au Pérou, ces mesures se sont traduites par la réduction des droits de douanes, la disparition des structures d'encadrement de la production agricole et la suppression de la Banque Agraire. Il y a ainsi une succession de modifications structurelles qui engage une grande modification du rôle de l'Etat, la privatisation des entreprises publiques et la libéralisation des différents marchés incluant le marché du travail (Eguren, 2004 : 38).

Eguren (2004) considère la politique libérale de Fujimori comme une réponse à la profondeur des crises économiques et sociales. Leurs premières manifestations datent des années 1965, aggravées pendant la seconde administration du Président Fernando Belaunde (1980-1985), elles ont atteint des dimensions importantes pendant le gouvernement d’Alan Garcia (1985-1990). Dollfus et Bourliaud (1997) quant à eux, appréhendent ce choix politique comme une réponse aux mesures économiques défaillantes des gouvernements antérieurs, notamment entre 1985 et 1990. L’interventionnisme étatique était alors très important, « cumulant les dérives et les

déficits ». Il était orienté vers des logiques politiques de court terme qui ont facilité la corruption

et, par ailleurs, ont engendré une inflation sans précédent.

Eguren29 (2003 : 31) présente les mesures agraires d'ajustement et de changements structurels engagés par le gouvernement qui ont provoqué des modifications de la politique sectorielle de l'Etat. Il propose une analyse sectorielle suivant trois périodes charnières : les années 1980, les années 1990 et à partir de 2000.

- Du point de vue des financements agraires, la Banque Agraire est liquidée au début des années 1990. Elle proposait des taux d'intérêts bas et était la principale source de financement pour les petits agriculteurs avant 1990. La banque commerciale, qui a dorénavant le monopole, est beaucoup plus rigide et sélective, elle décourage les petits producteurs. Cette institution favorise ainsi le développement d’autres petites institutions financières et le financement informel s'accroît. À partir de 2001, la banque Agrobanco30 est créée mais elle a des effets limités en

raison de ses capacités bancaires insuffisantes.

- Dans le secteur des investissements agraires, la diffusion des technologies, assurée tant par l’Etat que par le secteur privé, se fait, dans les années 1980, sur une petite échelle. Dans les années 1990, la diffusion est dorénavant limitée à quelques ONG et à des programmes

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Eguren, 2003. Les paragraphes qui suivent ont été rédigés en s'appuyant sur le travail d'Eguren (2003) tout en apportant des précisions formulées par divers auteurs sur des points particuliers.

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Agrobanco est une banque de financement agricole créée en décembre 2001 par l'Etat péruvien (Caro J.C., 2005. Pérou :

figure de proue de la finance rurale en Amérique Latine. Défis Sud n°69. pp26-28). L'auteur précise qu'elle a deux rôles :

fournisseur de crédit à court et à long terme pour les petits producteurs et intermédiaire à travers d'autre institution de micro finances. Cette banque dépend du Ministère de l'Agriculture en matière de provision. Agrobanco n'accorde pas de crédit aux agriculteurs individuels et non intégrés dans une chaîne productive.

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ponctuels. À partir de 2000 est créé Incagro qui finance des projets innovants et l'INIA (Instituto

Nacional de Innovación Agraria31) est restructuré.

- A partir des années 1990, une modification de la législation provoque la libéralisation du marché de la terre. Il n'y a plus de limite de taille pour les propriétés, les terres communales sont transférables à des tiers, un plan de régularisation des titres de propriété, le PETT est mis en place et les terres gagnées sur le désert, grâce aux projets d'irrigation, sont cédées par vente aux enchères.

- Dans le secteur de l'administration et des droits liés à l'utilisation de la ressource en eau un nouveau code des Eaux est promulgué à l’occasion de la réforme agraire en 1969, annulant celui de 1902. Il pose le principe suivant : l'Etat est propriétaire exclusif des eaux, tant superficielles